Identifier les sources de rayons cosmiques de très haute énergie
Science toute nouvelle, l’astronomie gamma s’intéresse aux rayons gamma en provenance de l’espace le plus lointain.
L’astronomie gamma s’intéresse plus particulièrement aux gamma de très haute énergie. L’intérêt des gamma est que leur direction pointe vers leur lieu d’origine. L’intérêt des hautes énergies est de localiser dans l’univers les sources à même de conférer à des particules des énergies aussi élevées.
Les particules détectées au sol ou à bord de satellites possèdent une gamme en énergie extrêmement étendue. Les particules d’énergie extrême atteignent une dizaine de Joules, une énergie extraordinairement élevée pour une particule (1 Joule équivaut à 6,25 milliards de milliards d’électronvolts). Ces particules ultra-rares donnent une idée de la puissance des accélérateurs cosmiques à l’origine de telles énergies.
Rappelons que l’énergie des gamma de la radioactivité dépasse rarement le MeV (million d’électronvolts). Les accélérateurs de particules génèrent des particules allant jusqu’à des centaines de milliers de MeV ou GeV. Ces accélérateurs sont à leur tour surclassés par les fantastiques capacités d’accélérations que l’on trouve dans le cosmos au voisinage de sites tels que les supernovæ, les pulsars ou les noyaux actifs de galaxies (AGN), galaxies renfermant vraisemblablement, en leur centre, un trou noir dont l’activité engendre des jets de particules ultra-relativistes que nous détectons.
Comprendre les phénomènes de production et d’accélération des rayonnements
Comprendre les phénomènes de production et d’accélération de ces rayonnements est d’un intérêt majeur aussi bien dans le domaine de l’astrophysique que de la physique des particules. Malheureusement, la majorité de ces rayonnements provient de particules chargées et, à part aux énergies extrêmes où la statistique fait cruellement défaut, l’origine de leur lieu d’émission nous échappe. En effet la présence des champs magnétiques intergalactiques, encore mal connus, rend la localisation et l’identification des sources difficile. Le recours aux rares particules neutres (photons et neutrinos) qui composent ce rayonnement permet non seulement de contourner cette difficulté mais également d’étudier indirectement les rayonnements chargés dont elles sont issues.
Un exemple remarquable de l’utilisation des photons pour étudier les rayonnements cosmiques de haute énergie et leurs sources, est fourni par la cartographie du ciel par l’expérience LAT (Large Aera Telescope) de la mission FERMI. La Voie Lactée exhibe une bande continue de rayonnements gamma générée par les interactions des rayons cosmiques avec les gaz interstellaires. Superposé à ce continuum, des sources ponctuelles reflètent l’existence de sites d’accélération ou de concentrations importantes de matière interstellaire.
La gamme de détection en énergie du LAT, située entre quelques MeV et quelques dizaines de GeV, est de trois ordres de grandeur inférieure à la gamme d’énergie étudiée par l’expérience H.E.S.S, et bien en dessous des énergies des rayons cosmiques d’ultra-haute énergie, mais l’exemple illustre bien les principes fondamentaux de l’astronomie gamma.
L’astronomie gamma est née il y a plus d’une vingtaine d’années. Elle couvre un vaste domaine en énergie allant de la centaine de keV à quelques dizaines de TeV (1000 milliards d’électronvolts), soit près de 9 ordres de grandeur.
A de plus hautes énergies, entre 100 TeV et 1 000 TeV, l’absorption des photons gamma par le rayonnement du fond diffus intergalactique limite considérablement l’horizon accessible aux observations de sources extragalactiques ; et aux énergies encore supérieures, la distinction entre les photons et les autres rayonnements reste inaccessible aux techniques actuelles. Pour fixer les idées sur l’ampleur du domaine de recherche, en partant à plus basse énergie des ondes radios aux rayons X, les recherches couvrent 11 ordres de grandeur du spectre électromagnétique.
L’étude de l’ensemble du spectre d’émission, du domaine radio jusqu’à ces énergies extrêmes, permet de comprendre les mécanismes de production et d’accélération des particules dans des sites où se produisent des phénomènes violents tels que les supernovæ (explosions d’étoiles), les environnements des pulsars (étoile effondrée sur elle même et en rotation rapide) ou dans des objets plus exotiques tels que des systèmes de trous noirs galactiques comme les “ micro-quasars ”. La sensibilité de ces expériences permet aussi de détecter des objets plus lointains, hors de notre Voie Lactée, tels que des noyaux actifs de galaxies (AGN) – galaxies renfermant vraisemblablement, en leur centre, un trou noir dont l’activité engendre des jets de particules ultra-relativistes que nous détectons -, des amas de galaxies ou les restes de collisions entre galaxies.
Si la détection de ces rayonnements gamma permet d’étudier leur source de production, leurs non détection permet également de comprendre le contenu de notre Univers. Comme il a été dit plus haut, lors de leur trajet, les gamma de haute énergie peuvent être absorbés en interagissant avec des photons de basse énergie, appartenant au domaine infrarouge ou visible, que les physiciens appellent le fond diffus infrarouge ou optique. La densité du fond diffus infrarouge ou optique est un paramètre actuellement mal connu, qui est à la base de la compréhension de la formation des structures stellaires. Ainsi, la large gamme en énergie des rayons gamma permet d’étudier ce fond diffus et d’en déterminer la densité. En effet, à la limite du domaine en énergie des rayons gamma, l’énergie libérée lors d’une interaction avec des photons du fond diffus est suffisante pour matérialiser une paire électron-positon. Les photons gamma qui interagissent ainsi échappent à la détection. Ceci se manifeste par une brisure dans l’évolution du spectre en énergie au-dessus d’un certain seuil. La mesure de ce déficit en gamma est une mesure indirecte de la densité de fond diffus présent dans le milieu intergalactique.
Enfin, notons que dans l’état actuel de nos connaissances, les observations montrent que nous n’appréhendons que 4,5% du contenu de l’Univers. Le reste constitue une énergie ou une matière (appelées énergie et matière noire ou sombre par les physiciens) qui est soit hors de porté de nos détecteurs soit de nature inconnue. Dans la deuxième hypothèse, des études sont en cours pour en révéler l’essence au travers de distorsions qu’elle pourrait produire sur les spectres en énergie reconstruits par ces expériences.
Pascal Vincent
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