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Un accélérateur innovant pour la recherche médicale et scientifique

L’Accélérateur pour la Recherche en Radiochimie et en Oncologie de Nantes Atlantique (ARRONAX) inauguré le 7 novembre 2008 ouvre la voie à la production de radioéléments d’intérêt médical à visée diagnostique mais aussi thérapeutique. Il constitue aussi un outil de choix pour la recherche dans les domaines de la radiochimie et des effets des rayonnements ionisants sur la matière inerte ou vivante.

Arronax
La salle du cyclotron
© Subatech

Sur le plan technique, cet instrument équipé de six lignes de faisceaux est un accélérateur de type cyclotron capable d’accélérer des particules alpha et des protons à haute énergie (70 MeV) avec une forte intensité pouvant atteindre 700 µA (microampères). Des deutons (noyaux de deutérium) pourront également être employés. Les particules accélérées par le cyclotron viennent alors interagir avec des cibles pour produire les radioéléments recherchés.

Dans le domaine médical, le premier objectif d’ARRONAX est d’assurer la production de radioéléments innovants pour la recherche en médecine nucléaire. Par médecine nucléaire, il convient de distinguer d’une part les éléments radioactifs utilisés à des fins diagnostiques pour l’imagerie médicale et d’autre part les radioéléments employés à des fins thérapeutiques. Le fluor 18 (émetteur bêta+) est par exemple le radioélément de référence pour l’imagerie par tomographie par émission de positions (TEP). L’imagerie TEP avec le 18-Fluoro-déoxyglucose (18-FDG) est indiquée dans le diagnostic, le bilan d’extension et le suivi des tumeurs solides mais elle peut être aussi utilisée en cardiologie. Un des inconvénients du fluor-18 réside dans sa période radioactive de 110 minutes qui nécessite donc que son centre de production soit peu éloigné de son lieu d’utilisation. Ce problème d’approvisionnement régulier peut être contourné en utilisant des radioéléments de courte période qui sont produits par un générateur. En d’autres termes, le générateur est composé d’un élément radioactif de période assez longue qui va donner naissance par désintégration à un noyau fils de courte période, ce dernier pouvant être utilisé comme marqueur en médecine nucléaire.

Arronax
Cellule blindée
© Subatech

Le cyclotron ARRONAX offre par exemple la possibilité de produire en quantité suffisante du germanium-68 dont la période est de 271 jours et qui va fonctionner comme générateur de gallium-68 (émetteur bêta + de période de 68 minutes) pendant plusieurs mois dans les services de médecine nucléaire sans qu’il n’y ait besoin de faire appel à un approvisionnement quotidien en gallium-68 (Le gallium-68 est un radioisotope émetteur bêta-plus utilisé comme traceur dans l’imagerie du cerveau et certains dépistages de cancers par TEP).

D’autres applications d’imagerie utilisent des anticorps combinés à un traceur radioactif. Dans ces cas, la fixation des anticorps sur leurs cibles biologiques n’est optimale qu’après quelques heures ou quelques jours après l’injection. Le fluor-18, du fait de sa courte période de 110 minutes, montre donc de sérieuses limitations pour cette application. Par contre, l’iode-124 qui pourra être produit par la plateforme ARRONAX permettra de mieux répondre aux besoins de cette technique d’immuno-TEP car sa période est de 4,2 jours (L’iode-124 est un isotope radioactif émetteur bêta plus et chimiquement un halogène comme le fluor-18. Il peut être chimiquement lié à un produit radiopharmaceutique TEP. Injecté au patient, il est utilisé comme radiotraceur en imagerie TEP du corps). Parmi les autres radioéléments d’intérêt pour l’imagerie qui seront produits par ARRONAX, on peut citer le cuivre-64 ou encore des générateurs strontium-82/rubidium-82.

L’imagerie n’est pas la seule application des radioéléments en médecine. Les radioéléments peuvent aussi être employés dans un but thérapeutique pour irradier une cible biologique comme une tumeur. Cette technique s’apparente à la radiothérapie conventionnelle « externe » mais au lieu de faire appel à un accélérateur qui va délivrer des rayonnements ionisants dans un volume cible, les radioéléments – utilisés seuls ou couplés à des vecteurs – sont injectés au patient et se fixent de la manière la plus spécifique possible sur les tissus biologiques à irradier. Parmi les radioéléments novateurs pour cette application de radiothérapie interne, ARRONAX pourra produire du cuivre-67, radioélément qui s’est montré plus efficace que l’iode-131 et l’yttrium-90 dans des études cliniques. La production en routine de cuivre-67 était jusqu’ici restreinte du fait des contraintes techniques nécessaires à sa production par cyclotron. L’énergie des particules et l’intensité des faisceaux produits par ARRONAX répondront à ces contraintes.

Une autre voie de recherche repose sur l’utilisation de radioéléments émetteurs de particules alpha car ces particules présentent un parcours très court dans la matière et un transfert d’énergie (TEL) élevé. De tels radioéléments délivrent donc des doses élevées à proximité immédiate de leur lieu de fixation tout préservant les tissus sains voisins. L’astate-211 est par exemple un émetteur alpha qui sera produit par ARRONAX pour la recherche en alpha-thérapie.

Les possibilités d’ARRONAX en terme de recherche ne se restreignent pas aux applications médicales puisqu’il sera un outil de choix pour la radiochimie et notamment l’étude de la radiolyse de l’eau ou encore pour l’acquisition de nouvelles connaissances sur les effets des rayonnements ionisants aussi bien sur les matériaux que sur le vivant. D’autre part, les faisceaux de particules délivrés par ARRONAX pourront être utilisés pour la mise au point et la caractérisation de détecteurs utilisés en physique nucléaire en relation avec le laboratoire SUBATECH.

Enfin, bien que la vocation première d’ARRONAX soit de fournir un outil performant pour la recherche, ces capacités seront également mises à profit pour la production de radioéléments en partenariats avec des industriels.

Stéphane Roudeau – ingénieur de recherche au CNRS/IN2P3 au laboratoire CENBG (Bordeaux), spécialiste de radioprotection