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Une plateforme d’analyses en région Aquitaine

Les laboratoires de physique nucléaire du CNRS/IN2P3 sont maintenant équipés de moyens lourds et d’accélérateurs de particules. Un exemple est la plate-forme AIFIRA près de Bordeaux.

La plate-forme AIFIRA (Applications Interdisciplinaires des Faisceaux d’Ions en Région Aquitaine) a été inaugurée en octobre 2005 au Centre d’Études Nucléaires de Bordeaux Gradignan (CENBG) situé sur le campus de l’Université Bordeaux 1. Ouverte à des utilisateurs d’horizons variés, la plate-forme AIFIRA permet de mettre en œuvre diverses techniques d’analyse par faisceaux d’ions. Ces techniques sont utilisées pour des études liées au cycle électronucléaire, pour l’analyse de matériaux, d’objets du patrimoine ou encore pour cartographier et quantifier la distribution des éléments chimiques dans les cellules ou les tissus biologiques. AIFIRA dispose d’un accélérateur de dernière génération (Singletron HVEE) capable de délivrer des faisceaux continus d’ions légers d’hydrogène (H+), de deutérium ( D+) et d’hélium (He+) très stables en énergie et plus ou moins focalisés selon les besoins des expérimentateurs.

Accélérateur AIFIRA
Vue de la salle machine
© CENBG

Les ions sont tout d’abord accélérés sous l’effet d’une tension pouvant atteindre 3,5 millions de volts pour être ensuite dirigés vers une des cinq lignes expérimentales. Parmi ces lignes, la ligne nano-faisceau est dédiée à l’imagerie et à l’analyse chimique haute résolution. Le faisceau de taille légèrement inférieure au micromètre, en conditions standards d’analyse, vient balayer la surface de l’échantillon. La taille du faisceau peut varier de 5 µm à 300 nm suivant le type d’analyse employée. La gamme d’énergie délivrée par l’accélérateur permet typiquement de sonder une épaisseur de 10 à près de 200 µm, selon la nature chimique de l’échantillon et le type d’ion choisi.

Deux types d’analyses sont principalement utilisées, elles permettent de récolter des informations sur la localisation et la concentration des différents éléments chimiques par émission de photons X (PIXE, Particle Induced X-ray Emission) et des informations sur la composition chimique en profondeur de l’échantillon par analyse des particules rétrodiffusées. Cette dernière technique nommée RBS (Rutherford Backscattering Spectrometry) permet, dans le cas des échantillons biologiques, d’accéder à la composition en carbone, azote, et oxygène, qui sont les constituants majoritaires des matrices biologiques et ainsi de déterminer la masse de l’échantillon. D’autres techniques d’analyse peuvent également être employées sur la nanosonde à savoir l’analyse par réaction nucléaire (NRA, Nuclear Reaction Analysis) qui permet de connaitre le profil de concentration en profondeur d’éléments chimiques et de leur isotopes, la détection de noyaux de recul élastique (ERDA, Elastic Recoil Detection analysis), une des rares techniques d’analyse donnant accès à la concentration en hydrogène dans un échantillon ou encore l’analyse de perte de masse en transmission (STIM, Scanning Transmission Ion Microscopy) qui est utilisée pour l’imagerie haute résolution.

Vue de l’intérieur de l’accélérateur durant une maintenance
© CENBG

La plate-forme dispose également d’une ligne d’irradiation cellulaire pour l’étude des effets biologiques des radiations. Pour ce faire, un faisceau de particules de taille micrométrique, extrait à l’air, est dirigé sur des cellules vivantes en culture en contrôlant aussi bien la dose délivrée que la localisation de l’irradiation de la cellule, dans son cytoplasme ou son noyau. Les cellules peuvent ensuite continuer à être cultivées pour étudier leur réponse dans le temps aux irradiations.

Vue de la salle d’expérience AIFIRA
© CENBG

Une troisième ligne permet d’extraire le faisceau d’ions à l’air pour l’étude des objets qui ne peuvent pas être placés sous vide dans une chambre d’analyse du fait de leur trop grande taille ou de leur fragilité. Cette ligne de « faisceau extrait » est surtout utilisée pour l’analyse d’objets archéologiques et du patrimoine culturel. Des objets fabriqués au Néolithique en obsidienne, un verre d’origine volcanique, ont été ainsi analysés par des équipes de l’Institut de Recherche sur les archéomatériaux afin de mieux comprendre les voies d’échanges de cette époque.

Une ligne de « macro-faisceau » est consacrée exclusivement à l’analyse des matériaux à l’aide d’un faisceau de taille millimétrique. La plupart des techniques d’analyse par faisceau d’ions peuvent être mises en œuvre (PIXE, RBS, ERDA et NRA) La chambre d’analyse peut-être également équipée d’un dispositif spécifique afin de pouvoir canaliser l’ion à travers l’échantillon. Il est alors possible d’analyser des couches minces de quelques dizaines de nanomètre d’épaisseur, déposés à la surface d’un support plus épais. Les échantillons analysés ont pour l’essentiel une utilisation dans le domaine de l’électronique.

Ces capacités d’analyse sont complétées par une ligne dite « de physique » utilisée pour produire des faisceaux de neutrons par réaction nucléaire entre le faisceau d’ions incident et une cible solide ou gazeuse, sélectionnée suivant l’énergie des neutrons désirée. Ces faisceaux de neutrons sont utilisés pour mesurer des sections efficaces neutroniques de capture et de fission dans le cadre d’études sur la transmutation des déchets radioactifs et sur de nouveaux combustibles pour la filière électronucléaire moins polluants. Elle sert également pour l’étalonnage de détecteurs à neutrons.

La cellule de transfert de technologie du CENBG, ARCANE (Atelier Régional de Caractérisation par Analyse Nucléaire Élémentaire) utilise régulièrement les équipements de la plateforme AIFIRA dans le cadre de son activité de prestation de service en analyse et caractérisation par faisceaux d’ions.

Stéphane Roudeau