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Après un accident : Quel impact sur les aliments et l’homme ?

Une grande quantité de radioactivité a été dispersée dans l’atmosphère lors des essais atmosphériques américains et soviétiques des années 1950-1960, puis des accidents de Tchernobyl en 1986 et dans une moindre mesure celui de Fukushima en 2011.

Une petite partie des atomes radioactifs dispersés ont contaminé la chaîne alimentaire pour atteindre nos organismes et nous exposer à la radioactivité. Quelle est l’ampleur de la contamination des aliments ? L’ampleur de l’exposition ? Ses dangers ?

Si l’on met de côté les atomes radioactifs à courte durée de vie – comme l’iode-131 – dont la radioactivité disparait rapidement, les deux principaux éléments à considérer à la fois pour l’importance des quantités dispersées et leur durée de vie sont le césium-137 et le strontium-90. Des deux, le césium-137, a été le plus étudié, car il émet des rayons gamma qui permettent d’identifier facilement sa présence (le strontium n’émet pas de gamma. Plus difficile à étudier que le césium, il serait moins mobile).

Bien que moyennement radiotoxique (il séjourne surtout dans la masse musculaire), le césium suscite une inquiétude légitime dans l’opinion publique en raison de sa longue durée de vie. Il faut attendre 30 ans pour que son activité radioactive soit divisée par deux.

Des atomes de césium dispersés qui s’enfoncent lentement dans le sol, combien contaminent nos aliments ? Combien se fixent-ils dans nos corps humains ? Combien de temps y séjournent-ils ?

Évolution du Césium-137 dans le corps humain
L’activité du césium-137 dans le corps humain a été mesurée aux environs du laboratoire de Mol, dans le nord de la Belgique, depuis près d’un demi-siècle. Bien que ce laboratoire soit éloigné des pas de tirs des essais nucléaires et de Tchernobyl, ce suivi montre très bien le pic d’activité dû à ces essais et celui, environ 4 fois moindre, de Tchernobyl. Dans les deux cas,la décroissance du césium-137 dans le corps humain est beaucoup plus rapide que la décroissance radioactive naturelle dont la période est de 30 ans.
© SCK-GEN (Source Jean Louis Genicot)

Une étude effectuée en Belgique a fourni des réponses. Le laboratoire de Mol, dans les Flandres belges, a mesuré chaque année durant près d’un demi-siècle, l’activité radioactive du Césium-137 présent dans le corps humain. Le laboratoire est situé loin des sites d’essais nucléaires des années 1950-60 et de celui de Tchernobyl. Ces mesures donnent une bonne idée de l’exposition subie durant cette période par l’immense majorité de la population humaine qui vivait loin de ces sites.

L’activité du césium-137 mesurée en becquerels (Bq) est à comparer aux 8000 Bq de l’activité naturelle du corps humain dus essentiellement au carbone-14 et au potassium-40. Au plus fort des essais nucléaires atmosphériques, cette activité culminait à un peu plus du dixième de l’activité naturelle (900 Bq), pour retomber peu après à un niveau bas. Lors de l’accident de Tchernobyl en 1986, elle culmine à nouveau à 3,5 % de l’activité naturelle  (270 Bq) pour retomber après 3/4 ans à un niveau de 20 à 40 becquerels.

A quoi attribuer cette décroissance de l’activité absorbée beaucoup plus rapide que la décroissance radioactive ? La présence d’un élément radioactif dans le corps humain passe par l’ingestion d’aliments contaminés, notamment de produits agricoles comme la viande, le lait, les légumes et fruits ….

Diminution naturelle de la contamination des aliments
A partir de 1987, un an après Tchernobyl, la contamination des productions agricoles provient de l’absorption par les racines du césium radioactif présent dans les sols et non plus des dépôts sur les feuillages et l’herbe comme dans les semaines après l’accident. Dès lors, elle est beaucoup plus faible et diminue régulièrement au fil des années. Aujourd’hui, la contamination des produits agricoles est 10 à 30 fois plus faible qu’en 1987, et 1 000 à 10 000 fois plus faible qu’immédiatement après les dépôts de mai 1986.
© Source IRSN

La diminution de la présence de césium dans le corps humain s’explique par des causes naturelles, dont la diminution des contaminations des aliments, observées dans les analyses de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) effectuées en France après Tchernobyl. Au printemps 1986, les principales expositions – les trois quarts – sont dues à la contamination des aliments, suivie par les dépôts au sol et l’inhalation bien avant celle due au passage du nuage radioactif (rayons gamma). A partir de l’année suivante, la contamination de la chaine alimentaire diminue constamment. Vingt ans après, les doses annuelles internes reçues sont de 50 à 100 fois plus faibles.

En 1986, lors de l’accident, le césium dispersé se dépose sur l’herbe, sur les feuilles en pleine pousse ! C’est le printemps ! Les vaches broutent l’herbe contaminée. Les salades, les légumes à larges feuilles sont particulièrement touchés. Une année après, une nouvelle végétation remplace l’ancienne. A partir de 1987, beaucoup moins de contamination passe dans les aliments. La contamination des produits agricoles passe par les racines et ne se fait plus à partir des dépôts radioactifs sur les feuilles et l’herbe. L’absorption par les racines du césium 134 et 137 présent dans le sol est un ordre de grandeur plus faible.

En 2006, la dose annuelle reçue par la population française du fait de la contamination héritée de l’accident de Tchernobyl était estimée 0,010 mSv, l’équivalent d’un peu plus d’un jour de radioactivité naturelle.