Entretenir et contrôler la réaction en chaîne
Le contrôle d’un réacteur est intimement liè au problème plus général de leur sureté. Il faut bien sûr éviter que les réactions nucléaires échappent à tout contrôle, mais en dehors des situations accidentelles il faut assurer un fonctionnement ordinaire et maîtriser la fission nucléaire en continu.
Le pilotage d’un réacteur est un art difficile mais maîtrisé. Il s’agit d’entretenir la réaction en chaîne pendant de longues durées qui peuvent atteindre une année, en évitant à la fois qu’elle ne devienne explosive ou qu’elle s’étouffe. Dans les réacteurs, on dispose en théorie par fission d’un peu plus d’un neutron pour entretenir la réaction en chaîne, c’est-à-dire d’une faible marge de manœuvre. Il s’agit donc d’ajuster la criticité (c’est-à-dire le nombre de ces neutrons produisant effectivement une fission secondaire) pour qu’elle soit exactement égale à la valeur un. Si la criticité s’écarte de un, le réacteur doit réagir de façon à y revenir.
Les réacteurs sont conçus, pour que les petites variations de puissance se corrigent naturellement du seul fait des lois de la Physique. Avec un point de fonctionnement bien choisi, divers phénomènes assurent une autorégulation qui facilite le contrôle : effet de dilatation, « effet Doppler ». L’effet Doppler joue le rôle le plus important. Une augmentation de température accroît l’agitation thermique des noyaux présents dans le cœur. Il se trouve que, plus cette agitation est importante, plus le sont aussi les pertes de neutrons qui se produisent lors du ralentissement. Ces pertes augmentant, la réaction en chaîne s’en trouve freinée.
Par ailleurs, ce qui semble à première vue un détail facilite la régulation et donne un certain temps pour réagir en cas de divergence de la réaction en chaine. Une petite fraction des neutrons secondaires sont émis avec un retard de plusieurs minutes. Si la criticité dépasse légèrement 1, l’arrivée retardée de ces neutrons donne le temps de réagir pour prévenir une divergence explosive. Les neutrons retardés jouent un grand rôle dans le pilotage et le contrôle d’une centrale. On dispose de moins de temps pour réagir avec des neutrons rapides. Les neutrons retardés du plutonium sont trois fois moins abondants (0,21 %) que ceux de l’uranium-235 (0,65 %).
Les probabilités (appelées sections efficaces) de capture des neutrons s’expriment dans une unité, le « barn ». Les captures conduisent à une absorption quand le noyau n’est pas fissile. Ces absorptions sont très importantes avec des neutrons lents pour des éléments absorbeurs comme le bore-10 (3800 barns) et le cadmium (2000 barns) utilisés pour le contrôle des réacteurs. Ces sections efficaces d’absorption doivent être minimisée dans un milieu utilisé comme modérateur, comme le carbone (0,003 barn). Il s’agit alors d’éviter les captures de neutrons.
Certains éléments captent très facilement des neutrons lents. Tel est le cas du cadmium dont la probabilité de capture est très supérieure à celle d’une fission dans l’uranium-235. L’introduction de barres de contrôle en cadmium arrête la réaction en chaîne. Mais le mouvement est mécanique, donc assez lent. Ce contrôle n’intervient que pour ajuster la puissance du réacteur, ou l’arrêter complètement.
Sur le long terme, le bore-10, un élément absorbeur de neutron lents, est utilisé pour tempérer la marche d’un réacteur quand sa charge de combustible est neuve. Un peu de bore est introduit dans l’eau du modérateur sous forme d’eau boriquée pour brider les réactions de fission. Ce faisant, ce bore-10 disparaît. Cette disparition s’effectue en même temps que brûlent les premiers noyaux fissiles du combustible. La bride se fait plus douce en même temps que le cheval devient moins impétueux.
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