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Compter les désintégrations d’atomes radioactifs

La radioactivité est un instrument sans rival pour l’exploration de l’environnement et du monde vivant, grâce à l’extraordinaire sensibilité des techniques de détection.

Des détecteurs précis et très sensibles
L’extraordinaire sensibilité de la détection de la radioactivité est illustrée par ce « spectre en énergie » des photons gamma émis par un échantillon de matière radioactive. Les détecteurs modernes au germanium sont capables de mesurer avec précision l’énergie des gamma entièrement absorbés dans le volume de détection. On observe ainsi les « raies » caractéristiques des gamma émis par les radioéléments. Etant donnés les taux de comptages extrêmement élevés, on arrive à mette en évidence des raies d’éléments à l’état de traces comme celle du césium-134.
© IN2P3

On dispose maintenant de dispositifs capables de détecter la désintégration individuelle d’un noyau. La possibilité d’observer un évènement aussi minime est due à la combinaison de deux facteurs.

Les rayonnements produits « électrisent » un grand nombre d’atomes sur leur passage, soit directement dans le cas des rayons alpha et bêta soit en mettant en mouvement des particules chargées dans le cas des rayons gamma. Les centaines de milliers d’atomes ainsi ionisés apportent une première amplification.

Les effets de cette ionisation primaire sont ensuite multipliés par des dispositifs électroniques aux gains élevés. Il devient possible de recueillir un signal dans un détecteur.

À ces deux facteurs favorables, s’ajoute le nombre extraordinairement élevé d’atomes présents dans la moindre quantité de matière. Ainsi 18 grammes d’eau, l’équivalent d’une gorgée, contiennent 600 000 milliards de milliards de molécules. C’est le nombre d’Avogadro, un nombre est tellement grand, que même si la proportion d’atomes radioactifs est très faible dans un échantillon de matière, leur nombre reste colossal. Les taux de comptage des détecteurs, c’est à dire les nombres observés de désintégrations par seconde demeurent par nature élevés.

L’énormité du nombre d’Avogadro fait que l’on arrive a détecter des quantités infimes d’atomes radioactifs, jusqu’à une partie par million de milliard d’atomes. En comparaison, un poison très toxique (comme l’arsenic) ne peut être détecté chimiquement que pour des proportions au mieux un milliard de fois plus grandes.

Mesurer la présence de césium-137 dans la fausse bouteille de Pétrus 1928 ?
La mesure dura 6 jours. Pour calculer l’activité, il fallut multiplier le nombre de coups observés par 100 (l’efficacité de détection était de 1 %), puis par 518 400 (nombre de secondes en 6 jours). On obtint 0,064 désintégration par seconde. Pour remonter au nombre d’atomes dans la bouteille, il fallut multiplier par la période radioactive du césium-137 (951 millions de secondes) divisée par 0,693  (logarithme de 2). Le résultat : 88 millions d’atomes de césium-137, soit 0,2 millionième de milliardième de gramme dans la bouteille !
© CENBG/PRISNA CENBG/PRISNA

Pour illustrer l’extrême sensibilité des mesures de radioactivité, reprenons l’exemple de l’analyse effectuée au laboratoire CENBG de Bordeaux d’une bouteille de grand cru qui se révéla un faux. On retrouva dans cette bouteille des traces de césium-137, un radioélément répandu dans l’atmosphère lors des essais nucléaires des années 1950 mais qui n’existaient pas en 1928, millésime supposé de cette bouteille vendue comme un Grand Cru Classé de Bordeaux.

La présence de césium-137 a été mise en évidence grâce à un dispositif expérimental spécialisé dans les mesures de très faibles radioactivités. La bouteille a été placée dans une enceinte blindée en plomb pour réduire les rayons gamma de la radioactivité naturelle. Le césium-137 émet un rayon gamma de 662 keV  d’énergie bien caractéristique, qui permet de signer indubitablement sa présence. Durant les 6 jours que dura la mesure, on enregistra un excès de 330 coups au voisinage de 662 keV, un coup toutes les 26 minutes ! L’activité mesurée était de quelques centièmes de becquerel. La quantité de césium-137 signature de l’escroquerie était de 0,2 millionième de milliardième de gramme !

Césium et thons rouges
Des chercheurs californiens ont mesuré dans les tissus musculaires de quinze thons rouges pêchés au large de San Diego en août 2011, des taux légèrement plus élevés de césium-137 que pour les thons rouges pêchés avant la catastrophe de Fukushima. C’est la présence de Césium-134 qui établit un lien avec l’accident japonais. Ces résultats démontrent la capacité des grands poissons à migrer du Japon à l’autre bout du Pacifique et l’extraordinaire sensibilité de détecteurs à même de déceler des traces de radioactivité.
© Source : le Monde/AFP – 25/05/2012

Un autre exemple de l’extrême sensibilité de la détection de la radioactivité est celui de la détection de traces de césium-134 et 137 dans la chair de thons rouges pêchés en Californie un an après l’accident de Fukushima. Comme le laboratoire bordelais, le laboratoire californien qui a effectué les analyses était à même d’identifier ces traces de césium. C’est le niveau de l’activité radioactive qui rend-compte de l’importance d’une contamination, et non le fait d’avoir décelé des radioéléments.

Paradoxalement, les résultats de cette extraordinaire sensibilité, qui devrait rassurer, sont souvent interprétés avec inquiétude. On est capable de détecter de la radioactivité partout ! Même une radioactivité aussi innocente que celle de nos corps d’humains fait crépiter un détecteur !