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Une source abondante d’énergie … sans CO2

L’énergie nucléaire a-t-elle un avenir ? L’épuisement du gaz et du pétrole bon marché, le réchauffement de la planète dû à l’effet de serre, pourraient conduire au développement de la production d’énergie nucléaire, une source d’énergie au potentiel quasi-illimité et qui ne produit pas de CO2. Malgré ces atouts, le recours au nucléaire fait débat dans la vieille Europe. Ainsi, l’Allemagne arrête ses réacteurs quitte à recourir à des centrales au charbon.  En Asie, les besoins sont immenses. La Chine en particulier s’est lancée dans un programme ambitieux.

Si un tel développement doit avoir lieu, il faudra recourir à de nouveaux types de réacteurs : des réacteurs “avancés” qui seront la suite des précédents et à long terme des réacteurs qui marqueront une claire rupture par rapport à leurs devanciers. Les premiers sont dits de troisième génération, les seconds de quatrième génération.

Générations de réacteurs
Les réacteurs actuels à eau bouillante, à eau pressurisée, ou encore CANDU sont appelés réacteurs de seconde génération, les réacteurs de première génération étant les premiers réacteurs prototypes des années 50-60 dérivés de ceux conçus pour équiper des sous-marins. La génération II devrait céder la place à des réacteurs avancés dits de troisième génération, mais de conception similaire comme le réacteur à eau pressurisée EPR. Il est question à plus lointaine échéance d’une quatrième génération de réacteurs qui auraient un meilleur rendement et produiraient moins de déchets.
© IN2P3

La mise en service des premiers réacteurs de troisième génération du type EPR a pris beaucoup de retard. Elle était prévue pour 2018, mais c’est en Chine et non en Europe qu’elle a eu lieu. La construction des têtes de série en Finlande et en France à Flamanville s’est avérée laborieuse. Ces puissants réacteurs de 1 550 MWe sont à même de multirecycler les combustibles MOX à base de plutonium. Ils disposent de systèmes redondants de sûreté qui les rendent particulièrement sûrs. Mais ces dispositifs perfectionnées rendent ces réacteurs chers.

Malgré leur technique éprouvée, les réacteurs actuels dont la conception remonte au programme “Atoms for Peace” lancé par le Président Eisenhower en 1953, se prêtent mal aux exigences d’un développement durable. Ces réacteurs n’utilisent qu’une petite partie de l’énergie contenue dans l’uranium naturel : ils reposent sur la fission par des neutrons lents de l’uranium 235, présent seulement à raison d’un noyau sur 140. Les noyaux d’uranium 238 qui constituent les 139 autres peuvent produire aussi de l’énergie à condition d’être transmuté en plutonium 239 par capture d’un neutron. Ce processus de transformation n’est que faiblement exploité dans les réacteurs à neutrons lents.

Trois concepts de réacteurs, dits de quatrième génération, se proposent de tirer systématiquement profit de cette transmutation de l’uranium 238 en plutonium 239 et d’aboutir à la régénération du combustible. Tout noyau fissile consommé. serait remplacé par un nouveau noyau fissile. Cette régénération nécessite des neutrons rapides. Les trois concepts différent par le choix du milieu “caloporteur” assurant le refroidissement : sodium liquide, plomb liquide ou hélium haute pression. En France, le projet ASTRID,arrêté en 2019, avait fait le choix de l’option sodium.

Un quatrième concept utiliserait un combustible au thorium. Le noyau fissile serait l’uranium 233. La régénération consisterait à transmuter un noyau de thorium 232 en uranium 233. Dans ce cas, la régénération serait obtenue tant avec des neutrons rapides qu’avec des neutrons lents, ces derniers demandant moins de combustible. Les deux autres concepts ne sont pas régénérateurs, mais visent aussi à une bien meilleure utilisation du combustible.

Et les déchets ? Il est indispensable d’en réduire le volume. Les efforts portent surtout sur l’élimination des déchets les plus toxiques à vie longue, qui sont essentiellement des noyaux lourds comme le plutonium et les actinides.

Un réacteur EPR de troisième génération en Chine
Pose du dôme du réacteur EPR Taishan 1 en octobre 2011. Étant donnés les retards observés dans la construction des deux premiers EPR en Finlande et en France, les deux EPR chinois de Taishan furent les premiers à entrer en service en 2018.
© CDE

Dans les réacteurs du futur, un retraitement poussé et le multirecyclage du combustible devrait aboutir à consommer presque tous les noyaux lourds présents. On envisage également des réacteurs spécialisés – comme des réacteurs hybrides ou ADS (accélérateurs driven systems) – dont la fonction principale serait d’incinérer les atomes radioactifs les plus gênants en raison de leur longue durée de vie.

Les aspects de sûreté devront être soigneusement examinés, d’autant plus que les besoins énergétiques mondiaux iront croissant, et ce plutôt dans les régions en voie de développement que dans les régions développées. Si des réacteurs sont installés dans de telles régions où les compétences techniques manquent, il faudra assurer la sûreté passive des réacteurs, c’est-à-dire des réacteurs qui ne nécessitent pas d’interventions humaines pour être sûrs. Enfin, les concepts de nouveaux réacteurs devront être résistants à la prolifération, de façon à empêcher la dissémination de matière fissile