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Peut-on prévoir les effets d’une faible dose de radiations ?

Estimation du taux de cancers aux faibles doses
Dans le domaine des irradiations faibles et moyennes, les effets des radiations, soumis aux lois du hasard, ne sont mal connus. Par défaut, la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) fait l’hypothèse que l’effet reste en proportion de la dose. La relation est représentée par une droite issue de l’origine passant au plus près de données expérimentales, elles même affectées d’erreurs importantes. On en déduit un taux de 5 % de cancers induits par des radiations par sievert absorbé. Une échelle logarithmique est nécessaire pour représenter sur la  figure doses et effets sur plusieurs ordres de grandeur.
© IN2P3

Bien que nous soyons exposés en permanence à de faibles doses de radiations, ne serait-ce que du fait de la radioactivité naturelle, il n’existe pas de données sur lesquelles appuyer nos connaissances pour évaluer l’effet de ces expositions. Il existe toutefois quelques données pour des doses moyennes de quelques centaines de millisieverts (mSv), mais elles ne sont ni abondantes ni précises.

Néanmoins, malgré l’absence de données pour les faibles doses, les experts ont tenté d‘évaluer, pour les besoins de la radioprotection, les effets éventuels de ces faibles expositions en proposant des relations entre effets et doses basées sur des modèles.

Dans le domaine des doses efficaces faibles et moyennes, les effets sont dits probabilistes car ils différent d’une personne à l’autre et relèvent pour une bonne part du hasard. Dans la très grande majorité des cas, ce hasard est heureux et la nature semble réparer les transformations que les rayonnements ont provoquées. Quand la nature ne répare pas, des cancers, ou encore des effets génétiques, peuvent se manifester des années après l’exposition.

Pour ces expositions, c’est la probabilité d’apparition d’un cancer, non sa gravité, qui augmente avec la dose. Au niveau d’une personne individuelle, il est impossible, sauf exception, d’attribuer à la radioactivité un cancer qui se manifeste au bout de plusieurs années.

Le modèle le plus simple est celui préconisé par la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) : la probabilité d’un effet comme l’apparition d’un cancer, croit en proportion de la dose. Sur un graphique représentant l’effet en fonction de la dose, une telle relation est représentée par une droite passant par l’origine.

Marges d ‘erreurs
Les rares données qui servent à établir les relations entre doses et effets des radiations sont entachées de marges d’erreurs importantes. La figure représente les principales données dont on dispose qui proviennent des études faites sur les survivants d’Hiroshima et Nagasaki. Les marges d’erreurs de chaque mesure, signifient que le facteur de risque réel a 70 % de chances de se trouver à l’intérieur de la marge. Étant donné l’importance des marges d’erreurs, on ne peut départager les trois modèles de la figure, dont les prédictions sont similaires pour de fortes doses mais qui diffèrent dans le domaine des faibles doses de la vie courante.
© IN2P3 (Source IRSN/H.Métivier)

Il faut déterminer la pente de la droite, c’est-à-dire le taux de proportionnalité. Les données étant (heureusement) rares, les radio-protectionnistes se sont basés pour calculer cette pente sur les études faites sur les irradiés de Hiroshima et de Nagasaki qui ont reçu des doses de plusieurs centaines de millisieverts (mSv).

Le taux d’apparition de cancers induits par la radioactivité a ainsi été estimé à environ 5% (50 cancers pour mille personnes) par sievert, pour l’ensemble de la population. Chez l’enfant, il est estimé entre 10 et 15% par sievert. Chez l’adulte le risque diminue avec l’âge. En dessus de 60 %, il est devenu faible en raison du délai d’apparition des cancers.

En appliquant le taux  de 5% à une population française de 60 millions d’habitants, la radioactivité naturelle et les examens médicaux (en moyenne 2,5 et 1 mSv par an et par français) seraient à l’origine de 7500 et 3000 cancers sur les 120 000 recensés chaque année. Aucune étiquette biologique permettant à ce jour d’identifier l’origine de tels cancers radioactifs, ces calculs n’ont été ni prouvés ni infirmés.

Même avec des études épidémiologiques portant sur des millions de personnes, il est très difficile de mettre un évidence un effet des faibles doses, car il faudrait précisément connaître les doses auxquelles ces personnes ont été exposées. Ces études ne prédisent que des effets moyens.

Absence de données aux faibles doses
Dans le domaine des faibles doses (en dessous de 200 mSv), la relation entre l’effet et la dose est en quelque sorte laissée à l’inspiration de l’artiste en l’absence de données qui permettraient une validation par l’expérience. Il existe des alternatives au modèle de la ligne droite préconisé par la CIPR. Par exemple, une relation linéaire pour laquelle le risque ne commence qu’au dessus d’un certain seuil, ou encore un autre modèle (hormésis) pour lequel la radioactivité est même bénéfique à de très faibles doses.
© IN2P3

Certains spécialistes pensent que la formule selon laquelle le nombre de cancers est proportionnel à la dose majore les effets et proposent d’autres modèles. Existe-t-il un seuil au-dessous duquel les rayonnements ne seraient pas toxiques : par exemple, parce que les mécanismes de réparation cellulaire, opérationnels aux faibles débits, effaceraient les dégâts causés ?

Nous ne sommes pas égaux devant les rayonnements ionisants. Des techniques de laboratoire avancées comme l’immunofluorescence, ont confirmé dans le domaine de l’imagerie médicale (c’est à dire pour des doses faibles de quelques mSv) que la sensibilité de l’ADN des cellules aux rayons variait d’un individu à l’autre. Par exemple, la radiosensibilité apparait plus marquée chez des patientes à haut risque familial de cancer du sein que chez celles sans risque identifié dans la famille.

L’incertitude sur l’incidence des faibles doses est ignorée par les textes législatifs qui fixent les doses d’exposition légales dans un souci de risque zéro et pour appliquer le principe de précaution. Par ailleurs, ces modèles sont très simplifiés et négligent des facteurs aussi cruciaux que le débit de dose, l’âge et l’hérédité des personnes qui subissent l’exposition. Les normes de radioprotection ne tiennent pas compte d’une réaction différente des individus à des doses identiques.