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La teneur en carbone-14 : témoin de l’âge d’un vestige ancien

La plus connue des techniques de datation est la datation au carbone-14. Le carbone-14 est un isotope radioactif du carbone présent en infime quantité dans l’atmosphère. Les végétaux et les animaux assimilent en permanence du gaz carbonique formé à partir de cet isotope de la même façon qu’ils absorbent le gaz carbonique formé à partir du carbone ordinaire ou carbone-12.

Le carbone-14 est constamment renouvelé. Il a pour origine des particules cosmiques provenant principalement du soleil. Ces particules quand elles pénètrent dans la haute atmosphère brisent les noyaux qu’elles rencontrent. Dans la collision, des neutrons sont libérés. Ces neutrons rencontrent à leur tour un noyau d’azote de l’air. Ils s’introduisent dans ce noyau, provoquant l’expulsion d’un proton et une transmutation en carbone-14.

Formation du carbone 14 à partir de l’azote de l’air : capture d’un neutron, expulsion d’un proton.
© IN2P3

Il est naturel de supposer que le bombardement cosmique responsable de cette formation est constant à l’échelle de quelques milliers d’années. Ce bombardement dépend principalement de deux facteurs qui varient très lentement, l’activité solaire et le champ magnétique terrestre. Le champ magnétique terrestre sert de bouclier contre le rayonnement cosmique. Quand sa valeur diminue, le bombardement cosmique augmente et avec lui la formation de carbone-14.

Tout être vivant assimile du gaz carbonique, dont une petite fraction contenant du carbone-14. Cette assimilation cesse à la mort de l’organisme. Le stock de carbone-14 est figé. Quand bien plus tard, un archéologue en examine les vestiges (cendres de foyer, os, restes de végétaux) le nombre de noyaux de carbone-14 a décru selon une loi exponentielle de période 5700 ans. L’archéologue date le fossile en comparant la fraction de noyaux de carbone 14 subsistant à la fraction existante au moment où l’échantillon s’est « fermé » aux échanges avec l’extérieur.

L’hypothèse la plus simple est que la teneur de radioélément au moment de la « fermeture » est la même que celle mesurée sur un échantillon de carbone prélevé sur une plante actuelle. La comparaison des activités en carbone-14 du fossile et du composé végétal actuel donne l’âge. Le calcul suppose que le taux de formation du carbone-14 atmosphérique n’a pas varié par rapport au moment où le fossile vivait. Ceci n’est pas tout à fait vrai et il est nécessaire de recaler dans le temps et d’effectuer des corrections.

La “dendrochronologie” ou comment améliorer la datation au carbone-14

Pour des datations pas trop reculées, la datation peut être vérifiée et corrigée. L’étalonnage de la formation de radiocarbone en fonction des années est obtenu à partir de la « dendrochronologie », grâce à l’examen de troncs d’arbres séculaires abattus. La section d’un tronc d’arbre est un extraordinaire témoin de la vie végétale. Chaque anneau correspond au bois formé une année donnée. En comptant les anneaux, on date l’année. En mesurant la teneur en carbone-14 d’un anneau, on mesure l’activité d’un échantillon de l’année en question. On recale ainsi la datation au carbone-14.

Dendrochronologie
Section droite de châtaigner montrant les cernes de bois utilisés en datation. L’étude des cernes d’arbres donne des âges réels qui sont comparés aux âges obtenus par la datation au carbone-14 sur les mêmes échantillons. Grâce à cette technique, on a pu étalonner la datation au carbone-14 jusqu’à 11400 ans en arrière.
© CNRS

Les redwoods et les séquoias des forêts de Californie servent à remonter ainsi jusqu’à 2000 ans en arrière. Les arbres fossiles donnent accès à des temps plus anciens. Comme l’épaisseur des anneaux dépend du climat de l’année, des séquences caractéristiques d’anneaux permettent de confronter des arbres fossiles à de très vieux arbres qui ont été leurs contemporains. De proche en proche, par recoupements d’un tronc à l’autre, on raccorde la séquence des anneaux jusqu’à un passé vieux de 11000 ans. En comparant l’âge réel d’un anneau à son âge calculé à partir de sa radioactivité, on obtient la correction à appliquer aux âges calculés par la datation au carbone-14.

La dendrochronologie ne permet pas d’aller plus loin que 11000 ans. Au-delà, on recourt à une autre technique pour étalonner le carbone-14 : la datation de coraux fossiles par la méthode des déséquilibres de l’uranium-thorium. L’étalonnage est obtenu en comparant pour ces coraux les âges donnés par le carbone-14 et l’âge calculé à partir des proportions d’uranium-234 et de thorium-230.

Au-delà de 20000 ans d’âge, le recalage par le rapport l’uranium-thorium devient difficile. Des méthodes d’étalonnage géomagnétique suggèrent qu’entre -20000 et -40000 ans, l’intensité du champ magnétique terrestre, qui sert de bouclier contre le rayonnement cosmique, était plus faible que maintenant. En sens inverse, la production de carbone-14 était sensiblement plus forte.

Compter les atomes de carbone-14 et pas seulement leurs désintégrations.

La mesure de la teneur en Carbone-14 requiert le prélèvement d’un échantillon suffisant du fossile. Elle est délicate. Il existe mille milliards de fois moins d’atomes de carbone-14 radioactifs que de carbone-12 normal. La radioactivité d’un gramme de carbone frais se compte en coups par minute. Pour des échantillons anciens, elle devient très faible.

ARTEMIS : une installation pour compter les atomes de carbone-14
Quand les vestiges à dater sont très anciens, les noyaux de carbone-14 sont devenus si rares que l’observation de leurs désintégrations devient impraticable. On cherche à compter les atomes de carbone-14 eux mêmes, grâce à une installation lourde : un spectromètre de masse associé à un petit accélérateur. Des échantillons de quelques milligrammes à dater y sont introduits ce qui permet de mesurer les abondances isotopiques du carbone ordinaire et de son isotope radioactif. La photographie montre l’installation ARTEMIS du CEA à Saclay.
© ARTEMIS/CEA

Depuis peu se sont développées des techniques très sensibles qui consistent à compter les atomes de carbone-14 au lieu de compter leurs rares désintégrations. Grâce à un « spectrographe de masse » couplé à un accélérateur de particules, on arrive ainsi à mesurer des teneurs en carbone-14 aussi minimes qu’un millionième de milliardième et pouvoir ainsi remonter à 50000 ans.

Cette technique a d’abord été mise en œuvre en France au centre des faibles radioactivités de Gif-sur-Yvette en France avec un instrument appelé Tandetron. Il a été remplacé depuis 2004, par Artemis, un spectromètre de masse capable de dater chaque année 4 500 échantillons de moins d’un milligramme.

Applications de la datation au carbone-14 – RGN, juin 2020