Réacteurs de génération II
Depuis les années 1970, l’essor de l’énergie nucléaire
Environ 85 % de l’électricité d’origine nucléaire produite dans le monde provient de réacteurs dits de seconde génération, héritiers des prototypes des années 1950-1960. Ils constituent la grande majorité des quelques 439 unités déployées aujourd’hui et développaient en 2008 une puissance électrique totale de 372 GWe. Ces réacteurs sont répartis dans 30 pays (93 % de Génération II et 7 % de Génération I), accumulant au total une expérience de plus de 13600 années-réacteurs. Ils nécessitent de ralentir les neutrons. Le milieu ralentisseur appelé modérateur est généralement de l’eau, ce qui constitue un avantage.
Le déploiement du nucléaire civil prit son essor à la suite de la crise pétrolière de 1974. Il s’agissait, en particulier pour la France d’assurer une indépendance énergétique dans un contexte politique mondial instable. Cet essor fut freiné par l’accident de Three Mile Island en 1978 et surtout celui de Tchernobyl en 1986. L’accident de Three Mile Island fut à l’origine de la doctrine Carter et de la suspension de la construction de centrales nucléaires aux USA. Il aussi à l’origine de nombreuses améliorations dont bénéficièrent la sûreté des installations nucléaires.
La plupart des réacteurs de seconde génération appartiennent à deux familles de réacteurs à eau légère (LWR) : réacteurs PWR à eau pressurisée (REP en français) et à eau bouillante (BWR). Ils utilisent l’uranium enrichi à 3-4 % comme combustible et sont refroidis et modérés à l’eau. L’eau sert également à évacuer la chaleur et à actionner les turbines productrices d’électricité. Le recours à des réacteurs à eau légère s’est généralisé à la fin des années 1960, du fait que, n’étant plus réservées aux seules fins de défense, les techniques d’enrichissement de l’uranium devenaient commerciales.
La France s’équipa à Tricastin dans la vallée du Rhône d’une grande usine d’enrichissement de l’uranium d’abord par diffusion gazeuse, maintenant par ultracentrifugation. Le président Georges Pompidou prit en octobre 1969 la décision d’abandonner la filière nationale des réacteurs graphite-gaz au profit de la filière américaine prometteuse des PWR à base d’uranium enrichi. La décision fut à l’époque critiquée par ceux qui pensaient que la France perdait son indépendance. Une nouvelle société Framatome construisit les nouveaux réacteurs. Elle acheta la licence des réacteurs à eau pressurisé de la société Westinghouse qu’elle paiera plusieurs années avant de s’en libérer avec l’aide du CEA en 1982 pour développer une technologie purement française.
La standardisation des réacteurs français contribua à leur succès. Ivan Stelin, président de l’autorité de sûreté américaine eut cette image : « Les français ont 100 fromages différents et un modèle de centrale. Nous c’est l’inverse ! »
Le combustible à l’uranium des réacteurs de génération II est enrichi de 3,5 à 5 % en isotope 235 fissile. L’enrichissement en uranium 235 offre l’avantage de pouvoir se contenter d’eau ordinaire pour ralentir les neutrons, ralentissement nécessaire pour la marche des réacteurs quand la proportion de matière fissible est faible. Le combustible sous forme de pastilles d’oxyde d’uranium UO2 est encapsulé à l’intérieur de longues gaines de zirconium, le métal transparent aux neutrons qui a remplacé l’acier inoxydable des débuts. Dans certains cas, une partie du combustible appelé MOX – pas plus d’un tiers – peut comporter environ 6 % de plutonium.
Le Royaume-Uni a développé les AGR (advanced gas-cooled reactor), des réacteurs modérés au graphite et fonctionnant avec un uranium légèrement enrichi, suite des réacteurs MAGNOX. Le Canada a amélioré sa filière à uranium naturel CANDU, implantée également en Argentine, Chine, Inde, Roumanie et Corée. L’URSS a développé les RBMK avant l’accident de Tchernobyl et la filière VVER des réacteurs à eau pressurisée proche des REP.
En 2008, plus de 550 centrales nucléaires avaient été construites dans le monde, parmi lesquelles plus de 110 mises hors service. Leur âge moyen dépassait 20 ans tandis que 50 réacteurs avaient plus de 30 ans et 9 plus de 40 ans. Les performances s’améliorent. Aujourd’hui, la même quantité de combustible produit deux fois l’énergie qu’il y a 20 ans. Une bonne disponibilité en termes de sûreté et de fiabilité, la possibilité de voir la durée de vie des réacteurs prolongée jusqu’à 50 ans ont renouvelé la confiance des électriciens dans l’énergie nucléaire.
Les mises hors service devraient culminer en principe après 2015. Mais la tendance est plutôt dans le monde occidental où l’on construit peu de nouveaux réacteurs à prolonger l’exploitation des parcs existants. En particulier aux USA, plus de la moitié des 104 réacteurs ont déjà reçu de la part de l’autorité de sûreté américaine, la NRC, une autorisation de prolongation à 50, voire 60 ans . En 2018, il est même envisagé aux États-Unis de prolonger l’exploitation des réacteurs US jusqu’à 80 ans.
Malgré l’accident de Fukushima, un grand nombre de réacteurs sont en construction dans le monde, 70 en 2014 le chiffre le plus élevé depuis 25 ans. La plupart sont construits hors d’Europe et des États-Unis notamment en Chine et aux Indes. En France où seul l’EPR de Flamanville est en construction, il est envisagé d’allonger la durée de vie des réacteurs au delà de 40 années. C’est le projet du “grand carénage“, dont le coût étalé sur 10-15 ans est estimé à 55 milliards d’euros pour les 58 réacteurs.
A lire : La naissance du parc nucléaire français , Gaïc Le Gros, RGN, septembre-octobre 2020
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