L’expérience CTA
Explorer l’espace à l’échelle de la Terre
Le projet CTA (« Cherenkov Telescope Array ») constitue la prochaine génération de réseaux de télescopes à effet Cherenkov atmosphérique qui devrait prendre ses premières données à l’horizon 2022. Il a fait l’objet de la constitution d’une collaboration internationale de plus de 1300 scientifiques répartis dans 210 institutions de 32 pays. Ses objectifs sont de couvrir un domaine en énergie des rayonnements cosmiques détectés de dix GeV à plusieurs centaines de TeV (millier de GeV) avec une sensibilité accrue de plus d’un ordre de grandeur par rapports aux expériences existantes actuellement (essentiellement HESS, MAGIC et VERITAS).
Le projet comprend deux réseaux qui seront installés dans les deux hémisphères. Ces réseaux sont composés de télescopes de trois tailles différentes. Les plus grands, dotés d’un miroir de 23 mètres de diamètre et un champ de vue de 4,5°,couvriront le domaine des basses énergies (au dessous de 200 GeV). Les plus petits, de 4 mètres de diamètre pour un champ de vue d’environ 9°, sont dédiés préférentiellement aux hautes énergies (au dessus de 5 TeV). Enfin, les télescopes de taille intermédiaire, de 12 mètres de diamètre, ont un champ de vue également très large (entre 7 et 8°) pour une vaste couverture du ciel dans le domaine des énergies intermédiaires.
Dans l’hémisphère sud, à proximité du site de Cerro Paranal au Chili, le réseau sera équipé de 4 télescopes de grande taille, 25 de taille intermédiaire,complété par 70 télescopes de petite taille (la figure ci-dessus est une vue d’artiste de la configuration nord sur une image du site). Dans l’hémisphère nord, sur l’île de La Palma aux Canaries, seront installés 4 télescopes de grande taille et 15 de taille intermédiaire. Ce déséquilibre entre les deux sites se justifie par la surabondance de sources potentielles qu’offre l’observation du plan galactique essentiellement accessible dans le sud.
L’existence de deux sites est motivé par plusieurs considérations :
– La volonté de couvrir l’intégralité de la voûte céleste avec un système relativement homogène. Cette configuration peut se révéler importante, par exemple dans le domaine de la recherche de signaux de matière noire. Cette source hypothétique de rayonnement gamma remplirait l’univers de façon inhomogène. Ainsi, en comparant l’amplitude d’un éventuel signal dans des observations prises en direction du centre galactique ou à l’opposé, on pourrait, en se basant sur des modèles de distribution de matière noire, consolider ou invalider l’hypothèse de sa détection. Un autre exemple est l’observation d’une source au zénith d’un site qui sera observée à basse élévation (bas sur l’horizon) dans le second. Une conséquence est que le premier site couvrira plus facilement le domaine des énergies intermédiaires alors que le second étudiera préférentiellement la région du spectre de plus hautes énergies.
– Le développement d’observations multi-messagers en comparant les observations dans le domaine des rayonnements gamma avec la détections de neutrinos astrophysiques qui pourraient être émis par les mêmes sources. Une corrélation entre ces deux signaux serait une information importante sur les mécanismes mis en jeu dans ces source en faveur d’un processus hadronique de production de ces particules. Ainsi, les observation du site nord serait associées à celles de l’expérience IceCube de détection neutrino installé dans la glace du pôle sud et le site sud de CTA coordonnerait ses observations avec l’expérience ANTARES ou le projet KM3Net installés dans les abysses de la Méditerranée. En effet, les expériences neutrinos détectent des événements avant traversé la terre et donc issus de sources se trouvant dans l’hémisphère opposé.
– Enfin, si les expériences actuelles poursuivent leurs observations à l’horizon 2020, du fait de la rotation de la terre, on peut envisager de réaliser des compagnes d’observations est-ouest. Par exemple, l’expérience HESS, au sud, commence ses observations sur une source donnée qui seront complétées par le site sud de CTA, situé à l’ouest du premier, lorsque ce dernier entrera à son tour dans la nuit. Ainsi, il sera possible de suivre le comportement des sources astrophysiques à différentes échelles de temps.
Objectifs scientifiques du projet CTA
Les objectifs scientifiques du projet sont riches et variés. Avec son faible seuil en énergie, il pourra sonder en profondeur l’univers lointain. En effet aux hautes énergies une partie du rayonnement émis par les sources extragalactiques interagit avec le fond cosmique intergalactique (situé dans le domaine de l’infrarouge) ce qui limite l’horizon des observations. Ce même phénomène d’absorption peut être également mis à profit pour sonder ce milieu intergalactique qui est riche d’information sur la formation des grandes structures de l’univers. Enfin, un seuil bas augmentera également le nombre de sources galactiques qui se trouvent aux limites de la sensibilité des expériences actuelles tels que les pulsars. Aux hautes énergies, le projet permettra d’élucider le problème de l’origine des rayonnements cosmiques, notamment, par une fine reconstruction de la région extrême du spectre en énergie.
Le large champ de vue et la sensibilité de l’instrument permettra une observation systématique du ciel pour laquelle on s’atteint à observer 10 fois plus de sources que le nombre actuel pour atteindre un total de plus d’un millier d’objets (la figure 2 ci-dessus représente une simulation de l’observation par CTA de la région centrale de la Voie Lactée). Enfin, citons la haute résolution angulaire des télescopes qui permettra d’étudier finement la morphologie des sources étendues et la vitesse de positionnement des montures des télescopes (environ 20 secondes pour se positionner en tout endroit dans le ciel pour les grand télescopes) permettant de saisir des phénomènes transitoires et ténu. Tous ces atouts permettront une recherche en dehors du domaine de l’astrophysique. Des thèmes comme le test de l’invariance de Lorentz en cosmologie ou la recherche de la matière noire de l’univers en astroparticules seront également explorés.
Pascal Vincent, professeur à l’Université Paris-VI
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