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Une force fondamentale particulière et fascinante

Une troisième force est à l’œuvre dans les noyaux à côté de l’attraction nucléaire qui assure la cohésion du noyau et des forces de répulsion coulombienne. Cette force discrète, dont l’intensité est beaucoup moins importante que les deux autres, est appelée « force ou interaction faible ».

Découverte de la “violation de la parité” en 1956
La photographie montre les acteurs de la découverte de la violation de la parité dans les interactions faibles. Deux jeunes théoriciens chinois, T.D. Lee et C.N.Yang prédirent en 1956 que l’interaction faible pourrait ne pas respecter cette symétrie fondamentale de la physique.  Ainsi, un noyau de cobalt-60 et son image dans un miroir se désintégreraient différemment.  Cette prédiction fut vérifiée quelques mois plus tard dans une expérience sur la cette désintégration bêta, par une jeune expérimentatrice Madame Wu. Ceci fit dire au père du neutrino, Wolgang Pauli, que « Dieu était un peu gaucher ». Lee et Yang reçurent le prix Nobel de Physique à peine un an après, en 1957.
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La radioactivité bêta est la manifestation la plus connue de la force faible. Véritable phénomène d’usure, c’est un phénomène lent car il se produit difficilement. Contrairement aux forces nucléaires et électromagnétiques, la force faible est capable de transformer un neutron en proton ou inversement, donc de changer la composition d’un noyau. La signature de cette transformation est l’émission d’un électron (ou d’un positon), accompagnée de celle d’un antineutrino (ou neutrino) indétectable.

Une interaction “transformeuse”…
La Nature utilise l’interaction faible comme outil quand elle en besoin de transformer la matière. L’interaction faible associe les particules par paires : par exemple, neutron et proton, quarks down et up, électron et neutrino, positon et antineutrino. A l’intérieur de ces “doublets”, la charge électrique des deux particules diffère de une unité. Capable de changer sa charge électrique, et donc sa nature, l’interaction faible transforme un membre du doublet dans un autre.
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A l’échelle élémentaire, les forces fondamentales sont véhiculées par des ondes (ou particules) messagères. Dans le cas des forces électromagnétiques, ces ondes-particules sont des photons, des ondes électromagnétiques élémentaires qui vont de l’infra-rouge aux rayons gamma. Les messagers de l’interaction faibles sont des particules appelées bosons nommées en l’honneur du physicien indien Satyendranath Bose.

Contrairement au photon qui est sans masse, les bosons responsables des forces faibles sont des particules très lourdes. Deux possèdent une charge électrique, ce sont les bosons W+ et W-. Une troisième est neutre, le boson Z°. L’énergie de masse des W est de 80,4 GeV, celle du Z° de 91,187 GeV. Ces bosons sont 85,7 et 97,2 fois plus lourds qu’un proton.

La mécanique classique interdit à un proton, un neutron ou un noyau d’émettre de tels messagers. La mécanique quantique, l’autorise mais durant des durées extraordinairement brèves, d’autant plus brèves que les bosons W et Z sont très lourds. Ces durées sont si brèves que les bosons messagers n’ont pas le temps de voyager avant d’être réabsorbé ou d’interagir. Pour cette raison, l’interaction faible est considérée comme ponctuelle, à très courte portée.

Transformations de corpuscules : Couplages et boson W
Le cas de la paire électron-neutrino montre comment l’interaction faible change la nature d’un corpuscule, en émettant une particule intermédiaire appelée boson W, porteuse d’une charge élémentaire négative ou positive (NB : Les flèches rouges se rapportent aux corpuscules initiaux, les vertes à ceux de l’état final). En (A), un électron perd sa charge électrique en émettant un boson W-moins et devient un neutrino : (B) représente la réaction inverse, la capture du même boson W par un neutrino : En (C) et (D), on a changé le sens des flèches  de parcours et des particules en antiparticules.
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Malgré sa discrétion, la force faible joue un rôle fondamental dans l’univers. Sans elle, par exemple, le soleil ne pourrait pas fonctionner car il serait incapable de fusionner l’hydrogène en deutérium. Sans cette première fusion, le soleil et les étoiles ne pourraient fabriquer ensuite des noyaux d’atomes plus lourds comme l’hélium, le carbone, l’oxygène … qui nous entourent.

On pense aussi que l’absence d’antimatière dans notre environnement, à qui nous devons l’existence de l’univers, lui est due. Il existe d’autres manifestations de la force faible, mais qui dépassent le cadre de la radioactivité. L’origine de cette force est aujourd’hui bien comprise. Son mécanisme est très similaire à celui des forces électriques et magnétiques.

Une interaction asymétrique…
Les neutrinos, corpuscules qui se déplacent à la vitesse de la lumière, ne sont sensibles qu’à la force faible. Ils existent sous deux états de rotation interne (spin en anglais) autour de l’axe défini par leur direction de propagation,. Ces états sont appelés neutrino gauche et droit. Ces deux neutrinos se comportent très différemment. Alors que le premier peut se transformer en boson W et électron pour interagir, cette transition est interdite pour le neutrino-droit. Il  ne peut ni interagir, ni être produit. Des dissymétries semblables, mais moins marquées, sont observées avec les électrons, les quarks et les nucléons. Les physiciens ont coutume de dire que l’interaction faible “viole la parité“.
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Pour les physiciens, l’interaction faible est une interaction intéressante, remarquable, hors du commun. Par exemple, les corpuscules élémentaires comme les quarks, les électrons, les neutrinos ont les caractéristiques de petites toupies qui tournent dans un sens ou dans un autre. Alors que les autres interactions sont incapables de distinguer ces deux sens de rotation, l’interaction faible privilégie les rotations “gauches” par rapport aux rotations “droites”. Elle rompt une des symétries fondamentales de l’espace. Cette rupture de symétrie est la plus spectaculaire pour les neutrinos.

C’est en 1956, que fut mis en évidence par deux physiciens américains d’origine chinoise, Lee et Yang, cette asymétrie de l’interaction faible dans les désintégrations bêta du cobalt-60.

On doit à trois physiciens, Sheldon Glashow, Abdul Salam et Steven Weinberg, la théorie unifiant les forces électromagnétiques et faibles (1972). Cette théorie a été confirmée en 1982-83, par la découverte des bosons très lourds W et Z responsables de cette force. Pour prouver leur existence, il a fallu avoir recours aux collisionneurs de haute énergie comme le collisionneur proton-antiproton du CERN. La mise en évidence des bosons W valut le prix Nobel de Physique en 1984 à Carlo Rubbia et Simon van der Meer. Plus tard, dans les années 1990, le LEP, le grand collisionneur électron-positron du CERN, fut à même de produire des millions de Z°.