LARADIOACTIVITE.COM

Une base de connaissances grand public créée et alimentée par la communauté des physiciennes et physiciens.

Le suivi de l’exposition aux neutrons

Le recours à la dosimétrie des neutrons, ne s’impose qu’en présence d’un flux de neutrons, généralement auprès des réacteurs nucléaires et de certains accélérateurs de particules.

La dosimétrie des neutrons est plus délicate que celle des photons ou des électrons bêta : alors que ces derniers génèrent une ionisation directe (électrons) ou indirecte (photons), les neutrons se détectent essentiellement par leurs interactions avec certains noyaux atomiques. Ces interactions donnent naissance à des particules chargées. Ce sont elles que le dosimètre à neutrons détecte si de telles interactions (on parle de conversion) se produisent dans le dispositif.

Il convient de distinguer parmi les neutrons, car leur manifestations sont différentes, les neutrons lents ou thermiques (de très faible énergie) et les neutrons rapides.

Exemple de dosimètres pour neutrons
Les dosimètres Neutrak commercialisés par la société Lcie-Landauer sont un exemple de dosimètres passifs pour la détection des rayonnements neutroniques. Selon les modèles, les dosimètres sont adaptés à la détection des neutrons lents (thermiques) intermédiaires et rapides,
© Lcie-Landauer

La dosimétrie des neutrons utilise diverses signatures (ou modes de conversion) caractéristiques pour identifier et mesurer la présence de neutrons.

Dans un milieu fortement hydrogéné, les collisions sur des protons de l’hydrogène ralentissent rapidement les neutrons rapides. Les protons de recul ionisent et peuvent être ainsi détectés. Ils peuvent aussi être observés par leurs traces dans une émulsion photographique.

Un exemple d’interaction caractéristique de neutron lent est celui de sa capture par un noyau de lithium-6, présent à raison de 7,5% dans le lithium naturel. La capture casse en deux le lithium-6 éjectant une particule alpha , une signature détectable par un dosimètre. Une capture similaire a lieu avec le Bore-10.

Sur les dosimètres à film, un écran en cadmium sur une plage du film permet d’estimer la contribution de dose due aux neutrons thermiques , le cadmium arrêtant ces neutrons lents.

Une variété de dosimètres photographiques utilise une émulsion dans laquelle est détectée, après développement, la trace de protons de recul issus des interactions de neutrons. Cette technique ne détecte que des neutrons rapides, ce qui la limite à la surveillance des installations équipées d’accélérateurs.

La thermoluminescence peut être mise à contribution, en tirant profit du fait que certains matériaux thermoluminescents sont sensibles aux X, gamma et neutrons (par exemple le fluorure de lithium 6). Cette technique est plus adaptée aux neutrons lents.

On utilise également la lecture, après développement, d’émulsions photographiques. Les neutrons laissent dans ces émulsions des traces dites latentes produites par l’ionisation des particules issues des interactions de neutrons dans un milieu fortement hydrogéné (pour des neutrons rapides) ou enrichi en bore et lithium (pour des neutrons lents). Ces dosimètres sont longs à lire, mais se prêtent aujourd’hui à un traitement automatisé tant que la densité de traces n’est pas trop élevée (typiquement jusqu’à 200 mSv). Leur sensibilité est assez bonne.

On utilise la propriété qu’ont les noyaux mis en mouvement, lors des interactions avec des neutrons, d’être très ionisants dans les dosimètres à bulles : dans un gel métastable, l’ionisation provoque la vaporisation de microgoutelettes qui donnent naissance à des bulles qui restent piégées dans le gel. Il suffit de compter les bulles pour estimer la dose reçue. Un système optique ou électronique peut surveiller l’apparition des bulles et déclencher une alarme. Le dosimètre peut être lu à tout moment et être remis à zéro en recondensant les bulles par compression. Ce type de dosimètre est très sensible (minimum quelques microsieverts), mais requiert d’être assez gros (on parle alors de dosimètre de poing). Il a l’inconvénient d’être sensible aux chocs et sa durée de vie est limitée par le nombre de remises à zéro possibles (3 mois en pratique).

Des dosimètres électroniques adaptés aux neutrons sont en cours d’étude. Ils utilisent les dosimètres à diode ou mixte, équipés de convertisseurs hydrogénés ou au bore ou lithium.

Dosimètre neutron de l’IRSN
La coque du dosimètre convertit les neutrons en particules chargées (A) soit pour les neutrons rapides lors de collisions avec les protons du prolypropylène de la coque, soit pour les neutrons lents par réaction nucléaire avec du lithium-6. Ensuite (B), les particules chargées issues des neutrons convertis laissent une trace dans le détecteur.en polycarbonate qui les enregistre. Finalement, (C) quand ce détecteur est plongé plus tard dans une solution alcaline d’hydroxyde de sodium, ces traces sont révélées et peuvent être comptées moyen d’un microscope. Le nombre de ces traces permet de remonter à la dose.
© IRSN

L’IRSN propose également un dosimètre pour les neutrons. Ce dosimètre est adapté à tous les spectres neutroniques : thermiques, intermédiaires et rapides, rencontrés dans l’industrie, la recherche ou le secteur médical. Ce dosimètre est appelé « RPL neutron », car il inclut également un verre RPL pour détecter en plus des neutrons des rayonnements bêta, gamma et X par radiophotoluminescence.

Le dosimètre neutron est composé d’un détecteur en polycarbonate (CR 39), placé dans une coque en polypropylène utilisée comme convertisseur pour la détection des neutrons rapides. Pour les neutrons lents, on a recours au cadmium, un métal très efficace pour absorber ces neutrons. Deux convertisseurs additionnels de fluorure de lithium 6 permettent de vérifier si le dosimètre a bien été irradié et de déterminer l’équivalent de dose « neutron thermique ».

IRSN : Fiche dosimètrie neutron