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Les braises de la fission

Quand on arrête le réacteur, qu’il s’agisse de procéder au rechargement du combustible ou d’un arrêt accidentel, il est impératif pendant une durée assez longue de continuer à refroidir le cœur du réacteur en raison de la chaleur que le combustible irradié continue de dégager.

La réaction en chaîne est bien interrompue, mais les produits de fission présents dans le combustible continuent de dégager de la chaleur par leurs désintégrations : c’est la puissance résiduelle.

Une forte chaleur résiduelle
Décroissance de la puissance résiduelle en fonction du temps pour les réacteurs à eau pressurisée de 900 et 1300 mégawatts (MW) de puissance électrique. Une chaleur considérable continue d’être dégagée après l’arrêt. Cette chaleur va diminuer ensuite de plusieurs ordres de grandeur, mais son évacuation par l’intermédiaire des générateurs de vapeur est cruciale dans les premiers instants pour éviter la fusion du cœur du réacteur, un accident majeur. Ensuite la chaleur dégagée ayant suffisamment décru, un dispositif de refroidissement du réacteur à l’arrêt prend le relais.
© EDF/Electra

Cette puissance résiduelle représente encore 7 % de la puissance du réacteur en fonctionnement une seconde après l’arrêt. Elle demeure de l’ordre de 1,5 % après une heure, puis elle décroît de moins en moins vite. Il s’agit de chaleurs considérables. Dans le cas d’une tranche de 0,9 GWe (gigawatt) qui alimente en électricité environ un million de personnes, le dégagement de chaleur est de 190 MW thermiques après une seconde, de quoi porter une demi tonne d’eau à ébullition durant cette seconde.

L’évolution du dégagement de chaleur durant les premiers instants montre montre que ce sont les désintégrations des produits de fission à très courte durée de vie qui sont principalement responsables l’intense chaleur dégagée. S’y ajoute durant les cent premières secondes, la chaleur dégagée par des fissions dues à des neutrons retardés.

Il faut donc refroidir à fond dans les premiers instants et c’est la raison pour laquelle la chaleur résiduelle est d’abord évacuée par les générateurs de vapeur, comme en fonctionnement normal. Ce n’est qu’après une baisse suffisante de la température et de la pression du circuit primaire (aux environs d’une trentaine de bars) qu’il est possible d’utiliser une autre voie : le circuit de « refroidissement du réacteur à l’arrêt ». Ce circuit continue à fonctionner efficacement une fois le couvercle de la cuve enlevé. C’est lui qui évacue la puissance résiduelle des assemblages présents dans le cœur tandis qu’on procède aux opérations de déchargement et de rechargement du combustible.

Arrêts normaux et déchargements du combustible usé

En temps normal, un arrêt du réacteur est prévu pour décharger une partie du combustible usé, à raison généralement d’un tiers tous les ans. Les assemblages déchargés sont refroidis par l’eau de la piscine réacteur pendant leur transfert vers le bâtiment combustible : là, c’est l’eau de la piscine combustible qui continuera de les refroidir jusqu’à leur évacuation vers l’usine de retraitement. Ce déchargement est suivi par un chargement de combustible neuf. Cet arrêt du réacteur est souvent mis à profit pour des opérations de maintenance.

Déchargement du combustible usé
Pour procéder au déchargement et au remplacement du combustible, le couvercle de la cuve du réacteur est enlevé, la cuve mise sous eau. Une machine de transfert se saisit des assemblages usés, et par l’intermédiaire d’un tube de transfert les évacue dans une piscine d’entreposage attenante située dans le bâtiment combustible. Une fois les assemblages usés évacués, on procède en sens inverse à leur remplacement par des assemblages neufs.
© EDF/ManutComb – DG07

Arrêts du réacteur en cas d’urgence

En cas de situations accidentelles entraînant l’arrêt du réacteur, la puissance résiduelle est évacuée par les moyens habituels si les circuits de refroidissement ne sont pas endommagés par l’accident. Si c’est au contraire une défaillance compromettant justement la bonne évacuation de la chaleur du combustible qui a provoqué l’arrêt, la situation peut être fort délicate. Cela a conduit à prévoir des systèmes de sauvegarde pour assurer coûte que coûte le refroidissement du combustible. L’étude des accidents de refroidissement et l’analyse des parades mises en place pour y répondre constituent une des premières préoccupations sur le plan de la sûreté.

Citons le système d’injection de sécurité à haute pression, conçu pour injecter dans le circuit primaire de l’eau à une pression supérieure à la pression normale ; les accumulateurs intervenant à moyenne pression ; l’injection de sécurité à basse pression qui intervient quand la pression est descendue en dessous d’une dizaine d’atmosphères dans le cas de fuite d’eau très importante.

Les défauts de refroidissement après un arrêt d’urgence d’un réacteur ont été la première cause d’accidents graves, avant la perte de contrôle des réactions de fission comme à Tchernobyl. En témoignent les accidents survenus à Three Mile Island en 1986 et à Fukushima en 2011. Le premier conduisit à la perte d’un réacteur, le second à la perte de la centrale et à des rejets de radioactivité dans l’environnement.