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1999 : Un accident de criticité au Japon

Cet accident étonnant est survenu en octobre 1999 au Japon. Il s’est produit non pas dans une centrale, mais dans une usine de haute technicité, spécialisée dans la préparation de combustible enrichi et située à Tokaï-Mura à 150 km au nord-est de Tokyo.

Une des unités de Tokai-Mura était dédiée à la fabrication de combustibles pour réacteurs expérimentaux dont la teneur en isotope 235 pouvait atteindre 20 %, avec une production maximale de 3 tonnes par an. Les opérations lors de l’accident consistaient à verser de la poudre d’uranium (enrichi à 18,5 % en uranium-235) préalablement dissoute dans de l’acide nitrique dans un récipient contenant également de l’acide nitrique. Ce récipient possède normalement une géométrie adaptée à l’opération, empêchant le développement d’une réaction en chaîne.

Pour gagner du temps et finir le travail plus vite, les techniciens chargés de la préparation versèrent en une seule fois l’uranium très enrichi dans le récipient. Ils introduisirent 16,6 kg d’uranium enrichi, sept fois plus que les 2,4 kg garantissant l’absence de risque de criticité. Ce faisant, ils dépassèrent la masse critique, déclenchant un éclair de gamma et de neutrons.

Circonstances de l’accident de Tokaï-Mura
Ce schéma illustre les circonstances de l’accident de criticité de Tokaï-Mura. Les seaux que versent les deux techniciens japonais contiennent de l’uranium très enrichi en isotope fissile. Dépassant 7 fois la quantité permise par les normes de sécurité, ils provoquèrent un début de réaction en chaîne qui leur coûta la vie. Le récipient dans lequel ils versèrent le nitrate d’uranyle pour gagner du temps avait une forme inadaptée. S’il avait été par exemple plat, l’accident aurait été évité.
© Clés-CEA

De plus, par ignorance ou manque de formation, l’équipement de géométrie adaptée avait été remplacé par une cuve de grandes dimensions : l’accident aurait été évité avec un récipient ayant la forme d’une assiette plate. L’enquête montra que les employés de l’usine n’avaient pas respecté les consignes de sécurité, qui n’étaient d’ailleurs pas affichées.

Le dépassement de la masse critique déclencha un début d’explosion atomique. Le développement de l’explosion s’arrêta heureusement rapidement. La contamination resta peu importante et limitée aux abords de l’usine. Les autorités procédèrent par précaution à une évacuation de 160 habitants de la ville dans un rayon de 350 mètres, tandis que 300 000 reçurent la consigne de rester confinés dans leur domicile jusqu’à la fin de l’accident.

L’accident causa la mort des deux techniciens ayant effectué le mélange. L’un d’eux, Hishashi Obuchi, fut exposé à une dose égale à 17 000 fois le standard maximum admis au Japon pour une année et 4 à 5 fois la dose mortelle. Un troisième technicien se trouvant dans une pièce voisine, Yutaka Yokokawa, fut moins touché et survécut.

Des accidents devenus rares
Les accidents de criticité sont rares. Au total 22 accidents dans les installations de fabrication du combustible nucléaire qui ont fait 9 morts. Celui de Tokaï-Mura est le dernier. S’ajoutent 38 accidents ayant causé 12 morts dans des installations de recherches et réacteurs expérimentaux depuis l’époque de Los Alamos en 1945 jusqu’au dernier survenu en 1997.
© CEA

Les accidents de criticité, connus depuis l’origine du nucléaire, sont devenus très rares. La plupart sont survenus dans les années 1950 et 60 et n’ont pas provoqué de rejets significatifs de radioactivité dans l’environnement.

Depuis 1945, une soixantaine d’accidents de criticité ont été répertoriés dans le monde, principalement aux États-Unis (33) et dans l’ex-URSS (19). Ils ont entraîné la mort de 19 personnes dont 15 entre 1953 et 1971. Deux tiers de ces accidents sont survenus dans des réacteurs de recherche.

L’accident a eu pour origine non-respect de règles de sûreté élémentaire et des procédures. Il y eut aussi un manque de formation en criticité des opérateurs et un manque de culture de sûreté. À cause de l’accoutumance à l’absence d’accident, le risque de criticité était considéré, par de la part de la société exploitante et des autorités de sûreté, comme improbable d’où l’absence d’experts et de contrôles. Le gouvernement japonais a révoqué l’autorisation d’exploitation de la Japan Nuclear Fuel Cycle Company.