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Des matériaux lourds pour absorber les gamma

En matière de radioprotection atténuer les rayons gamma ne suffit pas : il faut absorber. Au moment où le gamma disparaît en interagissant, il transmet en effet le flambeau à d’autres particules, qui héritent de son énergie. Elles vont la déposer progressivement dans le milieu traversé si elles sont électriquement chargées. Si elles sont neutres, elles poursuivront leur chemin jusqu’à ce qu’elles interagissent à leur tour. La façon dont l’énergie est absorbée est donc complexe.

Absorption des gamma
Les gamma déposent leur énergie dans un écran de multiples façons. En (A), un photon interagit par effet photoélectrique : l’électron est arrêté pratiquement sur place. Il y a absorption totale. En (B), le photon traverse tout l’écran sans interagir. En (C) le photon interagit par effet Compton : l’énergie de l’électron Compton est absorbée sur place, mais un photon secondaire s’échappe. Dans les deux derniers cas, il y a absorption totale car les photons comptons sont absorbés plus loin dans l’écran en D’ et E”. L’énergie absorbée est la différence entre l’énergie entrante et l’énergie sortante.
© IN2P3

Le cas le plus simple se produit quand le photon interagit par effet photoélectrique, c’est à dire quand il est absorbé en un seul coup par un atome dont il éjecte un électron. Dans la matière d’un écran dense, le chemin parcouru par cet électron est très court si bien que l’on peut considérer que toute son énergie est absorbée localement. De son côté, l’atome absorbeur qui a perdu un électron va se réorganiser et restituer l’énergie acquise en émettant un ou plusieurs photons. Ces photons secondaires, qui peuvent être des rayons X si l’électron appartenait à la couche la plus interne de l’atome, ont perdu la mémoire de la direction du gamma incident et sont émis dans toutes les directions.

Le cas le plus compliqué se produit quand le photon interagit par effet Compton. Le photon est également absorbé, mais à côté de l’électron éjecté un nouveau photon d’énergie moindre est émis. L’électron Compton comme l’électron de l’effet photoélectrique dépose son énergie localement, mais le nouveau gamma qui a pris le relais s’échappe en emportant sa fraction d’énergie. Il est émis de préférence dans la direction du gamma incident. Si l’écran est épais, il a de bonnes chances d’être absorbé plus loin en interagissant à son tour. Mais il peut aussi sortir de l’écran, auquel cas seule une partie de l’énergie – celle de l’électron – aura été absorbée.

Absorption des gamma dans le béton
La capacité d’absorption du béton est loin de valoir celle du plomb, du fait que sa densité moindre (2,35 contre 11,6) et que ce matériau ne contient pas de noyaux lourds. Les épaisseurs d’écrans se comptent en dizaines de centimètres. Néanmoins, ce matériau courant et bon marché est très utilisé. La figure montre qu’un écran de 40 cm de béton absorbera 99,9 % de l’énergie de gamma de 500 keV. Les courbes données sont indicatives, car elles dépendent de la distance entre la source et l’écran, des caractéristiques du faisceau et d’autres facteurs.
© IN2P3 (Source K.Gerber)

Ces gamma secondaires Compton, émis à des angles et avec des énergies variés, compliquent la loi d’absorption. Non seulement ils prolongent la vie du faisceau, mais ils le dégradent. On a coutume néanmoins de considérer un coefficient d’absorption de l’énergie déposée (celle des électrons). Ce pouvoir d’absorption laisse de côté l’énergie des gamma secondaires absorbés plus loin dans l’écran. Pour la radioprotection, cela n’est pas grave : les largeurs d’écran ainsi calculées surestiment le risque.

Le plomb est un absorbeur très efficace. C’est d’abord un matériau très dense. Ensuite le noyau de plomb est un noyau lourd dont la propriété est de favoriser l’effet photoélectrique. Cet effet joue un rôle prédominant pour les gamma jusqu’à 200-300 keV d’énergie qui sont très majoritairement arrêtés (NB : leur énergie est pratiquement absorbée sur place). Les performances du plomb sont moins bonnes pour les gamma plus énergiques, mais le chiffre à retenir est que 1,5 cm d’écran suffisent à absorber 50 % de l’énergie de gamma de 1 MeV.

Quand il s’agit de se protéger des gamma, on mesure l’efficacité d’un absorbeur par son pouvoir d’arrêt, qui est l’inverse du coefficient d’absorption. On exprime généralement les coefficients d’absorption et d’atténuation en grammes par cm2 ce qui permet de comparer des absorbeurs de densité très différentes, comme par exemple le plomb et l’eau(les pouvoirs d’arrêt et d’atténuation sont les inverses de ces coefficients). On peut ainsi comparer les performances d’absorbeurs de densité très différente, par exemple l’eau et le plomb, à masses égales traversées.

Pouvoirs d’arrêt et coefficients d’absorption
La figure compare les pouvoirs d’arrêt et d’atténuation (définis comme l’inverse des coefficients d’absorption et d’atténuation) en fonction de l’énergie des gamma. Les pouvoirs d’atténuation et d’absorption sont voisins quand l’effet photoélectrique domine. Le plomb est un absorbeur très efficace pour des énergies allant jusqu’à 200 MeV, en raison de la prédominance de l’effet photoélectrique pour les noyaux lourds. Dans le cas d’un absorbeur léger comme l’eau, l’effet Compton domine : le pouvoir d’arrêt est plus faible et sa variation moins marquée.
© IN2P3 : Sources B.Tamain et K.Gerber

La comparaison des coefficients d’atténuation et d’absorption montre que ces deux coefficients sont voisins quand l’effet photoélectrique domine. Dans ce domaine le pouvoir d’absorption d’un élément lourd comme le plomb est très supérieur à celui d’atomes légers comme ceux de l’eau. Par contre dans le domaine où l’effet Compton domine, les performances des absorbeurs à masse égale se rapprochent.

Les absorbeurs légers (eau, béton, air) nécessitent de plus grandes épaisseurs parce qu’ils sont moins denses et que l’effet photoélectrique – bénéfique pour arrêter les gamma – joue un rôle moins important.

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