Sensibilité de détection
Compter les désintégrations d’atomes radioactifs
La radioactivité est un instrument sans rival pour l’exploration de l’environnement et du monde vivant, grâce à l’extraordinaire sensibilité des techniques de détection.
On dispose maintenant de dispositifs capables de détecter la désintégration individuelle d’un noyau. La possibilité d’observer un évènement aussi minime est due à la combinaison de deux facteurs.
– Les rayonnements produits « électrisent » un grand nombre d’atomes sur leur passage, soit directement dans le cas des rayons alpha et bêta soit en mettant en mouvement des particules chargées dans le cas des rayons gamma. Les centaines de milliers d’atomes ainsi ionisés apportent une première amplification.
– Les effets de cette ionisation primaire sont ensuite multipliés par des dispositifs électroniques aux gains élevés. Il devient possible de recueillir un signal dans un détecteur.
À ces deux facteurs favorables, s’ajoute le nombre extraordinairement élevé d’atomes présents dans la moindre quantité de matière. Ainsi 18 grammes d’eau, l’équivalent d’une gorgée, contiennent 600 000 milliards de milliards de molécules. C’est le nombre d’Avogadro, un nombre est tellement grand, que même si la proportion d’atomes radioactifs est très faible dans un échantillon de matière, leur nombre reste colossal. Les taux de comptage des détecteurs, c’est à dire les nombres observés de désintégrations par seconde demeurent par nature élevés.
L’énormité du nombre d’Avogadro fait que l’on arrive a détecter des quantités infimes d’atomes radioactifs, jusqu’à une partie par million de milliard d’atomes. En comparaison, un poison très toxique (comme l’arsenic) ne peut être détecté chimiquement que pour des proportions au mieux un milliard de fois plus grandes.
Pour illustrer l’extrême sensibilité des mesures de radioactivité, reprenons l’exemple de l’analyse effectuée au laboratoire CENBG de Bordeaux d’une bouteille de grand cru qui se révéla un faux. On retrouva dans cette bouteille des traces de césium-137, un radioélément répandu dans l’atmosphère lors des essais nucléaires des années 1950 mais qui n’existaient pas en 1928, millésime supposé de cette bouteille vendue comme un Grand Cru Classé de Bordeaux.
La présence de césium-137 a été mise en évidence grâce à un dispositif expérimental spécialisé dans les mesures de très faibles radioactivités. La bouteille a été placée dans une enceinte blindée en plomb pour réduire les rayons gamma de la radioactivité naturelle. Le césium-137 émet un rayon gamma de 662 keV d’énergie bien caractéristique, qui permet de signer indubitablement sa présence. Durant les 6 jours que dura la mesure, on enregistra un excès de 330 coups au voisinage de 662 keV, un coup toutes les 26 minutes ! L’activité mesurée était de quelques centièmes de becquerel. La quantité de césium-137 signature de l’escroquerie était de 0,2 millionième de milliardième de gramme !
Un autre exemple de l’extrême sensibilité de la détection de la radioactivité est celui de la détection de traces de césium-134 et 137 dans la chair de thons rouges pêchés en Californie un an après l’accident de Fukushima. Comme le laboratoire bordelais, le laboratoire californien qui a effectué les analyses était à même d’identifier ces traces de césium. C’est le niveau de l’activité radioactive qui rend-compte de l’importance d’une contamination, et non le fait d’avoir décelé des radioéléments.
Paradoxalement, les résultats de cette extraordinaire sensibilité, qui devrait rassurer, sont souvent interprétés avec inquiétude. On est capable de détecter de la radioactivité partout ! Même une radioactivité aussi innocente que celle de nos corps d’humains fait crépiter un détecteur !
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