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Une source d’énergie embarquée pour des missions spatiales

Pastille de plutonium-238 portée au rouge
Le pouvoir thermique d’un échantillon de plutonium-238 pur est environ de 0.54 kilowatts/kilogramme. Ce pouvoir thermique décroît lentement, de moitié en 87 ans. Une petite quantité d’oxyde de plutonium-238 est chaude au toucher et peut suffire à faire bouillir de l’eau.
© NASA/LANL

Le plutonium-239, est utilisé pour produire de l’énergie dans des réacteurs ou pour fabriquer des bombes atomique. Son petit frère, le plutonium-238, est utilisé comme source d’énergie dans l’aérospatial. La chaleur importante dégagée par ses désintégrations radioactives, transformée en électricité, fournit la puissance électrique de certains vaisseaux spatiaux.

L’énergie dégagée par les désintégrations radioactives comme celles du plutonium-238 et l’américium-241 permettent des missions spatiales de longue durée, des atterrissages diversifiés, quand l’éloignement du soleil ne permet plus aux panneaux solaires de fournir la puissance ou la chaleur requise

Plusieurs facteurs se conjuguent pour faire du plutonium-238 le radioélément idéal pour produire de l’électricité quand le recours aux panneaux solaires n’est pas possible. Du fait de sa période radioactive à la fois courte pour un actinide – 87 ans – et longue par rapport à une mission spatiale ce radioélément dégage en continu une chaleur importante. Le plutonium étant très dense, l’énergie fournie par kilogramme est élevée. Enfin, ce radioélément nécessite peu ou pas de blindage, les désintégrations alpha du plutonium-238 n’étant pas accompagnées de rayons gamma pénétrants.

Générateurs d’électricité de Voyager
Pour produire de l’électricité sur une longue durée à bord de sondes spatiales voyageant loin de la terre, on utilise la forte chaleur dégagée par les désintégrations radioactives d’une source de plutonium-238, chaleur ensuite convertie en électricité par des thermocouples. Trois générateurs MHW-RTG, d’une puissance électrique de 180 W (2100 W thermiques), ont été embarqués à bord des sondes Voyager 1 et 2 lancées en 1977 et 1978 et permettent trente ans après à ces sondes lointaines de renvoyer des données vers la Terre.
© NASA

Malheureusement, le plutonium-238 est excessivement cher à manufacturer. Son emploi ne peut être envisagé que dans le cas de missions spatiales elles-mêmes extraordinairement coûteuses. Le plutonium-238 est produit à partir du neptunium-237 par capture de neutrons. Le neptunium-237, matière première de ce plutonium-238, est le principal aactinide mineur produit dans les réacteurs. Le procédé de production consiste à fabriquer des cibles de neptunium-237 (extrait des combustibles usés), à irradier ces cibles dans une installation disposant d’un haut flux de neutrons et à récupérer le plutonium-238 dans les cibles irradiées par des traitements chimiques.

Un prix de revient est difficile à estimer en l’absence de marché. Les experts évaluent ce prix à plusieurs milliers de dollars par gramme pour des générateurs qui de plusieurs kilogrammes. Etant donné que le rendement de la conversion de la chaleur en électricité se situe entre 6 et 8 %, ceci met le coût d’une alimentation de 50 watts à près d’un million de dollars.

Dans le passé, le Pu-238 a été produit sur le site de Savannah River avec des réacteurs qui n’étaient plus en service. Après l’arrêt de cette production à Savannah River, le Département de l’Énergie américain (DOE) a satisfait ces besoins en Pu-238 en puisant dans les réserves disponibles du DOE à Los Alamos, réserves accrues par l’achat de Pu-238 fabriqué en Russie.

Vidéo de la NASA montrant l’atterrissage du module d’exploration Curiosity Rover sur la surface de Mars, le 5 août 2015. Curiosity Rover utilise l’énergie dégagée par les désintégrations radioactives du plutonium-238 ! Le “Mars Science Laboratory” utilise l’énergie dégagée par les désintégrations radioactives du plutonium-238 pour générer l’électricité nécessaire à la mission.

Par ailleurs, le plutonium-238 ne convient pas pour la fabrication d’une bombe atomique. Comme les isotopes pairs du plutonium et de l’uranium, il n’est pas aisément fissile par des neutrons. Comme le plutonium-240, il représente un poison pour un explosif nucléaire. Ces deux isotopes (du fait d’un taux élevé de fissions spontanées) émettent des neutrons qui déclenchent des débuts intempestifs de réactions en chaîne et réduisent la fiabilité et la puissance d’une bombe.

Curiosity Rover sur MARS
Pour se déplacer sur Mars, Curiosity Rover qui pèse près d’une tonne a besoin d’une puissance électrique suffisante tout au long d’une mission qui durera plusieurs années. Le soleil est trop éloigné pour lui fournir cette énergie par des panneaux solaires. Le Mars Science Laboratory de la NASA a choisi de recourir à la chaleur dégagée par les désintégrations radioactives du plutonium-238 pour fournir cette puissance électrique.
© NASA

Une alternative : l’américium-241

Les stocks de plutonium-238 disponibles pour les explorations spatiales se réduisent. Les États-Unis pourraient en reprendre la production, alors que les stocks actuels ne sont pas suffisants pour soutenir l’important programme spatial envisagé. Pour sa part, l’Europe porte ses efforts sur l’américium 241. On obtiendrait de l’américium-241 pur à partir de la décroissance radioactive du plutonium-241 présent dans le plutonium extrait des opérations de retraitement du combustible usé des réacteurs.

En France, l’inventaire du plutonium issu du retraitement dépassait 200 tonnes en 2010 dont une partie entreposée depuis plusieurs décennies. La période radioactive du plutonium-241 étant seulement de 14 ans, une fraction notable de cet isotope du plutonium s’est déjà transformée en américium-241. Cet américium pourrait être récupéré grâce à un procédé chimique assez simple. On disposerait ainsi d’une source abondante, fiable et pure d’américium-241 pour des missions spatiales.

On lira sur ce sujet l’excellent article “De l’énergie nucléaire pour les vaisseaux spatiaux européens” par M. Tim Tinsley (Revue Générale Nucléaire – octobre 2015).

Par ailleurs, des applications sont envisagées pour aller au delà de l’alimentation en électricité lors de missions lointaines. La propulsion nucléaire thermique fournie par de petits réacteurs embarqués pourrait accélérer les vaisseaux spatiaux et raccourcir la durée d’un voyage vers Mars de 6 mois à 39 jours : cf. “Le nucléaire emmènera l’Homme sur Mars”  (Boris Le Ngoc – RGN 26/4/2016).

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Propriétés du plutonium
–  Isotopes du plutonium

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