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La RBS ou « Spectrométrie de Rétrodiffusion Rutherford »

La méthode RBS est une méthode d’analyse par faisceau d’ions très utilisée en science des matériaux et auprès de l’accélérateur AGLAE. Elle porte le nom du grand physicien néo-zélandais Ernest Rutherford et constitue une application de l’expérience qui lui permit de démontrer en 1903 l’existence du noyau atomique. RBS signifie Rutherford Backscattering Spectrometry, en français « Spectrométrie de rétrodiffusion Rutherford ».

Le faisceau d’ions accélérés à une énergie de quelques MeV est dirigé sur l’échantillon à analyser. Il est composé de protons ou de noyaux d’hélium (particules alpha). Un ensemble de lentilles électromagnétiques focalise le faisceau au niveau de l’échantillon à un diamètre de l’ordre de quelques microns. En raison de cette concentration du faisceau, on parle de microsonde nucléaire.

L’avantage de la rétrodiffusion Rutherford est d’analyser la distribution à faible profondeur d’un atome-cible, car l’énergie de rétrodiffusion dépend de la localisation de cet atome, du fait de la perte d’énergie dans le matériau que l’on sait calculer avec une bonne précision.

Lustre de la cathédrale d’Hildesheim en Basse-Saxe
La cathédrale d’Hildesheim s’enorgueillit d’une magnifique couronne de lumière de l’époque ottoniene suspendue dans son chœur. Le lustre d’Hezilo comporte 12 tours et 12 portes reliées par des fragments de murailles, figurant la Jérusalem céleste. Dans le passé, des pièces endommagées furent remplacées par des pièces nouvelles, dorées par électrolyse. En 2000-2001, deux tours, une porte et deux fragments de muraille furent confiées au laboratoire du C2RMF à fin d’analyses des dorures avant restauration, au moyen de la rétrodiffusion Rutherford sur AGLAE.
© C2RMF

La méthode RBS consiste à compter le nombre d’ions projectiles qui rebondissent vers l’arrière lorsqu’ils sont repoussés par le champ électrique des noyaux cibles de l’échantillon. Des détecteurs capables de compter les projectiles rétrodiffusés et de mesurer leur énergie de recul sont disposés à un angle de diffusion choisi généralement dans la gamme 150-170° par rapport à la direction du faisceau. Même avec des intensités suffisamment faibles pour ne pas endommager l’échantillon, les faisceaux contiennent des milliards d’ions projectiles, si l’on se souvient du nombre d’Avogadro. Les détecteurs compteront en peu de temps des milliers d’ions rétrodiffusés.

Pour un angle donné, l’énergie des ions diffusés est caractéristique de la masse du noyau cible. Plus le noyau est lourd, plus cette énergie est élevée et surtout plus la probabilité d’observer ce recul est importante car elle varie comme le carré de la charge électrique Z du noyau. La technique est donc appropriée à l’analyse des éléments intermédiaires ou lourds dans un matériau léger

Comme les rayons alpha de la radioactivité, les ions accélérés ont un très court parcours dans la matière qui dépend de l’énergie d’accélération. L’analyse ne concerne que la partie superficielle du matériau (quelques microns au plus) comme la couche de peinture d’un tableau, une fine dorure. Le spectre obtenu avec une cible épaisse présente une forme particulière constituée de marches successives ayant un front à une énergie caractéristique de chaque élément constitutif et une hauteur en première approximation proportionnelle à la concentration atomique de l’élément.

Un spectre RBS des dorures du lustre d’Hildesheim
Il s’agissait d’analyser la composition et l’épaisseur des couches de dorures, dorures à l’amalgame de mercure pour les parties authentiques, électrolytiques pour les parties restaurées. La rétrodiffusion Rutherford permet d’accéder au profil à faible profondeur de la composition des éléments chimiques. L’analyse a montré que les dorures authentiques et restaurées avaient la même composition, sans doute pour assurer l’uniformité des couleurs : l’or employé titre à moins de 21 carats ; l’épaisseur des dorures est de 2 à 5 microns pour la dorure au mercure, 0,2 à 0,5 microns pour la dorure électrolytique. Ces épaisseurs témoignent d’un soin particulier dans les traitements.
© C2RMF

Le spectre RBS fournit aussi une information sur la distribution en profondeur des atomes de la cible, du fait de la perte d’énergie de la particule diffusée lors de son trajet aller-retour. Malgré une sensibilité bien moindre que l’analyse PIXE, la méthode est bien adaptée au dosage des éléments lourds. Elle offre le précieux avantage de fournir une information sur la distribution de l’atome-cible en profondeur. L’énergie de rétrodiffusion qui est mesurée dépend de la localisation de cet atome et donc du ralentissement de la particule dans le matériau, ralentissement que l’on sait calculer avec une bonne précision.

Souvent on combine les analyses PIXE et RBS. La technique PIXE, extrêmement sensible, ne donne accès qu’à la mesure de la concentration en surface des éléments chimiques à partir du sodium (Z>10), même à l’état de traces. La mise en œuvre simultanée des techniques PIXE et RBS permet de relier les concentrations de surface d’éléments obtenues par PIXE à la densité de l’échantillon obtenue par RBS. On peut ainsi mesurer des concentrations d’éléments traces aussi minimes que quelques millionième de gramme par gramme (ppm).