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L’interaction faible à l’origine de la radioactivité bêta

La désintégration bêta (β) et la capture électronique sont deux modes de transformation des noyaux dus aux forces faibles. L’une et l’autre modifient la composition en protons et neutrons d’un noyau, la charge électrique du noyau augmentant ou diminuant d’une unité. Cette variation de charge est compensée par l’émission d’un corpuscule chargé – un électron ou un positon – ou plus rarement par la capture d’un électron. Ces transformations sont accompagnées – autre signature caractéristique – de corpuscules qui échappent à l’observation, des neutrinos ou antineutrinos.

Les principales forces à l’œuvre dans le noyau, celles attractives qui assurent sa cohésion et celles répulsives entre charges électriques de même signe, sont incapables de transformer neutrons en protons et de produire des électrons, des positons, des neutrinos et des antineutrinos. La Nature à donc recours à un troisième type d’interaction (ce terme est plus exact que celui de force) pour procéder à des désintégrations  bêta  ou des captures électroniques. Cette troisième interaction est appelée interaction faible.

Des quarks au noyau
Les désintégrations bêta des noyaux sont la conséquence de transformations qui se produisent au niveau élémentaire des quarks. Par exemple, le passage d’un noyau de tritium à l’hélium-3 est provoquée par la transformation d’un des deux neutrons du tritium en proton (A). La transformation de ce neutron en proton (B) est elle même le résultat d’une transformation des corpuscules élémentaires qui constituent la matière nucléaire, les quarks. Les neutrons contenant deux quarks down et un quark up et les protons l’inverse (deux up et un down). La mutation (C) d’un quark down en quark up est à l’origine de la mutation d’un neutron en proton, donc de la désintégration bêta du tritium.
© IN2P3

Cette troisième interaction est dite faible car les désintégrations bêta qui en sont la manifestation la plus visible sont des transformations lentes qui ont du mal à se produire. Les temps de vie des noyaux instables sont extrêmement variables (un quart d’heure pour un neutron libre, une semaine pour l’iode-131, trente ans pour le césium-137, un milliard d’années pour le potassium-40), mais tous ces temps, y compris le quart d’heure du neutron, sont très longs pour les horloges nucléaires.

La première théorie de la désintégration bêta a été formulée en 1934 par le grand physicien italien Enrico Fermi, à une époque ou l’existence des quarks n’était pas soupçonnée et celle des neutrinos seulement une hypothèse. Depuis les années 1970, on sait que lorsqu’un nucléon change de nature (neutron ou proton) c’est qu’un de ses constituants (quark down ou up) se transforme d’une espèce dans l’autre. C’est au niveau de ces corpuscules élémentaires qu’intervient l’interaction faible.

Le mécanisme de la désintégration bêta-moins comporte plusieurs phases. Au départ, un quark down d’un neutron, dont la charge électrique vaut -e/3, émet une particule porteuse d’une charge électrique négative -e. Sa charge passe à +2e/3. Il est devenu un quark up. En général, le quark up réabsorbe immédiatement la charge négative et redevient quark down. La charge négative brièvement émise puis réabsorbée est portée par une particule appelée « boson W-moins ». Or, cet objet est instable et peut se désintégrer en électron et antineutrino (NB : Le boson W a d’autres manières de se désintégrer, mais seul le mode en électron-neutrino, le plus économique en énergie, se manifeste dans les phénomènes de radioactivité).

Si le boson se désintègre durant l’instant extraordinairement bref qui s’écoule entre son émission et sa réabsorption, une désintégration bêta-moins s’est produite.

Principe d’incertitude de Heisenberg
On doit au grand physicien allemand Werner Heisenberg (1901-1976) d’avoir formulé en 1927 le principe quantique d’incertitude. Il n’avait que 26 ans ! Ce principe explique en particulier comment une particule peut changer de nature pendant un temps très court. Durant ce temps son énergie ne peut être définie avec certitude. Dans le cas de la transformation d’un quark down en quark up accompagné d’un boson W, le principe d’incertitude permet de chiffrer cette durée à 10-26 s. Au bout de ce temps extraordinairement court le boson W est normalement réabsorbé par le quark qui redevient “down”. Durant cet instant, le boson W possède une très faible probabilité de se désintégrer en électron et antineutrino. Ce mécanisme est à l’origine de la radioactivité bêta.
© IN2P3

Ce mécanisme s’explique dans le cadre de la mécanique quantique. C’est le principe d’incertitude de Heisenberg qui autorise un quark à émettre et à réabsorber un objet beaucoup plus massif que lui, le boson W. L’existence de cet intermédiaire fugitif, dont les propriétés avaient été prédites par la théorie à la fin des années 1960, a été confirmée expérimentalement en 1983.