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Un électron qui aurait perdu sa charge électrique

La manière la plus simple de concevoir un neutrino est de l’imaginer comme un électron qui aurait perdu sa charge électrique.

Pour cette raison les neutrinos de la radioactivité sont appelés par les physiciens “neutrinos-électrons” Cette appélation sert à les distinguer de deux autres espèces de neutrinos, les neutrinos-mu et les neutrinos-tau.

Le neutrino-électron est avec l’électron l’un des deux acteurs de la radioactivité bêta, mais un acteur invisible car indétectable. Dans le cas le plus fréquent de la radioactivité bêta-moins, c’est son antiparticule, l’antineutrino-électron, qui intervient, partenaire de l’électron positif ou positon.

Quarks et leptons
Le neutrino est le quatrième membre d’une famille de quatre corpuscules qui joue un rôle fondamental dans le monde qui nous entoure. Les deux premiers sont les quarks “up” et “down” constituants de la matière nucléaire, le troisième est l’électron. Les physiciens appellent leptons la paire formée de l’électron et du neutrino. Quarks et leptons sont de minuscules corpuscules que l’on ne verra jamais dans un microscope. Les formes de toupies attribuées sur la figure sont symboliques.
© IN2P3

Le neutrino-électron est le compère de l’électron dans une famille de quatre corpuscules fondamentaux de la matière. Les deux autres membres de cette famille sont les quarks appelés up et down, qui sont les constituants élémentaires des protons et neutrons et de ce fait constituants ultimes du noyau de l’atome. Électron, neutrino-électron, quark up, quark down constituent aux yeux des physiciens la première génération des corpuscules élémentaires.

Ce qui différencie les quarks de l’électron et du neutrino est que les premiers sont sensibles aux forces très intenses – appelées interactions fortes – qui cimentent les noyaux. De ce fait les quarks sont difficiles à observer car ils restent prisonniers de la matière nucléaire.

Electrons et neutrinos ne sont pas sensibles à l’interaction forte. Ils prennent le large ! Mais les neutrinos sont électriquement neutres : ils ne possèdent pas la charge électrique qui permet aux électrons de former un cortège entourant le noyau de l’atome. Ils sont très difficiles à détecter.

On a longtemps postulé que les neutrinos avaient une masse nulle (comme les photons). Des expériences récentes ont montré qu’ils avaient une masse, mais extrêmement petite. Pour en donner une idée, la masse du neutrino-électron serait bien inférieure au millionième de la masse de l’électron, un corpuscule pourtant bien léger.

Corpuscules pratiquement sans masse, les neutrinos se déplacent à la vitesse de la lumière. C’est ainsi qu’en 1987, on observa, en même temps qu’un minuscule éclair de lumière provenant de l’explosion d’une lointaine supernova, l’arrivée d’une bouffée de neutrinos après un voyage de 180 000 années lumière.

Neutrinos gauches et antineutrinos droits
Les neutrinos comme les électrons et les quarks ont deux sens de rotation possible, appelés états de “spin”. Une  particularité remarquable des neutrinos est que seuls sont produits et interagissent les neutrinos ayant le sens de rotation dit “gauche” comme celui indiqué sur la figure. Les neutrinos dits “droits” ne sont pas observés, ne sont pas produits et n’interagissent pas. Dans le monde de l’antimatière, c’est le contraire : seuls les antineutrinos droits sont produits et observés. Cette propriété remarquable est une particularité de l’interaction faible.
IN2P3

Comme les électrons, les neutrinos possèdent deux sens de rotation possibles – appelés hélicité droite et gauche – quand l’axe de rotation est choisi parallèle à la direction du mouvement. Mais les neutrinos interagissent uniquement à travers les forces faibles qui distinguent les deux états d’hélicité (un phénomène que les physiciens appellent “violation de parité”). De de fait, seuls les neutrinos “gauches” sont produits et interagissent. Les neutrinos “droits” n’interagissent pas.

Les neutrinos n’interagissant avec la matière qu’à travers l’interaction faible, leur probabilité d’interaction (ou section efficace) est extrêmement petite. Pour en donner une idée, lors de la mise en évidence expérimentale des neutrinos en 1956, Reines et Cowan mesurèrent une section efficace de 0,063 milliardième de milliardième de barn.

Le barn est l’unité utilisée par les physiciens pour mesurer les sections efficaces. A titre de comparaison, la section efficace de capture d’un neutron par un noyau d’uranium-238 est de l’ordre du barn. L’énergie des neutrinos issus des désintégrations radioactives se situent généralement au dessous de 1 MeV. La section efficace d’un neutrino de 1 MeV bien supérieure à celle des neutrinos de Reines et Cowan, demeure extrêmement faible. Ceci explique que les neutrinos en provenance des désintégration radioactives dans le soleil soient capables de traverser la Terre. Sur 100 000 milliards de neutrinos solaires qui traversent la Terre, moins de un neutrino sera arrêté ou interagira !

Une probabilité d’interaction très faible
La probabilités d’interaction (section efficace) des neutrinos avec un proton ou neutron croit avec l’énergie . Les données de la figure rendent bien compte que cette probabilité d’interaction croit avec l’énergie et qu’elle est extrêmement faible pour les neutrinos de la radioactivité. En raison de leur énergie élevée, il est beaucoup plus facile de détecter les neutrinos présents auprès de grands accélérateurs de particules.
© J.W. Rohlf, retrieved from http://hyperphysics.phy-astr.gsu.edu

Il existe deux autres espèces de neutrinos, les neutrino-mu et le neutrino-tau. Le neutrino-mu est le compagnon du muon, un électron lourd observé dans le rayonnement cosmique. Le neutrino-tau est le compagnon du tau, un électron super-lourd (il pèse deux fois plus qu’un proton) découvert en 1975 par le physicien américain Martin Perl.

Dernier aspect de ces particules fascinantes. Sous l’effet des interactions faibles, les neutrinos se transforment l’un dans l’autre. Les physiciens disent qu’ils “oscillent”. Ainsi un neutrino solaire, né neutrino-électron dans le soleil, pourra être devenu neutrino-mu à son arrivée sur Terre. Le déficit observé des neutrinos-électrons en provenance du soleil est l’une des évidences pour les oscillations de neutrinos.

Le prix Nobel de physique 2015 a été attribué à deux chercheurs Japonais et américain, Takaaki Kajita et Arthur B. McDonald, pour leurs travaux mettant en évidence les oscillations des neutrinos, permettant aussi de confirmer que ces particules possédaient une masse très petite mais non nulle.

COMPLÉMENTS : Neutrinos solaires et Oscillations de Neutrinos