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11 mars 2011 : une cascade d’accidents improbables …

Entre le tremblement de terre et tsunami ! Perte du réseau
Les réacteurs se sont normalement arrêtés lors du tremblement de terre, mais celui-ci a détruit les lignes à haute tension qui alimentent la centrale. Les réacteurs sont privés du réseau d’alimentation électrique.
©  IN2P3

Le tremblement de terre.

Le tremblement de terre de magnitude 9 survient le 11 mars 2011 à 300 km au large de Fukushima. Il est 14 h 46 et 20 secondes. Les réacteurs ne sont pas endommagés, mais les lignes hautes tensions apportant l’électricité aux réacteurs 1 à 4 sont mises hors service.

– 26 secondes après le tremblement de terre, arrêt d’urgence des unités 1, 2 et 3 , l’unité 4 étant déjà à l’arret. L’arrêt s’effectue correctement. Les réactions de fission s’arrêtent, mais non la chaleur dégagée par les désintégrations radioactives. La chaleur à évacuer est de 6% immédiatement après l’arrêt par rapport au réacteur en marche. Elle décroit rapidement les premiers instants puis lentement ensuite pour tomber à 0,6 % au bout de 1 jour et à 0,3 % au bout de 5 jours. La chaleur restant à évacuer est considérable : par exemple pour une puissance électrique de 1000 MWe, elle est encore de 9 MW thermiques environ une semaine après l’arrêt, nécessitant un apport de plusieurs m3 d’eau par heure.

– 1 min 04 : Isolement de l’enceinte de confinement et démarrage de 11 diesels de secours sur 12. Le refroidissement de secours du cœur fonctionne. Celui du réacteur N°1 est refroidi à partir d’un condenseur d’isolation. Pour les réacteurs N°2 et 3, la vapeur est condensée dans le tore de décompression, puis réinjectée dans la cuve. La chaleur n’est pas évacuée de l’enceinte. Le réacteur est dit en repli sûr.

Inondation et mises hors service des diesels de secours
Presque une heure après le tremblement de terre, la vague du tsunami noie la partie basse de la centrale et met hors service les diesels de secours et les sources d’eau froide.
©  TEPCO

11 mars – 15h41: Le Tsunami.

La centrale était conçue pour résister à vage de tsunami haute de 6,5 mètres. La hauteur réelle de la vague qui allait la frapper le 11 mars, près d’une heure après le tremblement de terre dépassait 14 mètres. Elle inonda les diesels de secours, les mettant hors service, ainsi que les réserves d’eau (douce) de refroidissement.

A la suite de cette perte des alimentations électriques, seules des batteries fonctionnent encore. Les « pompes d’isolement » qui assuraient une circulation d’eau dans les cuves s’arrêtent une à une : celles des réacteurs N°1 et 3, le 11 à 16h36 et le 13 à 2h44 (batteries épuisées) ; celle du réacteur N° 2 : le 14 à 13h25 (Panne de la pompe).

La chaleur résiduelle continue à faire bouillir l’eau de la cuve. La puissance thermique à évacuer est de l’ordre d’une dizaine de mégawatts de quoi vaporiser 4 à 5 litres d’eau par seconde ! La pression de vapeur monte, nécessitant l’ouverture des vannes de dépressurisation. De la vapeur se décharge dans l’enceinte de confinement, ce qui provoque une baisse du niveau d’eau dans la cuve qui découvre alors les barres du combustible.

Réacteur N°1 : Première explosion d’hydrogène
La première explosion d’hydrogène qui révéla au monde l’accident de Fukushima survint le 12 mars à 15h36 (24 heures après l’arrêt du refroidissement). Les principaux rejets radioactifs, en provenance des unités 2 et 3 surviendront 2 et 3 jours plus tard.
©  DR

Dénoyage et fusion des combustibles, explosions d’hydrogène et rejets radioactifs

Pendant de longues heures les cœurs des trois réacteurs se sont retrouvés sans alimentation en eau, faute de source froide disponible jusqu’au moment où le directeur la centrale, bravant les ordres de ses supérieurs, se décida à injecter de l’eau de mer corrosive en désespoir de cause car cela signifiait la perte du cœur des réacteurs. Pour avoir tardé à injecter cette eau de mer, TEPCO à la fois perdu les réacteurs qu’il craignait de perdre et aggravé bien au delà les conséquences de l’accident.

Si l’injection d’eau était survenue plus tôt, seule de la vapeur se serait déchargée dans l’enceinte. Les rejets auraient été anodins. Mais dans les cuves, l’eau bout, la température monte, la vapeur passe dans l’enceinte. Le niveau du liquide baisse au point de découvrir le sommet des assemblages de combustibles. Commence alors le dénoyage du combustible et avec ce dernier s’enclenche la cascade de phénomènes qui conduisirent à un accident majeur.

Quand la température de la partie émergée des gaines qui enrobent le combustible atteint 900°C, les gaines perdent de leur étanchéité, relâchant les produits de fission gazeux ou volatils. Puis le métal des gaines interagit brutalement avec la vapeur d’eau pour la décomposer. Des quantités considérables d’hydrogène sont dégagées. Vers 1800°C, les gaines et les structures en acier fondent. Des pastilles de combustibles tombent au fond de la cuve. C’est le début d’une fusion du combustible nucléaire

L’hydrogène et des produits radioactifs volatils passent dans l’enceinte de confinement lors des décharges de la vapeur en surpression des cuves. La pression dans ces enceintes augmentant dangereusement, il faut les dépressuriser à leur tour. Les cheminées étant bloquées et les vannes inaccessibles, un mélange de vapeur, d’hydrogène et de radioéléments se répand en dehors des enceintes dans divers bâtiments. Des quantités importantes d’hydrogène sont dispersées et peuvent exploser au contact de l’oxygène de l’air.

Une injection d’eau de mer est rétablie le 12 mars à 20h20 pour le réacteur N°1, le 13 à 9h38 pour le N°3 et 14 à 20h33 pour le N°2. La reprise de l’alimentation en eau stoppe le processus de dénoyage dans les trois réacteurs. Le combustible est à nouveau sous eau, mais l’injection se fait en circuit ouvert. La vapeur produite est déchargée en continu dans les enceintes de confinement. La pression dans ces enceintes augmentant dangereusement de ce fait, il faut procéder à de nouvelles dépressurisations qui relâchent à leur tour de la radioactivité. Les enceintes se remplissent d’eaux radioactives qui allaient poser de gros problèmes.

Des explosions d’hydrogène suivirent. Celle du réacteur n°1 a été la première. Celle du N°3, plus spectaculaire a détruit la partie supérieure et encombré de débris les abords. Ces débris ont touché la piscine du réacteur N°4 voisin à l’arrêt où étaient entreposés des combustibles usés. L’explosion la plus grave fut l’explosion du réacteur N°2. Elle se produisit en partie basse de l’enceinte de confinement, générant une brèche par laquelle des eaux très radioactives inondèrent les sous-sols des bâtiments. Elle a été la principale source des contaminations radioactives de la centrale et des rejets dans l’environnement. Heureusement, le rejet est survenu 4 jours après le tsunami, délai qui avait permis d’évacuer les populations ou de les mettre à l’abri.

Vidéo de l’IRSN (février 2012 ) expliquant le déroulement de l’accident et les premières mesures prises

Cet enchainement complexe de circonstances a conduit à une série d’accidents. Certains étaient inattendus. Au cataclysme naturel, à la concomitance des pannes se sont ajoutés des défauts de conception en termes de sureté. Une digue plus relevée, des systèmes de secours plus robustes auraient suffi à éviter l’absence de refroidissement, le dénoyage du combustible et les rejets de radioactivité.

POUR EN SAVOIR PLUS SUR LES CAUSES ET DEROULEMENT DE L’ACCIDENT

– : Arrêt du refroidissement et fusion du combustible
– : Des rejets de radioactivité à la suite de dépressurisations et d’explosions
– : Les principales contaminations dues aux rejets tardifs du réacteur N°2
– : Les rejets tardifs ont diminué la gravité de l’accident

Source chronologie : Analysis of the Severe Accident Progression in Units 1,2 and 3 at Fukushima Daiichi, Mathias Braun, Peter Volkhoz, Revue Générale Nucléaire N°1 Janvier-Février 2012


Voir aussi :

Feu de Zirconium