Réacteurs CANDU
Des réacteurs canadiens à uranium naturel et eau lourde
Les réacteurs CANDU sont des réacteurs à eau lourde utilisant comme combustible de l’uranium naturel. Le recours à l’uranium naturel rendait cette filière attractive à l’époque où de nombreux pays ne disposaient pas d’uranium enrichi. Les réacteurs canadiens appartiennent à la filière CANDU qui fut exportée notamment en Inde et au Pakistan.
Ces réacteurs utilisent pour ralentir les neutrons de l’eau lourde au lieu de l’eau ordinaire. Une molécule d’eau lourde est une molécule d’eau dont chacun des protons des deux hydrogènes sont remplacés par un noyau de deutérium, constitué d’un proton et d’un neutron. L’eau lourde est, avec le graphite ultra-pur, le seul modérateur qui permette d’utiliser l’uranium naturel. Un réacteur utilisant ce combustible pauvre en uranium-235 fissile ne peut fonctionner qu’avec des neutrons de basse énergie, dits thermiques. Le défi consiste à obtenir des neutrons thermiques avec le minimum de pertes lors des collisions qui ralentissent les neutrons. Un noyau de deutérium capture 600 fois moins les neutrons qu’un proton de l’hydrogène de l’eau, d’où l’usage de l’eau lourde comme ralentisseur.
La filière CANDU a été développée depuis les années 1950 au Canada. Son origine remonte à l’accord signé le 19 avril 1943 au Québec fixant la collaboration nucléaire entre les États-Unis et la Grande-Bretagne durant la seconde guerre mondiale. Alors que le projet Manhattan bat son plein, les américains refusent de partager avec leur meilleur allié leurs recherches sur l’enrichissement de l’uranium et l’extraction du plutonium. Ils acceptent cependant au printemps 1944 la construction d’un grande pile à eau lourde qui serait le fruit d’une collaboration entre la Grande-Bretagne, les États-Unis et le Canada. La pile fut construite en deux ans à partir de 1945, dans un site magnifique et isolé, à Chalk River, au bord de la rivière Otawa.
La découverte et la séparation du deutérium sont dues en 1932 au chimiste américain Harold Urey, qui réussit alors, à la suite de longs processus de distillation et d’électrolyse fractionnée de l’eau, à isoler l’eau lourde, fraction infime de l’eau ordinaire. En 1940, le stock mondial d’eau lourde détenu par la Société norvégienne d’Azote s’élevait à … 185 kg. Ce sont ces 185 kg qu’une mission française ramena au Collège de France le 9 mars, peu avant l’offensive allemande de mai 1940 (le film la bataille de l’eau lourde leur fut consacré). En juin 1940, Halban et Kowarski gagnèrent l’Angleterre emportant avec eux les précieux kilogrammes.
Halban et Kowarski avaient découvert avec Frédéric Joliot en mai 1939, l’existence de neutrons de fission secondaires permettant des réactions de fission en chaine. Arrivés en Angleterre, ils démontrèrent que la réaction en chaine pouvait être obtenue avec un système combinant uranium naturel et eau lourde. A partir de 1943, des piles à uranium naturel et eau lourde furent développées pour produire le plutonium des premières bombes atomiques.
Le développement d’une filière de réacteurs producteurs d’électricité survint après la guerre. En raison de l’expérience acquise, le développement de cette filière eut lieu au Canada. Aujourd’hui, l’eau lourde demeure une matière rare et coûteuse à produire.
Les réacteurs CANDU utilisent l’eau lourde à la fois comme modérateur et fluide de refroidissement. Ils peuvent être pressurisés. L’eau lourde maintenue sous pression, comme dans un réacteur REP, peut atteindre sans bouillir des températures supérieures et évacuer ainsi plus de chaleur en dehors du cœur du réacteur. En 2011, 46 réacteurs à eau lourde pressurisée étaient en fonctionnement dans le monde. Exporté en Inde, au Pakistan mais aussi en Corée du Sud et en Roumanie, cette technologie a les avantages de pouvoir se passer d’une filière d’enrichissement de l’uranium et les réacteurs peuvent être rechargés de manière continue, c’est-à-dire sans arrêt du réacteur. Mais le rendement est inférieur à celui des REP.
Inde, démarrage du réacteur 3 de Kakrapar, RGN – 23 juillet 2020
Le combustible à l’uranium naturel est rechargé à pleine puissance en continu, une faculté permise par la subdivision du cœur en plusieurs centaines de tubes. Ces tubes, composés de plusieurs éléments d’environ 20 kg et de 50 cm de long d’uranium naturel immergés dans de l’eau lourde de refroidissement sous pression. Chacun de ces tubes est entouré d’un tube externe également rempli d’eau lourde, mais à basse pression et température, jouant le rôle de modérateur.
Le chargement et le déchargement en continu du combustible est une des caractéristiques des réacteurs CANDU. Étant donné la pauvreté en isotope 235 fissile de l’uranium naturel, le cœur du réacteur est conçu pour être constamment rechargé en combustible neuf contrairement au cœur des réacteurs à eau légère comme les REP dont on remplace le combustible enrichi par tiers tous les ans. En théorie, un réacteur CANDU n’a pas besoin de s’arrêter.
Nés de l’idée de transformer l’uranium en plutonium-239 de qualité militaire, les réacteurs CANDU sont en principe proliférants. La faculté de pouvoir retirer à tout moment du combustible, permet de sortir des éléments peu irradiés dont le plutonium riche en iplutonium-239 est de qualité militaire. Ainsi, l’Inde et le Pakistan qui n’avaient pas signé le traité de non-prolifération et faisaient tourner leurs réacteurs CANDU à l’abri des inspections de l’AIEA avaient cette possibilité. Ils possèdent aujourd’hui un arsenal nucléaire. Dans des conditions normales d’exploitation, on laisse suffisamment de temps en réacteur les éléments de combustible pour que le plutonium qu’ils contiennent perde sa qualité militaire.
Voir aussi :
Modérateurs de neutrons
Neutrons lents
La formation du plutonium-239
CANDU FAQ : Questions réponses (anglais)
AECL : Atomic Energy of Canada (anglais-français)
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