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Un peu d’Histoire : premiers pas de la médecine nucléaire …

Tout le monde sait que la découverte de la radioactivité et l’isolement du radium sont l’œuvre conjointe de Pierre et Marie Curie, aidés de Gustave Bémont, et ont abouti à des résultats décisifs en décembre 1898. Très rapidement, de premiers essais « biologiques » du nouveau corps ainsi isolé sont tentés. En Allemagne, Giesel en 1899 et Walkhoff en 1900 tentent sur eux-mêmes des applications de radium et constatent des inflammations cutanées prolongées.

Pierre Curie reprend alors ces expériences, également sur lui-même et déclenche involontairement le premier cas connu de radio-dermite, qui se termine heureusement par la guérison mais tout de même après 6 semaines de pansements ! Henri Becquerel à son tour, après avoir promené un tube de verre contenant une source dans la poche de son gilet, souffre d’une plaie suppurante qui mettra 2 mois à disparaître. Il dira au couple Curie, en parlant du radium : « Je l’aime, mais je lui en veux… »

Photo des brûlures occasionnées par le radium sur le bras de Pierre Curie

Les rayons du radium sur la peau ….
Photo du bras « dit de Pierre Curie », brûlé par du sel de radium appliqué pendant 10h. C’est l’époque aussi où l’on prend conscience de l’effet des radiations et de la possibilité de les utiliser à des fins médicales. En 1900, le dentiste allemand Walkhoff constate que les rayons du radium agissent énergiquement sur la peau d’une manière analogue à celle des rayons X. Cette observation est confirmée quelques semaines plus tard par le chimiste allemand F. Giesel, avec qui Pierre et Marie entretiennent une correspondance régulière.
© CNRS Audiovisuel

Ces premiers essais anecdotiques sont suivis d’études de plus en plus poussées et de plus en plus sérieuses qui aboutissent en 1901 à une note conjointe de P. Curie et H. Becquerel sur « L’action physiologique des rayons du radium ».

Dès la fin de 1901, des applications du radium ont lieu en milieu médical, à l’Hôpital Saint-Louis, à des fins thérapeutiques. Le Docteur Danlos, utilisant des sources préparées par le couple Curie, effectue les premières tentatives thérapeutiques sur des lésions cutanées. Pierre Curie, de son côté, travaille avec des dermatologues sur l’action du radon sur les animaux. Très vite, un grand nombre d’études sur ces sujets paraissent en France et à l’étranger.

Dans les années qui suivent, les applications médicales du radium s’élargissent sans cesse, mais c’est le domaine des cancers qui se révèle de loin le plus fécond. C’est le début de la « radiumthérapie » qui deviendra vite la « curiethérapie ». On se rend vite compte que les cellules tumorales, à multiplication rapide, sont beaucoup plus « radio-sensibles » que les cellules « normales » (Loi de Bergonié-Tribondeau en 1906). Des aiguilles au radium sont utilisées pour soigner des cancers de l’utérus. Ce sont les premières curiethérapies.

Photo de l'Hôpital Saint-Louis à Paris au début du 20eme siècle

1901 : débuts de la curiethérapie
A l’hôpital Saint-Louis, Henri-Alexandre Danlos et Pierre Curie utilisent le radium pour le traitement du lupus érythémateux puis de cancers cutanés.
© Source : A.Aurengo

Claudius Regaud met ensuite au point les aiguilles contenant du radon et permettant un traitement sélectif des tumeurs profondes et d’autres équipes développent toute une série de techniques d’irradiation de plus en plus sophistiquées.

Marie Curie, seule après la disparition de son mari, propose alors la création d’un « Institut du radium » dont le principe est accepté en 1909. Les bâtiments seront achevés en 1914 mais la guerre retardera son inauguration.

C’est aussi l’époque où un jeune chimiste hongrois, Georg de Hevesy, venu travailler à Manchester chez Rutherford, observe qu’il n’arrive pas à séparer du plomb un dérivé radioactif du radium, en réalité un isotope radioactif du plomb. De cet échec, il tire l’idée d’utiliser ce radium-D pour étudier les propriétés du plomb. D’abord appliqué à la chimie, la méthode des indicateurs sera étendue plus tard à la biologie et à la médecine.

Ce qui freine alors le développement de la méthode des indicateurs, c’est le petit nombre des radioéléments naturels utilisables ! Mais en 1934, Irène et Frédéric Joliot-Curie démontrent la possibilité de créer des isotopes radioactifs de n’importe quel élément alors qu’il fallait se contenter jusque là des rares descendants de l’uranium et du thorium.

Y. Grall