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Effet d’écran de l’atmosphère pour un nuage distant

En cas d’accident majeur ou d’essais de bombes atomiques, des nuages contenant des poussières radioactives sont amenés à passer au dessus de populations. Ces nuages radioactifs, dont le plus célèbre fut celui de Tchernobyl, sont l’objet de craintes légitimes entrées dans l’imaginaire collectif.

Les poussières émettent des radiations qui peuvent atteindre le sol. Elles sont à l’origine d’une exposition externe qui dure le temps du passage du nuage. Cependant, si le nuage passe en altitude, cette exposition est fortement réduite par l’effet de bouclier de l’atmosphère. Lors de rejets de matières radioactives seuls les rayons gamma sont capables d’irradier à distance. Quelle protection offre donc l’atmosphère contre ces rayons ?

La première protection est due à un effet purement géométrique : l’angle – appelé angle solide – sous lequel est vu une cible diminue rapidement avec la distance. Mais le milieu traversé n’est pas le vide. Les atomes de l’air absorbent des gamma. Cet effet d’écran quasi inexistant à l’échelle de quelques mètres, se fait sentir à partir de quelques centaines de mètres. Sans ce bouclier atmosphérique, la vie n’aurait d’ailleurs pu se développer sur la Terre bombardée par le rayonnement cosmique.

Exemple d’effet géométrique : flux radioactifs à 1000 m d’altitude
Le risque résultant du passage d’un nuage radioactif est mesuré par le flux (nombre de gamma par seconde) traversant une surface cible au sol. La figure montre les flux aux sol résultant de plusieurs barres radioactives de 1 km de long situées à 1000 m d’altitude. Le flux au sol de la barre A située à l’aplomb de la cible est 14 et 60 fois plus important que ceux des barres B,C et D,E décalées de 1 kilomètre horizontalement. L’exposition est principalement due à la radioactivité située à la verticale. Si le nuage se déplace, on observera un pic d’exposition au passage de la verticale.
© IN2P3

Considérons le cas d’école d’une source intense de rayons gamma de 1 MeV circulant à 1000 m en altitude. Les gamma de 1 MeV d’énergie ne sont pas les plus représentatifs en cas d’accident, mais ils sont parmi les plus pénétrants : il leur faut parcourir 90 m d’air pour que leur nombre diminue de moitié.

Supposons maintenant pour la source une activité de référence de 1 PBq (mille milliards de kilobecquerels ou 27 000 curies) et supposons par commodité de calcul cette forte activité répartie uniformément le long d’une barre de 1 km.

Influences de l’altitude et de l’épaisseur du nuage
Calcul montrant l’influence de l’altitude et de l’épaisseur d’un nuage radioactif sur le flux gamma au sol et la dose reçue. On a choisi une activité du nuage de 5 Pbq et des gamma pénétrants de 1 MeV d’énergie. Le flux au sol (nombre de gamma traversant par seconde une cible de 1 m2) a été évalué à la verticale du nuage, la dose journalière calculée en supposant que tous les gamma traversant la cible étaient absorbés par un homme de 80 kg. Le rayon du nuage – supposé circulaire – est de 1 km avec une répartition (gaussienne) des activités. Flux et doses croissent avec l’épaisseur, et pour les couches inférieures plus proches du sol.
© IN2P3

Si on évalue le risque par le flux de gamma traversant une cible de 1 m2 au sol, le calcul montre que ce flux est maximum quand la barre est à la verticale de la cible : 25 000 gamma par mètre carré. Dans le vide ce flux serait 2800 fois plus intense du fait de l’absorption de l’air. Le flux diminue très vite dès que la barre s’écarte de la verticale. Si elle se déplace, on observera un pic d’exposition à l’aplomb de la cible.

A quelle dose s’exposerait un cobaye humain qui resterait sous le nuage une journée entière et dont les 80 kg auraient intégralement absorbés 25000 gamma de 1 MeV par seconde ? Le calcul montre que l’exposition journalière s’élèverait à 0,004 mSv, un risque équivalent pour certains experts à fumer le quart d’une cigarette. Impressionnants les becquerels restent trompeurs !

L’effet de bouclier de l’air augmente avec l’altitude. Au contraire, il diminue quand la source radioactive intense se rapproche de leur cible au sol. Dans notre exemple, le flux peut se compter en millions de becquerels à une distance de 500 m à la verticale. Il devient impératif de se mettre à l’abri, un plafond ou un mur de 30 cm de béton ayant le pouvoir absorbant d’un km d’air. C’est ce qu’ont expérimentés lors de l’accident de Fukushima les pilotes d’hélicoptères qui tentaient de larguer de l’eau de mer sur des bâtiments d’où émergeait un rayonnement gamma meurtrier et dont ils ne pouvaient approcher sans risques.

Ces calculs simplifiés donnent une idée des protections apportées par l’atmosphère à travers quelques ordres de grandeurs. Il faut retenir que les épaisseurs d’air qui assurent une bonne protection contre des sources gamma de très forte activité sont de l’ordre du kilomètre et qu’en dessous cette protection se dégrade vite.

Un calcul exact demanderait de tenir compte que les gamma ne sont pas absorbés d’un seul coup : Quand ils disparaissent par effet Compton, ils communiquent une partie de leur énergie à un gamma secondaire qui part dans une autre direction. A grande distance, les gamma qui atteignent la cible ont perdu beaucoup de leur énergie. Ayant parcouru un chemin plus long que la ligne directe ils ont plus de chance d’être absorbés en route.

Par ailleurs, les noyaux émetteurs du nuage n’appartiennent pas à une espèce unique. Il faut tenir compte de l’éventail en énergie des gamma présents. Pour s’en tenir à l’iode-131 et au césium-137, les principaux éléments du nuage de Tchernobyl, les énergies des principaux gamma émis sont de 364 keV pour l’iode et de 662 keV pour le césium. Ils sont plus rapidement absorbés que les gamma de 1 MeV de l’exemple.