Neutrinos Solaires
La traque des neutrinos et la résolution d’une énigme
Les réactions de fusion nucléaire dans le soleil produisent un grand nombre de neutrinos. Ces neutrinos quand on arrive à les détecter témoignent de l’activité du soleil et de ces réactions de fusion.
Ces neutrinos mettent 2 secondes pour traverser le soleil et quelques 8 minutes pour nous parvenir. Leur nombre est phénoménal. Pour en donner une idée, chaque centimètre carré de la surface terrestre est traversé chaque seconde par 65 milliards de neutrinos solaires. Mais ces neutrinos sont extraordinairement difficiles à mettre en évidence. Sur 100000 milliards de neutrinos solaires qui frappent la surface terrestre, il y aura moins d’une interaction avec un atome de notre planète.
La principale source de neutrinos est la réaction de fusion de deux protons qui aboutit à la nucléosynthèse du deutérium et que les physiciens appellent réaction pp. La réaction pp est la première des nucléosynthèses dans le soleil, celle qui fournit l’essentiel de son énergie : 92% des neutrinos solaires (appelés “primordiaux”) sont produits dans cette réaction.
Le deutérium formé est composé d’un proton et neutron. Il est rapidement brûlé pour donner un hélium 3 en fusionnant avec un proton. Ensuite, dans 83 % une nouvelle réaction de fusion conduit à l’hélium-4 le plus stable des noyaux légers qui n’est autre qu’une particule alpha.
Dans 17 % des cas cependant, un hélium-3 fusionne avec un hélium-4 pour engendrer un noyau de béryllium-7 qui se désexcite en lithium-7 par une capture électronique en émettant un neutrino. Enfin, très rarement le béryllium-7 fusionne avec un proton, pour former du bore-8 qui émet un neutrino par désintégration bêta. Ces deux fusions sont deux sources de neutrinos qui s’ajoutent à ceux de la réaction pp.
Telles sont les principales sources de neutrinos solaires. L’énergie des neutrinos primordiaux les plus abondants n’excède pas 0,420 MeV et diffère peu de celles des neutrinos de la radioactivité. Ces neutrinos de basse énergie, sont difficiles à mettre en évidence. Il a fallu toute la sensibilité du détecteur Gallex et de ses semblables pour les enregistrer. Par contre les neutrinos du béryllium-7 plus énergiques – principalement 0,84 MeV – sont plus identifiables. Les neutrinos du Bore bien que plus rares, sont les plus faciles à détecter et identifier car leur énergie peut aller jusqu’à 15 MeV.
Un déficit de neutrinos détectés
Au début des années 1970, Le physicien américain Raymond Davis (1914-2006) installe dans la mine d’or de Homestake dans le Dakota du Sud un réservoir de 400 000 litres de tétrachloroéthylène à 1 500 mètres de profondeur. Les neutrinos peuvent transmuter des noyaux de chlore-37 (un isotope du chlore) en l’isotope radioactif d’argon 37. Avec ingéniosité, Davis arrive à extraire, purifier et compter les atomes d’argon 37 formés. Avec patience, environ 2 000 atomes d’argon furent ainsi détectés durant plus de vingt ans, 30 % seulement de ce l’on attendait du soleil.
A partir de 1988, l’observatoire de Super-Kamiokande au Japon confirma ce déficit. La cible était constituée de 2 100 tonnes d’eau très pure. Quelques neutrinos mettaient en mouvement des électrons. Ceux-ci émettaient un éclair de lumière Tcherenkov qui étaient détectés. Mais seuls les énergiques neutrinos du Bore généraient assez de lumière pour ce faire.
À la fin des années 80, deux observatoires SAGE et GALLEX furent construits sous les montagnes du Caucase et sous le Grand Sasso en Italie.. Ils utilisaient du gallium que les neutrinos de faible énergie (au-dessus de 233 keV) peuvent transmuter en germanium radioactif. En 1992, GALLEX annonça la première observation des neutrinos primordiaux issus des réactions de fusion entre deux protons au cœur du Soleil. Le flux de neutrinos primordiaux était à nouveau mesuré inférieur, d’un bon tiers, aux prédictions des astrophysiciens. Le déficit de neutrinos ne concernait donc pas seulement les neutrinos énergiques du Bore !
Le clé de l’énigme : les oscillations de neutrinos
Pour expliquer ce déficit, l’hypothèse fut avancée d’une oscillations de neutrinos, notamment à l’occasion des travaux effectués en 1999 par l’expérience sur Kamiokande près de Tōkyō conduite par Masatoshi Koshiba : des neutrinos solaires se métamorphoseraient durant leur trajet en d’autres neutrinos échappant à la détection…
SUITE : Oscillations de neutrinos
Source : Les neutrinos solaires, par Michel Cribier : CLEFS CEA n°49 (pdf)