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L’uranium-235 : le seul noyau fissile existant à l’état naturel

Martin Heinrich Klaproth
Chimiste allemand, Martin Heinrich Klaproth (1743-1817)est célèbre pour sa découverte de plusieurs éléments chimiques dont l’uranium, le zirconium, et le chrome en 1789.Il est parfois considéré comme le « père de la chimie analytique.
©  DR

L’atome d’uranium est l’atome le plus lourd présent dans l’environnement naturel. Légèrement radioactif, sa très longue durée de vie de plusieurs milliards d’années lui a permis d’être encore bien présent. L’uranium est un élément rare que l’on trouve à raison de 3 grammes par tonne en moyenne dans la croûte terrestre

L’image de l’uranium souffre d’avoir été associée aux premières bombes atomiques. Sa réputation maléfique comme élément radioactif est imméritée : sa décroissance radioactive est en effet l’une des plus lentes que l’on connaisse. L’évolution d’un échantillon d’uranium pourrait se comparer à un étang  qui se viderait par un trou d’épingle.

Ces données rassurantes n’empêchent pas ce malheureux élément d’être régulièrement présenté par les journaux télévisés comme un dangereux produit radioactif. Complaisance ou ignorance ? Contrairement aux peurs entretenues, l’uranium présente peu de risques du fait de sa radioactivité particulièrement faible. Sa toxicité radioactive, selon des experts du CEA, ne représenterait qu’un centième de sa toxicité physicochimique, elle-même comparable à celle d’un élément lourd comme le plomb beaucoup plus abondant.

Mine d’uranium au Canada
Plateau de l’Athabasca, dans la province de Saskatchewan au Canada. L’Ouest du Canada offre de riches gisements d’uranium. La teneur des minerais canadiens va de 28 jusqu’à 210 kg d’uranium par tonne de minerai, soit une richesse 10 à 100 fois supérieure à celles des gisements exploités précédemment. Cette teneur élevée, des conditions géologiques et climatiques difficiles imposent des techniques d’abattage entièrement automatisées.
©  HARRY GRUYAERT /MAGNUM /AREVA

Tous les isotopes de l’uranium sont radioactifs et instables. L’uranium aurait disparu depuis longtemps si deux de ces isotopes , l’uranium-238 et l’uranium-235, n’avaient subsisté dans le système solaire et sur la Terre jusqu’à nos jours en raison de durées de vie exceptionnellement longues. La période radioactive de l’uranium-238 est de 4,5 milliards d’années. Celle de l’uranium-235 qui disparaît plus vite n’est « que » de 700 millions d’années.

Alors que l’abondance des deux isotopes était au départ similaire, l’uranium naturel est constitué de nos jours à 99,3 % d’uranium-238, contre 0,70 % d’uranium-235. Les noyaux d’uranium-235 et 238 sont, avec ceux du Thorium-232, les plus lourds existant à l’état naturel. Ces deux isotopes de l’uranium sont situés, sur la carte des noyaux, au-delà du dernier élément stable (le Bismuth) dans un îlot de relative stabilité, situé au delà d’un groupe de noyaux beaucoup plus instables. Ils auraient été formés il y a très longtemps, lors de l’explosion de très grosses étoiles appelées supernovae.

Yellow cake
La radioactivité de l’uranium est faible et l’uranium ne demande pas des mesures de radioprotection importantes pour le personnel comme le montre la phase de concentration de l’uranium. Les concentrés d’uranium, ou « Yellow cake », ont l’aspect d’une poudre généralement jaune vif d’où leur nom. Ils contiennent environ 750 kg d’uranium par tonne, ce qui facilite le transport de la mine vers l’usine de conversion. La photographie montre le « Yellow cake », sur un filtre à bandes à l’usine de traitement de la Société des mines de Jouac (Haute-Vienne) en Limousin.
©  PHILIPPE LESAGE/AREVA

Du point de vue chimique, l’uranium fait partie de la classe des actinides, une série d’atomes dont les propriétés sont voisines de celles de l’actinium, 89ème élément de la classification de Mendeleïev . On le trouve à raison de 3 parties par million dans la croûte terrestre, en particulier dans les roches granitiques ou volcaniques. Certains composés de l’uranium (hexavalents) sont très solubles, d’autres (tétravalents) ne le sont pas.

Élément lourd, l’uranium et en particulier ses deux principaux isotopes, émet principalement des rayonnements alpha parfois accompagnés parfois de gamma de faible énergie.

L’uranium-235 est le seul noyau naturel aisément fissile que l’on peut extraire du sol. Très rare et recherché, il sert de combustible dans les réacteurs nucléaires et d’explosif dans les bombes atomiques. La teneur en isotope 235 de l’uranium naturel n’étant que de 0,7 %, le combustible doit être enrichi à 3-4 % pour la plupart des réacteurs actuels. Seuls les réacteurs à eau lourde de la filière canadienne CANDU utilisent encore l’uranium naturel comme combustible. Pour les bombes atomiques, l’enrichissement doit être porté à 90 % ou davantage.

L’enrichissement en uranium-235 par diffusion gazeuse ou centrifugation est une opération coûteuse et difficile, considérée comme proliférante, car elle peut conduire à la possession de l’arme atomique. Les installations d’enrichissement sont contrôlées par L’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) dans le cadre des traités de non-prolifération.

Chacun a en mémoire la crise du nucléaire iranien. Au terme d’une crise qui dura 13 ans, l’Iran réduisit en 2015 la capacité de ses installations d’enrichissement. L’embargo dont l’Iran était l’objet, notamment de la part des États-Unis depuis 1979, avait conduit au développement d’une filière nucléaire indépendante. Elle valut au pays l’accusation de rechercher la bombe. L’Histoire dira ce qu’il en est. D’après le rapport demandé à l’AIEA après l’accord de 2015, un programme militaire n’aurait pas été poursuivi en Iran après 2003. Malheureusement, après la dénonciation de l’accord en 2016 par l’Administration Trump, la crise a rebondi. En 2021 l’Iran déclarait avoir atteint un taux d’enrichissement de 60%

Uranium civil et militaire
L’uranium naturel qui contient 0,70 % d’uranium 235 est pauvre en cet isotope fissile. Il doit être enrichi pour être utilisé comme combustible dans la plupart des réacteurs commerciaux. Ces réacteurs sont alimentés avec de l’uranium modérément enrichi à 3-4% en uranium-235. Il faut pousser beaucoup plus loin cet enrichissement – à plus de 90 % – pour les bombes atomiques. La frontière entre l’uranium destiné aux applications civiles (LEU ou low enriched uranium) et celui de qualité militaire (HEU higly enriched uranium) est fixée généralement à 20 %.
©  IN2P3

L’uranium-238 prédominant est dit fertile. La fission demeure marginale pour ce noyau. Même provoquée par des neutrons rapides sa probabilité reste faible. Plus fréquemment, la capture d’un neutron rend instable ce noyau très stable. Au bout de quelques jours, le noyau, devenu de l’uranium-239, se transforme en Plutonium-239 dont la période est de 24 000 ans. Le Plutonium-239 est fissile. Il sert de combustible dans les réacteurs nucléaires et les bombes atomiques.

Les réserves d’uranium contenues dans l’océan sont 1000 fois supérieures aux réserves trouvées dans les minerais de haute qualité, qui sont actuellement exploités. Mais cet uranium, à l’état de traces, est difficilement exploitable. Pourtant, d’après le prix Nobel français Georges Charpak, l’énergie de fission que cela représente serait supérieure à celle qui serait contenue dans la croûte terrestre si celle-ci était constituée de charbon pur !

POUR EN SAVOIR PLUS SUR L’URANIUM

– 1) : Propriétés de l’uranium
– 2) : Isotopes de l’uranium
– 3) : Transports de l’uranium
– 4) : Uranium appauvri

Fiche de l’IRSN sur l’uranium naturel : l’uranium et l’environnement

 QCM SUR LA FILIATION RADIOACTIVE DE L’URANIUM

QCM : descendance de l’uranium
Solution du QCM