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1913 : Première utilisation de traceurs radioactifs

La découverte de la méthode des indicateurs, nom donné alors à l’utilisation des atomes radioactifs comme traceurs chimiques, remonte aux années 1910.

En 1897, Marie Curie avait prouvé qu’en détectant des rayonnements on identifiait des teneurs d’éléments radioactifs indécelables par des méthodes chimiques classiques. Un second pas fut franchi en 1913, quand Georg de Hévesy eut l’idée de suivre à la trace un élément chimique en lui ajoutant une quantité infinitésimale d’isotope radioactif.

Georg de Hevesy
George de Hevesy à l’Intitut du radium de Vienne en 1915. Hevesy reçut le prix Nobel de chimie en 1943 pour son travail sur l’utilisation des isotopes radioactifs comme traceurs. Avec le physicien allemand Frédéric Paneth il réalisa la première expérience de radiotraceurs à l’Institut en 1913. L’année où fut prise cette photographie, il fut enrôlé dans l’armée Austro-Hongroise.
© Source: Central Library for Physics, Vienna

Le nom de Georg de Hevesy est associé aux débuts de l’utilisation des indicateurs radioactifs en chimie, en biologie et en médecine avec le radiodiagnostic. A l’Université de Manchester, Rutherford charge le jeune chimiste austro-hongrois nouvellement arrivé de séparer le Radium-D du plomb. Rutherford venait d’acquérir une quantité considérable de Radium D, un précieux dérivé radioactif du radium qu’il espérait utiliser. Ce radium D était mêlé à une grande quantité de plomb, qui rendait extrêmement difficile l’étude de ses radiations.

Aujourd’hui on sait que le radium-D des années 1910 est un isotope du plomb, le plomb-210. Hevesy ne pouvait donc séparer le plomb du plomb. De ses efforts infructueux de séparation, Hevesy tira l’idée d’utiliser le radium-D comme “indicateur radioactif” pour étudier les propriétés du plomb. En 1913 à l’institut du radium de Vienne, de retour de son séjour dans le laboratoire de Rutherford, le chimiste hongrois mit au point avec Friedrich Paneth une méthode utilisant les radioisotopes comme traceurs dans les réactions chimiques.

Comme il avait constaté que la chimie était impuissante à différencier le plomb du radium-D, Hevesy pensa que les systèmes biologiques n’y parviendraient pas non plus. Il utilisa ce dérivé radioactif du radium, en réalité un isotope du plomb, pour explorer la distribution de cet élément dans les plantes. Il fit tremper la racine de certaines plantes dans une solution de nitrate de plomb et de radium D, puis, mesurant la radioactivité acquise, il démontra que la plus grande partie du plomb partait dans les racines.

L’anecdote court que Hevesy, qui habitait dans une pension de famille, avait l’impression que sa propriétaire resservait les restes des plats en les accommodant de façon nouvelle. Il jeta une poignée d’atomes de radium D et de plomb dans les restes d’un ragoût et put ainsi suivre les transformations successives du ragoût en hachis parmentier, puis en soupe ! Cette ingénieuse application de la méthode isotopique lui aurait valu d’être renvoyé de la pension

Loin de l’anecdote, c’est en 1924 que remonte la première utilisation des indicateurs chez l’homme. Deux médecins américains, Blumgart et Weiss, en injectant du radium C (Bismuth-214) dans un bras, mesurent la vitesse de circulation du sang entre un bras et l’autre, ainsi que les variations de cette vitesse chez les malades cardiaques/

Ce qui freine alors le développement de la méthode des indicateurs, c’est le petit nombre des radioéléments naturels utilisables ! Mais en 1934, Irène et Frédéric Joliot-Curie démontrent la possibilité de créer à la demande des isotopes radioactifs de n’importe quel élément alors qu’il fallait se contenter jusque là des rares descendants de l’uranium et du thorium.

Y.Grall