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Comment les quarks interagissent au sein des noyaux …

Pour décrire la radioactivité et des réactions nucléaires comme la fission, on peut se contenter de l’image de noyaux composés de protons et de neutrons. On sait aujourd’hui que protons et neutrons sont composés de corpuscules élémentaires maintenus ensembles par une attraction très intense, les quarks. L’existence des quarks a été confirmée par de nombreuses expériences, mais on n’a pu les extraire individuellement de la matière nucléaire, ce qui donne une idée de l’intensité de l’attraction qui les lie.

Quelle est l’origine de l’attraction cachée à l’intérieur des nucléons et des noyaux ?

Atome d’hydrogène et proton : photons et gluons
Parallèle entre les forces à l’œuvre dans un atome d’hydrogène et un proton. L’attraction qui fait tourner dans l’atome l’électron autour du noyau (réduit à un proton) résulte de l’échange de multiples photons entre l’électron et le noyau dont les charges électriques sont opposées. A l’intérieur du proton lui-même, les trois quarks qui le composent échangent des ondes appelées gluons assez semblables aux photons. Les quarks sont porteurs d’une charge différente des charges électriques qui leur permettent d’échanger ces gluons.
© IN2P3

Les quarks sont porteurs à la fois d’une charge électrique et d’une charge forte. Celle-ci est très particulière. Un quark peut exister sous trois états. Pour les distinguer, les physiciens leur ont attribué une couleur, bien sûr fictive. Par exemple un quark-up existera selon trois variantes, un quark-up rouge, un quark-up bleu, un quark-up vert. De même un quark down. Les charges fortes portées par les quarks rouge, bleu, vert ont la même intensité. Dans l’antimatière, les antiquarks seront antirouge, antibleu et antivert.

Dans un proton ou neutron, les 3 quarks possèdent une “couleur” différente. Du fait de cette distinction, deux quarks up (ou deux quarks down ) ne sont plus totalement identiques. S’ils étaient identiques, un des principes fondamentaux de la mécanique quantique, le principe d’exclusion de Pauli, leur interdirait de se trouver au même endroit dans le même état de rotation, et donc au proton ou neutron d’exister. Par contre si l’un est rouge, l’autre vert ou bleu, ils peuvent coexister dans le minuscule volume d’un proton ou neutron.

A chaque type de force élémentaire, forte, électromagnétique et faible, est associée une charge et une onde messagère échangée entre les particules porteuses de cette charge. Dans le cas de l’interaction électromagnétique, l’onde messagère de l’attraction entre les électrons et le noyau est une onde familière, le photon. Dans le cas des interactions fortes, les ondes messagères sont appelées gluons. Similaires, par certains aspects aux photons, elles sont beaucoup moins familières, car elles restent confinées au sein de la matière nucléaire comme les quarks. Comme leur nom le suggère, leur rôle est de coller les quarks ensemble et de rendre compacts, protons, neutrons et noyaux.

Configuration des charges de couleur dans un proton
Les physiciens représentent les 3 états de charges fortes des quarks d’un proton, par des couleurs, par exemple rouge, bleue et verte. Dans un proton (ou neutron) qui comporte 3 quarks, les 3 couleurs sont présentes. On obtient ainsi 6 configurations de couleurs pour les 3 quarks d’un proton. Les quarks échangent en permanence des gluons. Ces échanges de gluons – non représentés sur la figure – intervertissent les couleurs des quarks. De ce fait un proton ou neutron passe en permanence d’une de ces 6 configurations à l’autre. Globalement, les nucléons et plus généralement les noyaux apparaissent neutres, sans couleur définie.
© IN2P3

A l’intérieur d’un proton ou d’un neutron, les trois couleurs sont également représentées. Pour reprendre le vocabulaire des physiciens, la somme des charges fortes des quarks fait apparaître le nucléon, sans couleur définie, neutre, blanc en quelque sorte. D’une manière générale, seuls les assemblages dont la somme des charges est nulle, les assemblages blancs, bénéficient de forces attractives qui font que nous les observons. C’est le cas des nucléons et des noyaux, et si l’on y ajoute l’antimatière, des mésons (assemblages d’un quark et d’un antiquark) et antinucléons (assemblages de 3 antiquarks).

Un nucléon n’est pas composé uniquement de ses trois quarks, dits quarks de valence, mais aussi des gluons qui les accompagnent. Ce qui différencie aussi les gluons des photons messagers des forces électromagnétiques, c’est qu’ils possèdent une charge forte mais pas de charge électrique, alors que les photons ne possèdent ni l’une ni l’autre. Selon le vocabulaire des physiciens, ils sont eux-mêmes colorés.

Prenons le cas d’un gluon échangé entre un quark rouge et un quark vert. Quand il est émis le quark rouge devient vert. Quand il est réceptionné par le quark vert, ce dernier devient rouge. La charge de couleur de ce gluon est composite : on pourrait l’appeler rouge-antivert. Il y au total 8 charges de couleurs pour les gluons.

Les quarks de valence et les gluons ne sont pas les seuls constituants des protons et neutrons. S’y ajoutent d’une manière transitoire des quarks et antiquarks supplémentaires. En effet un gluon à la possibilité de se coupler avec un quark et un antiquark, et de se matérialiser pendant des temps très courts en ces particules. Par exemple un gluon rouge-antivert donnera provisoirement naissance à un quark up-rouge et un antiquark-up vert, qui se recombineront ultérieurement (NB : Ce couplage est similaire à celui d’un photon avec un électron et positron).

Au total, quarks de valence, gluons, quarks et antiquarks transitoires, font d’un simple proton ou neutron, longtemps considéré comme une brique élémentaire de la matière, un objet bien complexe.

Protons et neutrons s’assemblent en noyaux
Le noyau le plus simple après l’hydrogène est le deutérium qui se forme quand un proton entre en contact avec un neutron (seuls les quarks de valence ont été représentés ici). L’ensemble est soumis à des forces attractives, les trois couleurs étant présentes à égalité. Quarks et gluons ne restent pas immobiles. Dans cet exemple, le quark up-rouge du proton initial passe dans le neutron de droite, pour être remplacé par un quark down-rouge de celui-ci. L’échange intervertit proton et neutron. Au fil des échanges, quarks et gluons appartiennent au noyau plus qu’à un nucléon particulier.
© IN2P3

Occupés à leurs échanges, quarks et gluons restent confinés dans le monde clos d’une minuscule sphère d’environ un fermi (millionième de milliardième de mètre) de rayon. La situation change quand les mondes clos de plusieurs nucléons entrent en contact. Des échanges de quarks et des gluons se font entre ces mondes clos qui s’assemblent pour former un noyau. La communauté des quarks et gluons est neutre de couleur, provenant de nucléons eux-mêmes neutres de couleur. De ce fait, quarks et gluons sont soumis à une attraction globale qui soude le noyau.

A l’intérieur d’un noyau quarks et gluons se fondent dans une communauté. Les frontières entre nucléons perdent leur sens. Le noyau s’apparente davantage à une Europe confédérale qu’à une Europe des Nations. L’équilibre entre les quarks up et down varie avec la taille des noyaux qui va jusqu’à celle des noyaux lourds. Peut-il y avoir des Brexit ? Quand un excédent d’énergie le permet, des groupes de quarks peuvent sortir du noyau. Mais ils doivent sortir par 3 ou multiples de 3 pour être neutres de couleur, pour former des états stables : par exemple les 3 quarks constitutifs d’un neutron, les 12 quarks d’une particule alpha. L’irruption des 3 quarks d’un neutron déclenche la fission de la communauté des 705 quarks d’un noyau d’uranium-235 en deux communautés moins peuplées …


Voir aussi :

Forces Nucléaires