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La capture concurrence la fission et génère de la radioactivité

Le neutron est une particule à part en physique nucléaire : il pénètre facilement dans un noyau en raison de son absence de charge électrique : nucléon lui-même, il interagit fortement et naturellement avec d’autres nucléons.

L’énergie des neutrons issus d’une fission nucléaire ne dépassant pas 2 MeV, les possibilités offertes de réactions sont en pratique limitées: soit le neutron rebondit sur un noyau rencontré, ce que les physiciens appellent “collision élastique” ; soit le neutron est capturé par ce noyau.

Dans les réacteurs nucléaires, les collisions élastiques sont utilisées pour ralentir les neutrons au sein d’un milieu appelé “modérateur“. La capture produit un noyau avec un neutron supplémentaire. L’introduction de ce neutron qui s’est mêlé aux autres nucléons génère une certaine excitation. Le noyau se débarrasse de cette excitation en émettant généralement un rayon gamma : la capture est dite « radiative ». Exceptionnellement, certains noyaux volumineux se scindent en plusieurs fragments : c’est la fission.

Des captures facteurs de sûreté
Le combustible des réacteurs à neutrons rapides est riche en éléments fissiles. Une réaction en chaine y serait dangereuse avec des neutrons lents. L’absence de modérateur assure la sûreté de ces réacteurs. Lors des centaines de collisions avec des noyaux d’uranium qu’ils subissent en se ralentissant, ils ont de bonnes chances d’être capturés avant de devenir lents. Le pourcentage de captures non suivies de fission dans l’uranium-238 est particulièrement important dans la zone des résonances au dessous de 10 keV.
© IN2P3 (Source JANIS).

La probabilité (appelée « section efficace ») de capture est très variable. On observe généralement qu’elle est d’autant plus grande que la vitesse du neutron est faible. Cette augmentation des « sections efficaces » de capture aux faibles énergies s’explique intuitivement par le fait qu’un neutron lent a davantage le temps qu’un neutron rapide de ressentir l’attraction nucléaire d’un noyau .

Par ailleurs, en dehors du domaine des neutrons lents, intervient un phénomène de “résonances“. Comme un instrument de musique qui résonne à certaines fréquences, un noyau possède des états d’énergie propres. Si l’énergie du neutron est telle que l’énergie du noyau composé corresponde à l’un de ces niveaux d’énergie, le noyau entre en résonance et la probabilité de capture devient grande.

Après la perte de son énergie d’excitation, le noyau est devenu un isotope du noyau initial avec un neutron de plus. Cet isotope peut être lui-même instable. C’est la raison pour laquelle des matériaux soumis à des flux de neutrons, comme les gaines enrobant le combustible, sont “activés” et deviennent radioactifs.

La production de radioéléments pour la médecine, la recherche, l’industrie utilise ce phénomène d’activation. L’irradiation d’une cible adéquate par un flux intense de neutrons dans des réacteurs spécialisés génère les radioisotopes recherchés. Par exemple on obtiendra une source de cobalt-60 radioactif en irradiant une cible de cobalt. De même, en irradiant du molybdène on produira du molybdène-99, précurseur du technétium-99 principal radioisotope utilisé en médecine pour les scintigraphies.

Capture radiative de neutrons lents dans les réacteurs
La capture radiative concurrence la fission. Les neutrons capturés par les noyaux présents dans le cœur des réacteurs sont perdus pour la réaction en chaîne. La figure montre que pour les trois principaux noyaux fissiles (uranium-235 et 233, plutonium-239), la capture radiative ne concerne que 10 à 28 % des captures, alors que pour l’uranium-238 et tous les noyaux non-fissiles la capture radiative est le phénomène unique. Les pourcentages sont donnés pour des neutrons lents. Les neutrons rapides sont capables de fissionner des noyaux réputés non fissiles comme l’uranium-238 et les actinides.
© IN2P3

Les captures radiatives jouent de multiples rôles dans les réacteurs. Tantôt, on cherche à les éviter, pour ne pas perdre de neutrons dans le modérateur ou le combustible. Tantôt, elles sont recherchées, comme celles par l’uranium-238 dans les réacteurs à neutrons rapides afin de former du plutonium-239. Les captures radiatives conduisent enfin à la formation de noyaux radioactifs plus lourds que l’uranium, les actinides mineurs, qui font partie des déchets des centrales.

Une poignée de noyaux fragiles, comme l’uranium-235 et le plutonium-239, possèdent la faculté de se fragmenter après la capture d’un neutron. La fission du noyau entre en concurrence avec l’émission d’un gamma, la capture radiative. Du point de vue du fonctionnement d’un réacteur, les captures radiatives apparaissent comme des fissions non abouties, perdues. Le pourcentage des pertes par captures radiatives est une des caractéristiques importantes des noyaux fissiles.