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Du plutonium-238 pour alimenter les engins spatiaux

La sonde Cassini.
Vue d’artiste de la sonde Cassini s’approchant de Saturne. Près de cette lointaine planète, la lumière en provenance du soleil n’est plus qu’un centième de ce qu’elle est sur Terre. Des panneaux solaires seraient insuffisants pour alimenter la sonde en énergie. Pour alimenter en énergie Cassini et d’autres sondes spatiales, la NASA a eu recours à la chaleur dégagée par les désintégrations radioactives d’un isotope du plutonium, le plutonium-238.
© NASA

Lors des explorations lointaines de l’espace, au delà de Mars, la lumière en provenance du soleil est trop faible pour alimenter en énergie un vaisseau spatial par des panneaux solaires. On a recours alors à des désintégrations radioactives pour fournir l’énergie et l’électricité nécessaire au fonctionnement de ces vaisseaux non habités. Les générateurs les plus courants sont les générateurs thermoélectriques radioisotopiques ou RTG (radioisotope thermoelectric generators). Les RTG peuvent être considérés comme des batteries capables de fournir quelques centaines de watts sur des durées que ne pourraient atteindre des piles à combustibles ou des batteries ordinaires.

Générateur thermoélectrique radioisotopique
Ce générateur radioisotopique RTG transforme en électricité la chaleur de désintégrations radioactives sans risque pour les astronautes. L’énergie non consommée est stockée dans des batteries pour d’autres besoins et des cas d’urgence. Ce RTG standard en usage dans les engins spatiaux pèse environ 56 kg avec une longueur d’environ 1,13 m et un diamètre de 43 cm. Chargé avec 10,9 kg d’oxyde de plutonium, ils peut générer 888 W d’électricité et 13000 watts de chaleur.
© MIT

Ces générateurs ont fourni l’électricité d’explorations lointaines et prestigieuses comme celles des sondes Pioneer, Voyager, Cassini, etc… Des RTG furent aussi utilisés sur Mars avec les modules d’atterrissages de Viking, les expériences scientifiques sur la Lune des missions Apollo, ainsi que pour des satellites.

La matière radioactive doit répondre à trois impératifs :
– Une durée de vie assez longue pour produire de l’énergie en continu durant la mission et assez courte pour qu’un taux de désintégrations suffisant conduise à une quantité de chaleur utilisable. Les périodes radioactives des radioéléments utilisés pour les RTG sont de quelques dizaines d’années.
– Un impératif de densité : forte production d’énergie par unité de masse
– Des rayonnements peu pénétrants : particules alpha accompagnées de radiations gamma ou de neutrons demandant un blindage épais.

Les impératifs de période et de densité d’énergie réduisent le choix à une trentaine de radioéléments dont le plutonium-238, le curium-244 et le strontium-90. Parmi ces derniers, le plutonium-238 est celui qui nécessite le moins de blindage – 2,5 mm de plomb – contre les radiations pénétrantes. Un blindage n’est pas nécessaire si l’enveloppe du combustible arrête les radiations.

Modèles de RTG au Pu-238
Les générateurs RTG au plutonium-238 ont été utilisés depuis 1961 par la NASA pour son programme spatial. Les générateurs ont alimenté en électricité les sondes Pioneer 10 et 11, Voyager 1 et 2, Galileo, Ulysses, Cassini et New Horizons qui ne pouvaient recourir aux panneaux solaires pour leurs missions lointaines. Des RTG furent aussi utilisés sur Mars avec deux modules d’atterrissages des Viking, les expériences scientifiques sur la Lune des missions Apollo 12 à 17, ainsi que pour les satellites Nimbus, Transit et Les.
© LANL

Le plutonium-238 est donc le radioélément le plus utilisé sous forme de dioxyde. Ce radioélément possède une période de 87,7 ans, une bonne densité en énergie, et un niveau exceptionnellement bas de radiations gamma et neutroniques . Bien qu’isotope du plutonium, le plutonium-238 est impropre à la fabrication d’armes nucléaires et ne présente pas de risques de prolifération.

Du fait de la période de 87,7 ans, un générateur ne perd que 0,787 % de sa puissance chaque année. Début 2001, malgré 23 ans de voyage, la sonde Voyager 1 envoyait encore des données vers la Terre. Sa puissance, initialement de 470 W, était encore de 315 W (elle aurait été de 392 W sans une dégradation de l’efficacité des thermocouples, qui convertissent en électricité la chaleur des désintégrations radioactives).

Douze ans plus tard, en septembre 2013, Voyager I avait pénétré dans le milieu interstellaire qui n’est plus influencé par le Soleil. La sonde spatiale commençait à effectuer les premières mesures directes des conditions physiques prévalant dans ce milieu intersidéral, des données cruciales sur la nature de l’Univers à grande échelle.

Voyager I pouvait encore transmettre des données grâce à l’inépuisable énergie du plutonium-238 disponible à bord. La sonde devrait devenir muette d’ici quelques années en raison de la durée de vie des thermocouples. Les thermocouples sont fiables et durent longtemps, mais leur durée de vie est limitée. Leurs rendements médiocres qui ne dépassent jamais 10 % et se situent généralement entre 3 et 7%. Les recherches sur les technologies visant à améliorer ces performances pour diminuer le poids du générateur et réduire les coûts de lancement, n’ont pas encore abouti.

Des générateurs produisant de la chaleur sans électricité (heater units) ont été également utilisés à bord d’engins spatiaux comme les Mars Exploration Rovers et les sondes Galileo et Cassini.

SUITE : Plutonium-238