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Pompiers et liquidateurs : un lourd tribut

Les premiers intervenants furent les pompiers qui durent éteindre un gigantesque incendie alimenté par l’importante masse de graphite présente dans le cœur du réacteur. L’incendie dura près d’une semaine. 600 pompiers participèrent à cette extinction, durant laquelle ils furent exposés non seulement à une chaleur intense mais à une très intense radioactivité.

Largages par hélicoptère
Le personnel de l’usine, les pompiers et des militaires luttèrent pour mettre le réacteur sous contrôle. Des hélicoptères furent utilisés pour déverser des tonnes de sable et de matériaux divers sur les ruines du réacteur, afin de réduire la dispersion des produits radioactifs et l’exposition directe aux rayonnements émis. Les pilotes d’hélicoptères, souvent mal protégés, reçurent des doses importantes de rayonnements. Plusieurs d’entre eux payeront de leur vie leur intervention.
© BBC News 1986

Parmi ces pompiers, 134 souffrirent d’un syndrome aigu d’irradiation qui entrainèrent 40 décès, auxquels il faut ajouter 19 décès dus à des brûlures radio-induites. Des tonnes de matériaux furent ensuite déversées par hélicoptère, afin de réduire la dispersion des produits radioactifs. Le survol du réacteur, même rapide, exposait à des doses importantes.

Du fait de l’explosion, l’installation était recouverte de morceaux de graphite hautement contaminé, provenant du cœur ayant servi à ralentir les neutrons dans les réacteurs RBMK. De nombreux débris de graphite radioactif se retrouvaient en particulier sur le toit de l’unité N°3 voisine. Il fallut procéder au nettoyage de ces débris.

Premier nettoyage sur le site
Ces images sont extraites d’un film pris lors de la première intervention sur la centrale. Elles disent mieux que des mots, l’héroïsme des équipes de liquidateurs qui furent les premiers à intervenir, l’urgence, les moyens dérisoires face à l’ampleur de la catastrophe, l’absence poignante de radioprotection. Il s’agit de monter sur le toit du réacteur voisin pour le nettoyer des débris hautement radioactifs retombés après l’explosion.
© CNRS/Images-Media

Video de 1986 : Intervention de nettoyage du toit du réacteur N°3

Après l’extinction de l’incendie et les premières opérations de nettoyage, la tâche la plus urgente devint celle du confinement des ruines radioactives. On entreprit la construction de ce qui deviendra le sarcophage de Tchernobyl. Autour de la zone, les niveaux de radioactivité interdisaient la présence prolongée d’individus : quelques minutes au maximum. La seule solution était le recours à un grand nombre d’intervenants !

Ils furent des centaines de milliers à participer à ces opérations, pour lesquelles six mois seront nécessaires. Ils seront appelés les liquidateurs. On fit appel à des appelés sans beaucoup les informer des risques auxquels ils avaient à faire face. Pour certaines interventions dans les premiers temps, les mesures de protection se limitèrent à un simple mouchoir sur le nez et la bouche.

Nettoyage de débris radioactifs sur le toit
Ce nettoyage ne pouvait être accompli par des robots. On eut recours à des liquidateurs qui furent parmi les plus exposés. Après être grimpés par une échelle, ils courraient sur le toit du réacteur 3 pendant quelques minutes ou moins, enlevant seulement quelques pelles de déchets graphite avant qu’une nouvelle équipe ne prenne son tour
© Igor Kostin / Novosti Press Agency

On estime que 350 000 personnes dont des soldats, le personnel de la centrale, des policiers locaux et des pompiers, participèrent en 1986 et 1987 aux interventions d’urgence et aux opérations de confinement et de nettoyage. Parmi eux, 240 000 prirent part à des opérations majeures visant à atténuer les conséquences de l’accident auprès du réacteur et dans la zone d’exclusion.

Plus tard, de 1986 à 1990 le nombre de personnes enregistrées comme liquidateurs monta à 600 000. Les doses d’exposition en moyenne de 120 millisieverts (mSv) sur 4 ans ont été très inégales. Une partie d’entre eux (300 000) furent exposés à des niveaux relativement élevés de radiations, en particulier au sein des premières équipes qui intervinrent sur le site. Sur les 600 000 liquidateurs, 300 000 reçurent en moyenne 150 mSv, le reste seulement 10 mSv.

Le suivi médical des liquidateurs est difficile car ils étaient de nationalités différentes (russes, ukrainiens, estoniens …) et ils sont maintenant éparpillés dans les républiques issues de l’ancienne Union soviétique. La dose moyenne due à l’irradiation externe pour les liquidateurs russes, calculée à partir des données officielles, est de 108 mSv, 4,2 % des liquidateurs ayant reçu plus de 250 mSv.

Les calculs sur le nombre de victimes sont incertains. En appliquant la règle de la “relation linéaire sans seuil” préconisée par la CIPR (Commission Internationale de Protection Radiologique), 3000 des 600 000 liquidateurs de Tchernobyl pourraient mourir un jour des suites de leur exposition. Cette estimation suppose que la proportion entre le nombre de décès et la dose est la même que celle qui fut observée parmi les victimes de Hiroshima et Nagasaki. Au niveau individuel, il ne sera pas possible de distinguer un tel cancer d’un cancer du à d’autres causes. Par ailleurs, un excès de suicides est signalé. La détresse des liquidateurs est aussi l’une des conséquences de la catastrophe.

Cette détresse est accrue par des estimations pas toujours fondées sur la réalité. A l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de l’accident, des chaines de télévisions ont fait état de 400 000 décès parmi les 600 000 liquidateurs. Pour faire bonne mesure, les mêmes sources réévaluèrent à un million le total des décès dus à l’accident, 250 fois les 4000 évalués en 2011 par l’AIEA et la CIPR, des organismes reconnus pour leur compétence et honnêteté scientifiques.

Inflation de chiffres n’est pas vérité. En l’absence de moyens pour dénombrer physiquement les victimes, faut-il exploiter les peurs? Faut-il par exemple plonger dans l’angoisse un liquidateur de Tchernobyl en lui affirmant que les deux tiers de ses camarades sont déjà morts, alors qu’une telle évaluation n’est pas prouvée ?

CAUSES ET DÉROULEMENT DE L’ACCIDENT

– 1) : Un essai malencontreux : Une suite d’erreurs et de violations de règles
– 2) : Incendie du réacteur de Tchernobyl qui a suivi