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Quand un électron dépasse la lumière dans l’air et l’eau

L’effet Cherenkov (ou Tcherenkov) se produit quand une particule porteuse d’une charge électrique traverse un milieu transparent comme l’eau ou l’air. Si la particule voyage plus vite que la lumière dans ce milieu, son passage provoque une brève émission de lumière, la lumière Cherenkov.

L’effet Cherenkov porte le nom de Pavel Alekseïevitch Cherenkov, physicien soviétique (1904-1990) qui le découvrit et obtint le Prix Nobel de physique pour sa découverte en 1958.

Dans le domaine de la radioactivité, les particules concernées sont les électrons et positons. Très légers, ils atteignent des vitesses très élevées. La vitesse de la lumière dans l’eau est de 200 000 km/sec. Pour aller plus vite que la lumière dans l’eau, un électron doit avoir une énergie supérieure à 175 keV. Cette condition est souvent remplie par des électrons de la radioactivité bêta, jamais pour les particules alpha lourdes et trop lentes.

Le front d’onde de lumière Cherenkov
A gauche, sont représentées les ondes émises par un électron (ou autre corpuscule) allant lentement. L’onde sphérique de lumière émise dans la position (b) n’arrive pas à rattraper celle émise antérieurement en (a). Au centre, l’électron va plus vite que la lumière dans le milieu. Les ondes sphériques se rattrapent, générant un front d’onde de forme conique qui suit le corpuscule. A droite, formule de l’angle du front d’onde Cherenkov par rapport à la direction du corpuscule.
IN2P3

Lors de leur parcours, les corpuscules ionisent et ébranlent les nombreux atomes et molécules qu’ils bousculent. La remise en état du milieu s’accompagne de l’émission de photons de désexcitaion, par exemple dans l’eau des photons visibles de lumière bleue. L’émission de ces photons ne coûte pas cher en énergie : 2,5  électronvolts (eV) pour un photon dans le bleu !

Un électron de 500 000 eV (500 keV) qui consacrerait toute son énergie à émettre des photons bleus en produirait 200 000 ! Le trajet des électrons bêta est de l’ordre de quelques millimètres. Sur ce très court parcours, les photons émis sont donc très nombreux : Ondes élémentaires, ces photons bleus se combinent le long de la trajectoire en des ondes lumineuses sphériques. Si la particule va plus vite que la lumière dans l’eau, ces ondes sphériques se combinent à leur tour en front d’onde conique qui accompagne la particule.

Un électron qui dépasse la vitesse de la lumière, ressemble à un avion de chasse qui franchit le mur du son. Tant que l’avion n’a pas dépassé la vitesse du son, les ondes sonores annoncent son arrivée. Quand il atteint une vitesse supersonique, l’avion passe au dessus de nos têtes avant que le front d’onde sonores ne fasse trembler les vitres et vibrer nos tympans. L’effet Cherenkov relève d’un principe analogue : l’électron joue le rôle de l’avion, les ondes de lumière celui des ondes sonores.

La lumière bleue des piscines nucléaires
La teinte bleue de l’eau qui baigne les assemblages de combustibles dans les piscines d’entreposages est due à l’effet Cherenkov. Les électrons sont produits par effet Compton dans l’eau par des rayons gamma des désintégrations radioactives qui se produisent dans les barres de combustibles et qui sont sortis des gaines enrobant ce combustible.
©  NRC

La lumière Cherenkov est responsable de la teinte bleue des piscines où sont entreposés les combustibles usés très radioactifs des centrales nucléaires. Les gaines qui enrobent les barres de combustibles sont étanches et assez épaisses pour arrêter les rayons bêta des désintégrations radioactives. Par contre, elles laissent passer des rayons gamma qui pénètrent dans la piscine. Interagissant avec l’eau ces gamma vont produire des électrons par effet Compton. S’ils sont assez rapides, ces électrons produiront un éclair de lumière bleue par effet Cherenkov.

Identification de la nature d’une gerbe cosmique
La gerbe de particules créée dans la haute atmosphère par une particules cosmique de haute énergie génère un cône de lumière Cherenkov. Un réseau de télescopes au sol recueille quasi simultanément une partie de cette lumière. L’analyse de l’information recueillie simultanément, permet d’identifier la nature de la gerbe, la direction de l’axe du cône Cherenkov et ainsi de remonter à la direction de la particule primaire.
©  IN2P3/HESS

Dans l’atmosphère, la vitesse de la lumière est très proche des 300 000 km/sec de la lumière dans le vide. Un électron doit avoir une énergie supérieure à 21 MeV (21 millions d’électronvolts ! ) pour produire un éclair de lumière Cherenkov. Cette condition n’est jamais remplie pour les électrons de la radioactivité.

Par contre, le rayonnement cosmique contient des électrons, des positrons et également des muons de très haute énergie à même de produire des éclairs de lumière Cherenkov. Cette lumière Cherenkov est utilisée pour détecter des gerbes cosmiques.

L’effet Cherenkov est utilisé dans de nombreuses expériences modernes : en physique nucléaire (exemple des neutrinos solaires) ; auprès des grands accélérateurs comme au CERN pour identifier la nature des particules; dans les expériences d’astrophysique qui étudient les gerbes cosmiques.

Voir aussi :

Radioactivité bêta