Cyclotron ou accélérateur linéaire ?
L’accélérateur qui alimente le réacteur doit avoir trois qualités principales :
– accélérer assez les protons pour provoquer des réactions des spallation ;
– délivrer assez de protons pour que le réacteur produise l’énergie demandée ;
– avoir un fonctionnement très fiable et tomber très rarement en panne.

Cyclotrons de haute intensité
Exemple d’un système de cyclotrons à trois étages pour piloter un amplificateur d’énergie. Le premier étage serait constitué de deux petits injecteurs accélérant les protons jusqu’à 15 MeV. L’étage intermédiaire ferait passer leur énergie à 120 MeV, et l’étage final (booster) accélèrerait jusqu’à 990 MeV. (Source Mandrillon et al.).
© CEA/CERN/DR
La première spécification est facile à satisfaire. L’énergie cinétique à fournir au proton est de l’ordre du gigaélectronvolt (GeV) ou milliard d’électronvolts, environ mille fois celles des neutrons rapides de fission. Bien que considérables, de telles énergies ne posent pas de problèmes techniques. Le premier synchrotron à protons dépassant le GeV a été construit dans les années 1950, et aujourd’hui, où l’on est capable de dépasser le millier de GeV, cette énergie cinétique apparaît très modeste.
La seconde spécification est plus difficile. Le nombre de protons doit être suffisant, pour produire l’énergie électrique souhaitée au final. Le nombre de protons délivrés par seconde est mesuré par l’intensité du courant de protons dans l’accélérateur. Une expérience effectuée au CERN a montré que l’on pourrait produire une puissance énergétique considérable à partir d’un accélérateur de puissance relativement modeste de 10 mégawatts (MW) avec une intensité de 10 milliampères (mA). (NB : un milliampère de protons équivaut à 6.1015 protons par seconde).

Le cyclotron du PSI
Le cyclotron à protons de l’Institut Paul Scherrer (PSI) à Zurich est un de ceux qui s’approche le plus des performances requises pour les réacteurs hybrides parmi les cyclotrons existants. Relativement ancien car mis en service en 1974, il délivre un faisceau de protons de haute intensité, environ 2 milliampères. On aperçoit les 8 secteurs d’aimants d’un poids de 2000 tonnes ainsi que les quatre cavités accélératrices. Le cyclotron est alimenté par deux petits cyclotrons « injecteurs ». Les protons entrent à une énergie de 72 MeV. Ils sont injectés sur une orbite au centre de l’anneau, puis accélérés après 220 révolutions jusqu’à leur énergie finale de 590 MeV, et enfin extraits.
© PSI
Ces intensités élevées sont à la portée des technologies actuelles. On sait construire dans la gamme d’énergie du GeV des accélérateurs dépassant le milliampère, comme celui du PSI à Zurich qui atteint 2mA. Les progrès récents et la maîtrise des technologies d’accélérateurs notamment en Europe (France, Allemagne et CERN), permettent d’envisager de produire des protons en grand nombre avec des courants électriques de plusieurs milliampères.
La troisième spécification d’un fonctionnement extrêmement fiable, plus fiable que ceux des accélérateurs en service, nécessite aussi des recherches et développements. Si un réacteur hybride est couplé au réseau électrique, on ne peut se permettre de perdre le faisceau de protons comme cela arrive avec un accélérateur ordinaire. Il faut mettre en place des systèmes de sauvegarde.
Quel type d’accélérateur ? La puissance électrique requise, de l’ordre de 10 à 15 MW, pourrait être obtenue soit avec un accélérateur linéaire soit avec un cyclotron. Cyclotron ou accélérateur linéaire : le débat est toujours ouvert. La solution préférée de l’équipe Rubbia est un cyclotron. Un cyclotron est compact, car les protons traversent plus de 100 fois, à chaque tour, les cavités accélératrices qui leur apportent de l’énergie. Ceci faciliterait son installation de réacteurs « brûleurs de déchets » sur le site des centrales existantes pour pouvoir incinérer les transuraniens sur place.
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