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Un héritage à long terme de l’accident

Dépôts à l’échelle mondiale
Les 80 000 terabecquerels de césium-137 relâchés dans l’environnement au moment de l’accident de 1986 représentent un tiers de la quantité présente dans le réacteur. Sur ce tiers a peu prés la moitié a été déposée dans l’ex-URSS et surtout à proximité de Tchernobyl.
© IRSN

Plus de vingt ans après l’accident de Tchernobyl, l’attention se concentre principalement sur un déchet radioactif, le césium-137. L’iode-131, redoutable dans les semaines qui ont suivi la catastrophe, a disparu du fait de sa période période radioactive de 8 jours. Par contre, en raison de leurs périodes d’une trentaine d’années, les effets du césium-137, et à un moindre degré ceux d’un autre radioélément, le strontium-90 se font encore sentir.

La période radioactive du césium est de trente ans : il est à 1400 fois moins actif que l’iode-131. L’inconvénient est qu’il disparaît lentement.

L’IRSN estime que 80 000 terabecquerels  de césium-137 ont été rejetés dans l’environnement, soit 30 à 40 % de la quantité présente dans le cœur du réacteur accidenté (Le becquerel ou Bq étant une unité très petite, on utilise le térabecquerel (TBq) pour représenter l’activité des rejets). Le césium a disparu depuis longtemps de l’atmosphère en se déposant au sol. La quasi-totalité des dépôts se retrouvent à faible profondeur, car la migration de cet élément chimique est faible. Il s’enfonce lentement dans le sol. Plus de douze ans après l’accident, le césium se concentrait dans les 5 premiers centimètres de la litière végétale et favorisait la contamination par les racines des jeunes bois et des champignons.

Près de Tchernobyl, l’interception des aérosols et poussières radioactives par le feuillage, puis la chute des feuilles, amenèrent une contamination localisée de la litière des forêts sur une surface d’environ 40 000 km2. Dans certaines zones proches de la centrale, les quelques centimètres en surface furent retirés ou recouverts de terre non contaminées. Cette décontamination a permis de réduire la quantité de césium d’un facteur allant de 10 à 100.

La contamination au césium, minutieusement suivie par les organismes de radioprotection, a fait l’objet de 60 000 mesures depuis l’origine. On observe des taches de contamination en « peau de léopard » dont la répartition suit celle observée de l’iode-131 en 1986.

Ce césium radioactif peut-il être remis en circulation, par exemple lors d’incendies, et être à l’origine d’un second nuage de Tchernobyl ? La question a été posée à l’occasion d’incendies qui ont ravagé de forêts proches en 2002, 2010 et 2020. Il faut remarquer que même importants ces incendies ne couvrent qu’une fraction minime de la surface contaminée, qu’une partie du césium encore présent s’est enfoncée dans le sol et que ce sont des radioéléments à vie courte comme l’iode-131 (et non le césium) qui contribuèrent à la dangerosité du nuage de 1986. Il a fallu à l’IRSN des détecteurs ultra sensibles et des semaines d’observations pour déceler un faible augmentation de la teneur en césium-137 consécutive aux incendies de 2002.

Le césium en Europe après Tchernobyl
De nombreuses mesures ont permis d’établir la carte des dépôts au sol du césium-137 après l’accident (exprimés en kilobecquerels (kBq) par mètre carré). Ces dépôts se sont ajoutés au reliquat des retombées des essais nucléaires antérieurs. La carte montre des contaminations près de 1000 fois plus élevées à proximité de Tchernobyl qu’en Europe occidentale en raison des effets de l’éloignement. Au total, les dépôts ont représenté environ trois fois ce qui subsistait en 1986 des essais nucléaires.
© IRSN

Contaminations du césium en France

Les zones françaises les plus touchées se situent dans les Vosges et le haut Var où des concentrations de dépôts au sol ont été repérées. Dans certaines zones des Alpes du Sud comme le Vallon de Cavalet, des éléments radioactifs se sont accumulés sur quelques décimètres carrés au fond des vallées, la topographie des lieux ayant favorisé la collecte.

Ces concentrations sont très localisées. Dans certaines parties des forêts touchées, le gibier et les champignons présentèrent des signes d’une contamination anormalement forte : l’activité ramenée au kilogramme atteignit localement 2000 Bq chez des sangliers et 5000 Bq pour des champignons, la normale étant d’une centaine de Bq/kg.

Les sangliers se nourrissent de racines, glands, et champignons situés dans les premiers centimètres des sols forestiers. Le mycélium, partie vivace des champignons, se développe à ces profondeurs et ce vaste réseau souterrain concentre les éléments minéraux, principalement le potassium. Il piège le césium, analogue chimique du potassium, comme il piège, par ailleurs, les pesticides.

Les risques liés à ces concentrations doivent être ramenés à leurs proportions. L’IRSN a calculé, qu’un forestier se nourrissant uniquement de gibier et de champignons se serait exposé à une dose annuelle de 1 millisievert, de l’ordre de la dose moyenne admise de radioactivité artificielle.