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Un électron freine en émettant un photon gamma

Rayonnement de freinage (Bremsstrahlung)
Un électron ultra-relativiste passant à côté d’un noyau subit l’effet de son fort champ électrique. On sait aujourd’hui que l’interaction entre charges électriques est due à l’échange de photons. En (A), l’électron échange un photon non observé avec le noyau. En (B), il émet un photon qui sera observé, le photon de freinage. L’électron a perdu de l’énergie, sa trajectoire a été déviée. Si l’électron ne passe pas très près du noyau, l’échange est mou, le photon est de faible énergie (infrarouge, visible, UV …). Au contraire si l’échange est ‘dur’, le rayonnement de freinage produit un rayon X ou gamma.
© IN2P3

Le phénomène de rayonnement de freinage (Bremsstrahlung en allemand) concerne des particules porteuses d’une charge électrique dont la vitesse est proche de la vitesse de la lumière. Il intervient quand cette particule ultra-relativiste interagit avec un fort champ électrique ou magnétique, qui peut être naturel (le champ électrique d’un noyau) ou produit par l’homme (le champ d’aimants dans un accélérateur de particules). Les électrons et positons qui atteignent facilement des vitesses proches de celle de la lumière du fait de leur très faible masse sont les premiers concernés par le phénomène.

Le rayonnement de freinage intervient peu dans le domaine de la radioactivité, les électrons des désintégrations bêta n’étant souvent pas assez énergiques. Par contre, il joue un rôle important dans le rayonnement cosmique et le fonctionnement des accélérateurs de particules.

Sous l’effet de l’interaction, l’électron ou le positon, émet un photon qui emporte une partie de son énergie. L’électron est freiné et sa trajectoire modifiée. Le rayonnement de freinage est à l’origine d’une déperdition d’énergie dans de grands accélérateurs de particules comme les collisionneurs où les anneaux de stockage où les particules sont soumises à l’action de puissants aimants qui courbent leur trajectoire. Les ingénieurs des accélérateurs doivent compenser en permanence cette déperdition.

Une perte d’énergie marginale pour les bêta
Comparaison des pertes d’énergie des électrons par rayonnement de freinage et par ionisation dans un milieu comme le cuivre (Z=29). On voit que dans le domaine des électrons bêta dont l’énergie est généralement inférieure au MeV, la part du rayonnement de freinage qui croit avec l’énergie est encore petite, voire minime. Avec des absorbeurs lourds comme le plomb (Z=82), cette perte d’énergie serait à multiplier par 8. (NB : L’épaisseur d’un absorbeur est généralement exprimée en grammes par cm2.)
© IN2P3

Cette déperdition qui cause problème s’est avérée un avantage pour les domaines de la recherche qui avaient besoin de sources intenses de rayonnement, allant de l’infra rouge aux rayons gamma. Ce rayonnement est alors plus connu sous le nom de rayonnement synchrotron. Des synchrotrons ont été construits spécialement à cet effet depuis 20 ans. Chaque ligne de lumière du synchrotron SOLEIL près d’Orsay constitue un véritable laboratoire pour des analyses de biologie, de chimie ou des sciences de la Terre.

Le rayonnement de freinage est encore utilisé en radiothérapie, où des petits accélérateurs linéaires génèrent des faisceaux d’électrons qui peuvent être soit utilisés directement pour des traitements à faible profondeur, soit transformés en rayons gamma à l’aide d’onduleurs (champs magnétiques alternés) . On obtient ainsi des faisceaux de rayons X dont on peut régler à volonté l’énergie et la direction.

Le synchrotron Soleil
Dans une installation comme le synchrotron SOLEIL, des électrons de très haute énergie (leur énergie nominale est de 2750 MeV) tournent quasiment à la vitesse de la lumière dans un anneau de stockage de 354 m de circonférence. L’émission du rayonnement se fait tangentiellement à la trajectoire dans un faisceau extrêmement fin, lorsque l’on courbe la trajectoire des électrons avec un champ magnétique qui joue le rôle du champ électrique des noyaux. Le rayonnement synchrotron, produit dans les aimants de courbures et les onduleurs qui servent à l‘insertion (Wiggler), est filtré en énergie ou longueur d’onde et dirigé par des systèmes optiques en lignes de lumière vers les stations expérimentales.
© Synchrotron-SOLEIL

Le rayonnement de freinage intervient relativement peu en radioactivité bien que les électrons bêta soient amenés à traverser de la matière et à passer à proximité de noyaux atomiques.

La très grande majorité des électrons issus des désintégrations sont émis avec des énergies inférieures  au MeV, petites en comparaison de celle des électrons circulant dans un accélérateur. Il faudrait des énergies de plusieurs MeV pour que la perte d’énergie par Bremsstrahlung l’emporte sur la perte par ionisation.

Toutefois, le freinage augmente comme le carré de la charge électrique – le Z – des noyaux du milieu traversé. Si le bêta traverse un matériau relativement léger comme l’aluminium, du plastique ou de l’eau, le part du rayonnement de freinage reste minime.

Cependant il existe des cas où il faut se protéger des radiations secondaires émises qui peuvent générer des X ou gamma. C’est le cas par exemple du phosphore-32, un radio-isotope utilisé en médecine dont l’énergie maximale des bêta est de 1,7 MeV. Pour la radioprotection, les blindages usuels utilisant des matériaux lourds comme le plomb (Z=82) sont contre-indiqués car ils favorisent le rayonnement de freinage. On utilisera plutôt comme écrans des matériaux de faible densité, comme le plexiglas, le plastique, le bois ou l’eau dont les noyaux atomiques décélèrent moins l’électron produisant des rayonnements moins énergiques et moins pénétrants.