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Évaluer la nocivité des doses radioactives reçues …

Comment évaluer la dose reçue résultant de l’ingestion ou de l’inhalation d’une substance radioactive ? Comment passer des activités radioactives mesurées par des compteurs mais difficiles à appréhender pour l’homme de la rue aux doses efficaces qui le préoccupent ? Autrement dit, comment convertir les becquerels en millisieverts ?

Des activités d’aliments contaminés … aux doses engagées
Exemple de doses subies lors de l’ingestion d’aliments contaminés de Tchernobyl. Les courbes montrent l’évolution de l’activité de l’iode 131 et du césium 137, durant les trois mois après l’accident, pour un kilogramme de viande ou de salade et un litre de lait provenant des zones les plus contaminées. On a considéré le moment où l’activité était maximale et multiplié ces activités maximales par les facteurs de doses de l’iode 131 et du césium 137. L’ingestion des 5,6 kBq d’une salade le 1er mai serait à l’origine de la plus forte dose, 0,125 mSv l’équivalent de 15 jours d’exposition à la radioactivité naturelle en France.
© IRSN

Dans le cas d’une ingestion d’un aliment contaminé, on considère pour chaque espèce radioactive ingérée un coefficient appelé facteur de dose par ingestion. Ce facteur de dose permet de comparer la nocivité des éléments radioactifs, à activité ingérée égale.

La dose efficace à laquelle serait exposée une personne qui aurait ingéré une certaine quantité d’une substance radioactive est calculée à partir des activités radioactives des radioéléments qu’elle contient. On multiplie d’abord pour chaque espèce radioactive (radioélément) impliquée, son facteur de dose par l’activité (nombre de becquerels) ingérée. Puis, on fait la somme sur l’ensemble des radioéléments impliqués.

Il existe également des tables de facteurs de doses par inhalation, dont l’emploi est plus délicat car ces facteurs dépendent de la taille des aérosols sur lesquels se fixent les radioéléments. Les facteurs de doses par inhalation sont plus élevés que ceux par ingestion, car les dépôts se font directement sur un organe sensible comme les poumons.

Il s’agit de doses dites engagées, c’est-à-dire évaluées pour la vie entière. L’évaluation tient compte de la façon dont la substance radioactive est ingérée et de son cheminement à travers l’organisme.

On calcule des doses « engagées » résultant de l’ingestion ou de l’inhalation d’une substance radioactive: dose « équivalente » engagée et dose « efficace » engagée. Il s’agit d’estimer sur le long terme la dose globale qui sera subie par un tissu (ou organe) ou encore par l’organisme dans son ensemble. Le calcul porte sur 50 ans pour des adultes et 70 ans pour des enfants, de façon à tenir compte de l’élimination progressive des substances radioactives ou de leur non élimination pour certaines d’entre elles.

Les émetteurs alpha, comme l’uranium ou le plutonium et les actinides mineurs générés par les réacteurs, sont beaucoup plus dangereux que les émetteurs bêta comme les produits de fission. On remarquera aussi que l’inhalation des émetteurs alpha (fixation sur les poumons) est des dizaines de fois plus dangereuse que l’ingestion.

Les radioéléments subissent le même sort (métabolisme) que l’élément stable dont ils sont isotopes ou que des éléments chimiques de propriétés voisines. C’est ainsi que le radium se fixe sur le tissu osseux comme le calcium et que l’iode-131 se fixe sur la thyroïde comme l’iode normal.

Cette glande jouant un grand rôle durant la croissance, les enfants et les adolescents sont beaucoup plus sensibles que les adultes à l’ingestion d’iode radioactif. La variation avec l’âge est importante. Un nourrisson sera environ 10 fois plus sensible qu’un adulte à l’iode-131.

Table des nocivités ou facteurs de doses
Cette table des facteurs de doses par ingestion et par inhalation montre des variations très importantes (NB : l’unité unité choisie est le mSv/kBq ou millisievert par kilo-Becquerel). Les émetteurs bêta (tritium, produits de fission, etc …) sont indiqués sur fond bleu. On remarquera, la nocivité beaucoup plus forte des émetteurs alpha, surtout par inhalation. En cas de filiation radioactive, le symbole (*) signifie que les descendants ont été pris en compte dans le calcul de la dose engagée.
© Source: Annexe du Rapport CNE 2003

Pour évaluer les facteurs de dose, les radiobiologistes utilisent des modèles qui tiennent compte de la nature, de l’énergie du rayonnement et de la façon dont il dépose son énergie. Ces modélisations, certes imparfaites, incorporent le dernier état des connaissances en radiobiologie. Par exemple, elles tiennent compte de l’âge au moment de l’absorption.

Les tables donnant les facteurs de doses sont mises à jour chaque année. On trouvera un exemple de ces tables exemple dans le publication 119 de la CIPR (Annexes F et G, pages 71et 87)

Les valeurs de ces facteurs de doses, qui convertissent des activités en becquerels en doses exprimées en sievert, sont des nombres très faibles, parce que le becquerel est une unité d’activité très petite et que le sievert est une unité de dose relativement grande. Les facteurs de doses se situent entre un dix millième pour un élément lourd comme le plutonium à un cent milliardième pour de l’eau tritiée.

Fig 3 : exemple de calcul de dose en fonction de l’activité absorbée
Imaginons un plongeur avalant un litre d’eau de mer à proximité de l’usine de retraitement de la Hague. Quelle dose subira-il du fait de la présence de traces de plutonium dans cette eau ? L’activité du plutonium mesurée par l’IRSN due aux rejets dans la mer des effluents radioactifs est très faible : 30 mBq/m3 ( 0,03 désintégration par mètre cube d’eau). Malgré la forte radiotoxicité du plutonium la dose absorbée par le plongeur serait minime, de 0,00000348 mSv,.
© IN2P3

La figure montre comment on multiplie les facteurs de doses (F) par l’activité ingérée (A) pour calculer la dose engagée (D), et donc convertir des becquerels (Bq) en millisieverts (mSv). L’exemple choisi est celui d’un plongeur ayant bu un litre d’eau de  mer à proximité de l’usine de la Hague. L’activité due à la présence de plutonium dans cette eau de mer mesurée 30 millièmes de becquerels (mBq) par mètre cube. On obtient la dose engagé subie par le plongeur en multipliant l’activité de l’eau de mer ramenée à un litre par le facteur de dose du plutonium extrait de la table. Malgré la forte radiotoxicité du plutonium, la dose reçue s’avère minime en regard de la limite légale de 1 mSv/an pour les expositions accidentelles.