Diluer la radioactivité
Une pratique limitée à des éléments peu toxiques
La gestion des déchets radioactifs s’efforce généralement de concentrer la radioactivité, de la confiner puis de l’enfouir aussi profond que possible. Il arrive toutefois de faire le contraire en diluant certains déchets dans un vaste volume, avec l’espoir que sous l’action des courants et des vents la dilution se fasse de façon homogène. Ces rejets sont aujourd’hui uniquement autorisés dans le cas d’éléments radioactifs très peu toxiques et difficiles, voire impossibles, à piéger.
La législation française autorise l’usine de retraitement de la Hague à rejeter dans la mer du tritium, un radioélément difficile à fixer. Le rejet est autorisé car le tritium est peu toxique : 1 becquerel de tritium est 4000 fois moins nocif qu’un becquerel de plutonium. Un volume d’eau comme celui de la Manche est en principe suffisant pour ramener l’activité du tritium à un niveau acceptable pour la santé .
Des cartes de la Manche montrent que si la dilution n’est pas uniforme elle se fait d’une manière satisfaisante. L’activité tritium reste en dessous des niveaux présentant un risque. L’usine de la Hague rejette également dans l’atmosphère du krypton-85, un gaz rare radioactif, inerte chimiquement, donc impossible à piéger. Le krypton n’a pas de descendants radioactifs dangereux comme le radon. L’exposition est externe. De plus, un hasard heureux veut que le krypton n’émette de rayons gamma pénétrants qu’une fois sur cent !
Ces rejets autorisés de tritium et de krypton ne doivent pas être confondus avec d’autres rejets maintenant abandonnés. Le recours à la dilution a été pratiqué dans les premiers temps du nucléaire civil et militaire, en un temps où le volume des matières radioactives étaient nettement plus faible et où l’on était peu regardant.
Certains se sont prolongés longtemps. Jusqu’en 1993, les autorités navales soviétiques puis russes de la flotte d’Extrême-Orient rejetaient en mer du Japon des liquides radioactifs venant des cuves de réacteurs de sous-marins nucléaires en cours de démantèlement. Les principaux atomes radioactifs rejetés à la mer étaient le césium-137 et leStrontium-90. Les activités dues à ces rejets étaient faibles, mais ces éléments sont plus radiotoxiques que le tritium et le krypton.
Indépendamment de ces rejets volontaires rares et interdits, la dilution a contribué à atténuer les conséquences de l’accident de Fukushima.
Début avril 2011, des eaux très contaminées provenant du réacteur N°2 s’échappaient à grand débit dans une fosse en communication avec la mer. La brèche ne fut colmatée que le 5 avril après plusieurs jours. On releva alors en regard de la centrale des concentrations en césium-137 de dizaines de milliers de becquerels par litre. Les cartes des concentrations en mer au large de Fukushima, établies par l’IRSN, montrèrent que ces concentrations étaient tombées deux mois plus tard à quelques dizaines de becquerels par litre. L’effet de dilution combiné à de forts courants marins explique cette diminution spectaculaire.
En 2020-21 se pose à Fukushima, la question du rejet en mer d’eaux décontaminées après avoir été en contact avec les matières radioactives des réacteurs endommagés. Ces eaux, débarrassées des radioéléments qu’elles contenaient, ont été stockée en attendant dans des réservoirs sur le site de la centrale. Il reste une contamination, celle du tritium trop mobile. Le gouvernement japonais a décidé de rejeter en mer ces eaux tritiées. Malgré les dangers minimes résultant du tritium, ce projet rencontre l’opposition des pécheurs des environs de Fukushima et de mouvements écologiques.
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