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Problèmes de refroidissement : du denoyage aux rejets

L’arrêt du refroidissement durant de longues heures est à l’origine du processus complexe et funeste qui aboutit au dénoyage des assemblages de combustible nucléaire puis à leur fusion et au rejet de matières radioactives. Au fur et à mesure que les barres de combustible se découvrent s’enclenchent les phénomènes qui allaient causer l’accident.

Après l’arrêt, la chaleur résiduelle continue à faire bouillir l’eau de la cuve. La puissance thermique à évacuer est de l’ordre d’une dizaine de mégawatts, une puissance qui nécessiterait l’apport d’une dizaine de m3 d’eau par heure ! La pression de vapeur monte, nécessitant l’ouverture des vannes de dépressurisation. De la vapeur se décharge dans l’enceinte de décompression en forme de pneu (tore), ce qui provoque une baisse du niveau d’eau dans la cuve qui découvre les barres du combustible.

Les étapes d’un dénoyage
1) Faute d’eau froide, la température monte dans la cuve (à gauche). De la vapeur est déchargée vers l’enceinte de confinement à travers une vanne de dépressurisation. Le niveau d’eau baisse jusqu’à dénoyer les assemblages de combustible. 2) Le processus se poursuit (au centre). Quand les ¾ des gaines sont dénoyées celles-ci ont perdu leur étanchéité. A 1200°C elles réagissent avec la vapeur pour produire de l’hydrogène explosif. 3) A partir de 1800°C les gaines fondent et vers 2500°C les pastilles céramiques de combustible se désagrègent (a droite).
©  Source B.Barré

Quand la température des gaines qui enrobent le combustible atteint 900°C (2/3 du cœur dénoyé), les gaines perdent de leur étanchéité, relâchant les produits de fission gazeux ou volatils qui se trouvaient prisonniers à l’intérieur. Ceux-ci passent dans l’enceinte de confinement avec la vapeur.

Quand les 3/4 du cœur sont dénoyés et que la température des gaines dépasse 1200°C, le zirconium des gaines interagit brutalement avec la vapeur d’eau pour la décomposer. La réaction augmente la température et dégage des quantités considérables d’hydrogène, environ 1 tonne dans chacun des réacteurs. Vers 1800°C, les gaines et les structures en acier fondent. Vers 2500° C, les pastilles en céramique du combustible nucléaire se désagrègent. Un lit de débris se forme au fond de la cuve. Il faudra attendre une future autopsie des cuves pour savoir jusqu’où est allée cette fusion.

Pendant de longues heures les cœurs des trois réacteurs se sont retrouvés sans alimentation en eau, faute de source froide disponible jusqu’au moment où l’exploitant TEPCO se décida à injecter en désespoir de cause de l’eau de mer.

Calendrier du manque de refroidissement
L’arrêt du refroidissement des cœurs des trois réacteurs de Fukushima a duré plusieurs heures. Il été suivi d’explosions dues à des rejets d’hydrogène due au dénoyage des combustibles nucléaires et des dépressurisations. Les premières dépressurisations, non indiqués sur la figure, eurent lieu le 12 mars à 4h00 (Réacteur N°1), le 13 mars à 0h (réacteur N°2) et 8H41 (réacteur n°3). Les dénoyages, dépressurisations et explosions ont amenés des rejets radioactifs.
©  Source B.Barré

Une injection d’eau de mer fut rétablie le 12 mars à 20h20 pour le réacteur N°1, le 13 à 9h38 pour le N°3 et 14 à 20h33 pour le N°2. Cette injection signifiait la perte des réacteurs, en raison du caractère corrosif du sel. Ceci explique sans doute que le premier des réacteurs accidentés – le N°1 – soit resté 27 heures sans injection. Pour les réacteurs N°3 et 3, le délai a été nettement plus court. Pour le réacteur N°2, il s’agit d’une reprise de l’injection. Une violente explosion est survenue peu avant sur le N°3. Les dégâts occasionnés interrompent le refroidissement du réacteur N°2 voisin. Il faut remettre en service une pompe d’injection. Sans cette interruption, le coeur de ce réacteur n’aurait pas été dénoyé à temps et l’explosion évitée.

La reprise de l’alimentation en eau a stoppé le processus de dénoyage dans les trois réacteurs. Cette injection se fait en circuit ouvert. De la vapeur est déchargée en continu dans les enceintes de confinement. Les cuves sont probablement percées, en tous cas pour les réacteurs 1 et 3 et le refroidissement se fait par aspersion et ruissellement. Des eaux très radioactives s’accumulent en partie basse.

Mais surtout l’injection se fit trop tard. TEPCO tomba de Charybde en Scylla. Non seulement, l’exploitant perdit ses trois réacteurs, mais cette perte fut accompagnée de conséquences beaucoup plus graves pour la population japonaise.

Si l’injection d’eau était arrivée à temps pour éviter le dénoyage du combustible, tout le cortège d’évènements qui suivirent, selon un scénario complexe, la fusion du cœur aurait été aussi évitée : dépressurisation des enceintes pour soulager la pression ; dispersion d’atomes radioactifs volatils ; dégagements d’hydrogène qui causèrent des explosions ; contaminations de l’environnement.

Jusqu’où est allée cette fusion du cœur ? La moitié ? les trois-quarts ? Les avis divergent. Il faudra attendre une future autopsie des cuves des réacteurs pour le savoir. Dans le cas de Three Mile Island, il fallut attendre quatre années pour qu’une première photographie mesure l’étendue des dégâts.

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