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Cadmium et bore : deux efficaces absorbeurs de neutrons

Aussi bien en radioprotection que pour réguler la marche des réacteurs, il est nécessaire de pouvoir absorber ou de réduire le flux de neutrons.

On emploie pour ce faire des matériaux absorbeurs de neutrons, soit sous forme métallique soit sous forme de composés. Les principaux absorbeurs de neutrons sont le cadmium et le bore. On utilise également le hafnium, et parfois une terre rare, le gadolinium. Ces éléments naturels doivent leur qualité absorbante à la présence d’isotopes pour lesquels la probabilité de capture de neutrons est exceptionnellement élevée.

On a recours à ces absorbeurs dans les réacteurs, car leur probabilité de capture – appelée section efficace – est très supérieure à celle des fissions qu’il s’agit de réguler. Ils se comportent comme des poisons. Selon la quantité introduite, leur introduction ralentit ou étouffe la réaction en chaine.

Absorption des neutrons par le cadmium
Le cadmium naturel est composé de plusieurs isotopes dont l’un le cadmium-113 est un efficace absorbeur de neutrons. La courbe de la probabilité de capture des neutrons par le cadmium présente une résonance géante qui culmine a près de 10000 barns pour une énergie des neutrons de l’ordre de 0,1-0,2 eV. Cette valeur est plus de 10 fois supérieure à la probabilité de fission de l’uranium-235 par des neutrons thermiques (0,025 eV)
© IN2P3

Le principal absorbeur de neutrons utilisé sous forme métallique pour les barres de contrôle des réacteurs nucléaires est le cadmium. L’isotope du cadmium qui joue le rôle d’absorbeur est le cadmium 113. Cet isotope constitue 12 % du cadmium naturel. Il présente une section efficace très importante (20600 barns), près de mille fois ou davantage celle des autres isotopes.

Cette « résonance géante » de la section efficace de capture est située juste au dessus du domaine des neutrons thermiques. Elle survient au moment où les neutrons entrent dans ce domaine d’énergie propice à la fission des noyaux d’uranium-235. L’introduction du cadmium des barres de contrôle des réacteurs est donc particulièrement efficace pour freiner voir étouffer la réaction en chaine.

La qualité d’un bon absorbeur est de ne pas générer de radioactivité. Les isotopes instables éventuellement créés par capture neutronique (cadmium 115 et 117) sont à durée de vie de l’ordre de l’heure, conduisant à une production marginale d’indium.

Le gadolinium a deux isotopes naturels très absorbants, le gadolinium 155 (61 000 barns) et 157 (254 000 barn)s. Le gadolinium 158 est stable. Sa section efficace de capture très faible (2 barns), rend négligeables les captures ultérieures et les produits d’activation qui peuvent en découler.

Pouvoir absorbant du Bore
La probabilité (section efficace) de fission des noyaux d’uranium-235 a été mise en regard de la probabilité d’absorption des neutrons par les deux isotopes du bore, le bore-10 présent à raison de 20% dans le bore naturel et le bore-11 présent à raison de 80 %. La comparaison montre que la probabilité d’absorption par le bore-10 est très supérieure à celle de la fission pour toutes énergies des neutrons, contrairement au cadmium-113 pour lequel la probabilité d’absorption très élevée était due à une résonance géante située en dessous de 1 électronvolt d’énergie.
© IN2P3

Le bore est un élément léger, situé entre le béryllium et le carbone, dans la table de Mendeleïev. Le bore est un excellent absorbant neutronique. Le bore naturel est constitué de 19,9% de bore 10, dont la section efficace d’absorption pour des neutrons thermiques est de 3837 barns, et 80,1% de bore 11, de section efficace faible (5 barns). L’essentiel des captures neutroniques se fait donc sur le bore 10. Normalement cette capture devrait aboutir à du bore 11 mais plus fréquemment elle déclenche une désintégration alpha : le noyau se scinde en un noyau de lithium-7 et un noyau d’hélium. Ni l’un ni l’autre ne sont radioactifs. Les quelques captures neutroniques subies par le bore 11 le transforment en bore 12 puis en une fraction de seconde en carbone 12 stable.

Le bore est utilisé, sous forme d’acide borique dilué dans l’eau du modérateur pour brider les réacteurs dont le cœur vient d’être chargé de combustible neuf enrichi en uranium-235. Plus tard quand le combustible usé est sorti du réacteur pour être refroidi dans une piscine d’entreposage près du réacteur puis dans les grandes piscines d’entreposage de l’usine de retraitement, du bore est ajouté à l’eau de ces piscines. L’uranium entreposé contient encore environ 1% d’uranium-235 fissile. Bien que la configuration ne soit plus celle d’un réacteur, il s’agit par l’introduction du bore dilué dans l’eau d’étouffer dans l’œuf tout développement intempestif de réaction en chaine nucléaire. Précaution supplémentaire, les assemblages de combustibles usés sont placés dans des paniers en acier boré.

Du bore a été ajouté pour la même raison après l’accident de Fukushima dans l’eau injectée dans les cuves des réacteurs endommagés, ainsi que dans les piscines d’entreposages attenantes. L’ajout de ce bore combiné à la présence du cadmium des barres de contrôle resté dans les cuves prévient tout danger d’explosion nucléaire.

Le bore joue aussi un rôle de bouclier contre les radiations et dans les détecteurs de neutrons.