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Un indicateur utile … mais à utiliser à bon escient

On évalue souvent le danger présenté par une substance radioactive à l’aide d’une quantité appelée ” radiotoxicité potentielle “. Cette radiotoxicité concerne les irradiations internes, les irradiations externes étant considérées séparément. L’irradiation interne est nocive car l’organisme n’est pas protégé contre les émetteurs alpha et bêta implantés à demeure, les rayons gamma étant moins dangereux car déposant leur énergie d’une manière diluée et une fraction s’échappant sans avoir interagi.

La radiotoxicité potentielle est un indicateur surtout utilisé dans la gestion des déchets radioactifs pour évaluer le danger potentiel qu’ils présentent en cas d’ingestion. Par exemple un combustible usé sorti de réacteur contient 1% de plutonium. Quelle serait la dose reçue par une population qui ingérerait ce plutonium ? Ce plutonium étant peu mobile, la population n’en avalerait que très peu si une bonne gestion interdit sa dissémination. La radiotoxicité potentielle surestime alors beaucoup le risque. Mais elle est utile pour comparer les solutions envisagées pour le stockage à très long terme des déchets radioactifs.

Expositions internes : radiotoxicité des alpha
La figure illustre les dangers de l’ingestion d’émetteurs alpha et bêta qui se fixeraient durablement par exemple dans un tissu osseux, alors que ces mêmes rayons sont peu dangereux à l’extérieur. Dans un tissu, des alpha comme ceux du radium ou du plutonium déposent leur 5 MeV d’énergie sur une distance ultracourte d’une cinquantaine de microns. Ces alpha sont à même d’atteindre des cellules sensibles de l’os et d’induire un ostéosarcome. Dans le cas d’un émetteur bêta comme le strontium-90 qui se fixe aussi sur les os, les rayons bêta, moins énergiques mais plus pénétrants, peuvent atteindre la moelle épinière et être à l’origine de leucémies.
© IN2P3

La radiotoxicité potentielle constitue un meilleur indicateur des risques que l’activité radioactive, mais elle n’est qu’une ” toxicité en puissance “. Comme les poisons de Locuste, la célèbre empoisonneuse de l’Antiquité, les éléments radioactifs doivent pénétrer dans l’organisme pour exercer leurs ravages. Heureusement les chances pour que cela survienne sont, sauf accident, très petites. Le qualificatif ” en puissance ” étant généralement oublié, la radiotoxicité potentielle est souvent prise une toxicité réelle, générant ainsi des peurs.

L’ingestion ou l’inhalation d’un radioélément se traduisent par une dose dite engagée, car ses effets sont à venir et s’étalent sur de longues durées pouvant atteindre la vie entière. Il faut prendre en compte la façon dont les produits radioactifs sont éliminés ou fixés par le corps, la nature des rayonnements et les temps de désintégration.

Hiérarchie des facteurs de doses
Les facteurs de dose mesurent les risques encourus lors de l’absorption d’atomes radioactifs. Ils permettent de convertir les doses d’activité absorbées en becquerels (Bq) en doses efficaces exprimées en millisieverts (mSv). La figure montre les doses résultant de l’absorption d’un million de becquerels pour quelques radioéléments (La très grande variation des risques encourus requiert une échelle logarithmique). A titre indicatif, la dose annuelle résultant de la radioactivité naturelle est de 2,4 mSv. Les éléments les plus toxiques à absorber sont les émetteurs alpha (en bleu). Les produits de fission sont représentés (en vert). Sont aussi indiqués (en rose) le potassium-40 et le carbone-14 présents dans le corps humain.
© IN2P3

Il existe une grande hiérarchie de radiotoxicité. À activité égale, le tritium est le radioélément le moins radiotoxique. En sens inverse, la plupart des noyaux plus lourds, comme l’uranium, le plutonium, et les actinides mineurs sont très radiotoxiques car ils sont émetteurs de rayons alpha. Le plutonium-239 est ainsi 14000 fois plus radiotoxique que le tritium.

La faible nuisance du tritium est due à l’énergie particulièrement faible de ses électrons bêta (0,018 MeV au maximum) et au fait que cet isotope de l’hydrogène est généralement éliminé de l’organisme avant de s’être désintégré (sa période biologique n’est que de 10 jours). Au contraire, le plutonium est toxique car c’est un émetteur alpha qui peut se fixer dans les os et le foie pour une longue durée. Le plutonium et les actinides sont très peu mobiles, ce qui réduit leur probabilité d’être absorbés.

Barrières protectrices
La radiotoxicité potentielle très élevée du combustible usé des réacteurs met longtemps à diminuer comme le montre son évolution et celle de ses composantes sur des millénaires. Mais dans le cas d’un stockage géologique, la nuisance effective est beaucoup plus faible. La toxicité très élevée des matières irradiées est réduite par la matrice qui immobilise les atomes radioactifs, les conteneurs qui contiennent ces matrices, les ouvrages qui les immobilisent, les roches qui abriteront ces ouvrages durant des temps très longs.
© IN2P3 (Source des données : Clefs CEA)

La radiotoxicité potentielle rend mieux compte du risque dû aux rayonnements que l’activité radioactive. Elle constitue un bon indicateur pour la gestion des combustibles usés très radioactifs sortis des réacteurs. Elle ne doit pas être confondue avec une nuisance réelle. Seule heureusement une minime fraction de ces substances est ingérée par l’homme dans la plupart des cas. Dans le cas du stockage des déchets radioactifs, les ingénieurs multiplient les barrières pour piéger les matières radioactives, retarder la dispersion, empêcher les contacts avec le vivant et ainsi réduire leur nuisance.

Dans le cas d’un accident rien ne freine leur dispersion. Il vaut mieux s’en remettre à des mesures sur le terrain. Pour prendre l’exemple de Tchernobyl, il faudrait prendre en compte les vents qui emportèrent le panache, les pluies qui ramenèrent une partie de la radioactivité au sol et les reliefs qui en interceptèrent une autre partie. Il y a ensuite les multiples façons dont les substances radioactives sont absorbées par les végétaux et remontent la chaîne alimentaire, sans oublier les mesures de sauvegarde prises comme l’évacuation des populations et le contrôle des aliments.