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La remarquable histoire du neutrino

Schéma du spectre en énergie des électrons bêta

L’énigme des spectres bêta
Schéma du haut : Vers 1930, on pensait que la désintégration bêta aboutissait seulement à un électron accompagnant le noyau de recul. L’électron léger devait emporter l’essentiel de l’énergie disponible, une fraction unique comme pour les désintégrations alpha. Schéma du bas : Or, la mesure des énergies des rayons bêta révélait que ce n’était pas le cas, comme le montre le spectre en énergie des électrons bêta du bismuth-210. Une partie de l’énergie disponible semblait avoir disparu ! Ou donc était passée l’énergie manquante ?
© IN2P3/AIP Niels Bohr Library

 

Lors de la découverte des désintégrations radioactives, il avait été établi que les rayons alpha emportaient toute l’énergie disponible : ils étaient “monocinétiques”. Par contre, les rayons bêta n’avaient pas tous la même énergie. La répartition en énergie des alpha se réduisait à une valeur unique – une raie – correspondant à l’énergie totale disponible dans la désintégration : celle des rayons bêta (un spectre) prenait des valeurs comprises entre zéro et un maximum correspondant à l’énergie totale dégagée.

En 1930 cette évidence posait un problème aux physiciens. Qu’en était-il de la loi de conservation de l’énergie pour la désintégration bêta ? Niels Bohr en vint même un jour à remettre en question ce fondement de la physique.

La résolution de l’énigme
C’est Wolfgang Pauli qui résolut l’énigme de l’énergie manquante, en proposant l’existence d’une troisième particule échappant à la détection : le neutrino. Reprenant l’exemple de la désintégration bêta du bismuth-210, on a choisi ici la configuration où le noyau de recul, l’électron et le neutrino possèdent une quantité de mouvement égale. Le noyau de recul étant 400 000 fois plus lourd que l’électron, il emporte une énergie négligeable. Le reste se partage entre l’électron et le neutrino, représenté comme une particule fantôme : il fallut un quart de siècle pour qu’une expérience prouve son existence.
© IN2P3/Musée Curie

Pour sauver la loi de conservation de l’énergie un physicien suisse Wolfgang Pauli inventa l’existence d’une particule neutre, de masse très faible, en tous cas inférieure au centième de la masse du proton, qui serait émise en même temps que le rayon bêta et partagerait avec lui l’énergie libérée dans la désintégration. Pauli avait “livré” cette hypothèse dans une lettre pleine d’humour à Lise Meitner et Hans Geiger. L’hypothétique particule fut appelée neutrino.

Enrico Fermi, le grand physicien italien, qui avait tout de suite cru à l’invention de W.Pauli tint compte de ce qui avait été discuté au Conseil Solvay d’Octobre 1933 consacré à la découverte du neutron par James Chadwick. Il proposa la théorie de la désintégration bêta qui faisait l’hypothèse qu’un couple électron-neutrino était créé lors de la désintégration du noyau

Photo de Enrico Fermi entouré de plusieurs de ses élèves

Enrico Fermi et la théorie des forces faibles
Physicien italien aux multiples talents, Enrico Fermi (1901-1954) théoricien et expérimentateur, introduisit la statistique de Fermi-Dirac (1927) et élabora la théorie de la désintégration bêta (1934). Il préconisa l’utilisation des neutrons pour la production de radioéléments artificiels et réalisa en 1942 la première pile atomique à Chicago. Il obtint le prix Nobel de physique en 1938. Il est à droite sur la photographie de 1934. Durant les années 1930, Fermi anima à Rome, Via Panisperma, une brillante école de Physique. Il est ici entouré de plusieurs de ses élèves qui devinrent ensuite des physiciens renommés.
© Wikipedia commons

Le physicien français Francis Perrin estima que « la masse devait être nulle – ou tout au moins petite par rapport à la masse de l’électron ».

La théorie de Fermi fut le précurseur de la théorie actuelle des interactions faibles. L’interaction, qui impliquait quatre particules (par exemple un neutron dans l’état initial, un proton, un électron et un antineutrino dans l’état final), était traitée comme une interaction ponctuelle.

Le neutrino restera une particule hypothétique jusqu’à sa mise en évidence expérimentale en 1956 par Reines et Cowan auprès d’un réacteur.

En 1955, le physicien américain Murray Gell-Mann introduit la notion d’interaction faible, qui intervient non seulement dans la radioactivité, mais dans les rares réactions que produisent les neutrinos et bien d’autres processus de la physique des particules.

Depuis son “invention” par Pauli et sa mise en évidence, le neutrino et son antiparticule n’ont cessé de jouer un rôle très important dans la physique des particules élémentaires. N’étant pas chargés électriquement, ils ne subissent que l’interaction faible, ce qui permet d’étudier celle-ci dans des conditions excluant tout “bruit de fond” dû aux autres interactions.

Intéressant la physique de l’infiniment petit, le neutrino intéresse également l’astrophysique, puisqu’il pourrait contribuer à la “masse cachée de l’Univers”.

1930-1956 : LA LONGUE RECHERCHE DU COMPAGNON DE l’ÉLECTRON

– 1) : La lettre de Pauli
– 2) : Mise en évidence du neutrino : 1956
– 3) : Historique du neutrino