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De l’immersion en mer au premier centre de stockage.

Cartes de déchets immergés
A partir de 1949 et jusqu’en 1966, le Royaume-Uni, mais aussi dans une moindre mesure la Belgique et la Suisse, ont procédé régulièrement à des immersions dans différents sites de l’Atlantique et de la Manche. La plupart de ces imersions à plus de 1000 m de profondeur au large des côtes. Ces deux pays ont également immergé quelques déchets dans la fosse des Casquets, située à 15 km au nord-ouest du Cap de La Hague.
© ANDRA

La question du devenir des déchets radioactifs a commencé à se poser aux Etats-Unis, à l’Union Soviétique et à l’Angleterre à l’époque de la course à l’arme atomique qui a suivi la seconde guerre mondiale. Le volume des déchets radioactifs était encore très réduit et le problème paraissait mineur au regard des enjeux stratégiques.

En France, c’est à travers le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) que l’on a pris conscience du problème de la gestion des déchets, d’abord lors de l’acquisition de l’arme nucléaire à la fin des anées 1950, puis à partir du démarrage du nucléaire civil et des premiers réacteurs de la filière graphite-gaz.

Durant la période des débuts, la solution de l’immersion des déchets radioactifs, c’est-à-dire leur dépôt sur les fonds marins, sans enfouissement, après conditionnement pour les plus actifs d’entre eux, était considérée comme la meilleure et la plus sûre par la communauté scientifique car la dilution et la durée présumée d’isolement apportées par le milieu marin semblaient suffisantes.

La première immersion de déchets a été réalisée par les États-Unis en 1946 dans le Pacifique Nord-Est, au large de la côte de Californie, la première immersion dans l’Atlantique Nord-Est en 1949 par le Royaume-Uni .

Pendant près de 40 ans, entre 1946 et 1982, 14 pays ont procédé à des immersions dans plus de 80 sites du Pacifique et de l’Atlantique. La plupart de ces immersions ont été faites à grande profondeur dans des fosses océaniques. L’activité totale des déchets immergés était d’environ 85 000 térabecquerels à la date de leur immersion.

Ces milliers de térabecquerels peuvent de prime abord inquiéter mais les essais nucléaires américains et soviétiques des années 1960 ont relâché beaucoup plus dans l’atmosphère : 1 000 000 térabecquels pour le seul césium-137, bien davantage si l’on considère toutes les espèces radioactives. Les atomes radioactifs des déchets immergés confinés dans des colis ne se sont pas répandus librement dans l’eau de mer. La plupart ont perdu leur radioactivité à l’intérieur des colis ou y sont restés. L’impact des immersions anciennes de radioactivité est donc très inférieur à celui des essais nucléaires dans le milieu marin qui a été lui-même faible.

Le premier centre de stockage français : le centre de la Manche
Vue aérienne de la couverture du centre de la Manche en 1997, prédécesseur du Centre de l’Aube. On aperçoit à droite les premiers bâtiments de l’usine de la Hague. Le site est plein depuis sa fermeture en 1994. Les alvéoles ont été recouvertes de quelques mètres de terre. Le site de la Manche est le premier site de stockage français entré en phase de surveillance
© ANDRA

La pratique de l’immersion en mer fut progressivement abandonnée dans les années 1970, du fait à la fois du développement du nucléaire civil et de la montée en puissance de l’écologie dans l’opinion. La dernière immersion, hors ex-URSS, a eu lieu en 1982 dans l’Atlantique, à environ 550 kilomètres au large du plateau continental européen.

L’immersion de déchets fortement radioactifs a été interdite en 1975. Un moratoire sur l’immersion de ces déchets a été adopté en 1983 et en 1993 les signataires d’une Convention internationale ont décidé d’interdire l’immersion de tout type de déchets radioactifs dans la mer, décision principalement basée sur des considérations sociales et politiques.

PEUT-ON STOCKER DES DECHETS RADIOACTIFS EN MER OU DANS L’ESPACE
Épisode d’une  série de vidéos de l’IRSN consacrée aux déchets  radioactifs

Il fallait trouver d’autres solutions. A cette époque les combustibles usés sortis des réacteurs étaient entreposés et commençaient à être traités à Marcoule avant de l’être à la Hague. Il fallait également s’occuper du volume important des déchets faiblement radioactifs. Des organismes spécialisés dans la gestion des déchets radioactifs furent mis en place dont en France l’ANDRA. Avant la création en 1979 de l’ANDRA, un premier centre de stockage de déchets faiblement radioactifs à vie courte fut ouvert en 1967 à proximité de la toute nouvelle usine de la Hague.

Ce centre, le centre de stockage de la Manche (CSM) est implanté à vingt kilomètres au nord-ouest de Cherbourg sur la commune de Digulleville. Cette installation d’une superficie d’environ 15 hectares a reçu 527.225 m3 de colis de déchets répartis dans des ouvrages de stockage. Les colis reposent sur des dalles de béton armé, les plus radioactifs étant placés dans une enceinte également en béton armé, appelée monolithe, dont les vides sont comblés avec du béton.

Vidéo de l’ANDRA Histoire du premier centre français de stockage en surface de déchets faiblement et moyennement radioactifs, le centre de la Manche.

Le dernier colis de déchets y est arrivé en 1994. Après la mise en place de la couverture en 1997, la phase d’exploitation s’est achevée pour se prolonger par une surveillance active et efficace.

Durant ces 25 années d’exploitation les incidents ont été peu nombreux et mineurs. Le principal fut en 1976, l’observation d’un peu de tritium (en dessous des normes réglementaires) dans un cours d’eau. La cause de l’anomalie fut identifiée et supprimée. Un nouveau réseau de collecte par gravitation des eaux d’infiltration permet leur contrôle. L’expérience et la prise en compte des incidents ont permis au fil du temps d’améliorer les performances et la sûreté du stockage.

Video de l’ANDRA : Présentation du centre de la Manche