Fukushima : pollution marine
Quelle pollution dans les eaux du Pacifique ?
L’accident de la centrale japonaise de Fukushima a été à l’origine d’une forte contamination radioactive du milieu marin. Les vents soufflaient la plupart du temps vers le Pacifique durant les journées les plus critiques de l’accident. Une bénédiction pour les humains ! Aux retombées du nuage qui a survolé le Pacifique, se sont ajoutées des eaux très radioactives qui se sont déversées de la centrale jusqu’au 5 avril.
Les cartes établies à cette époque montrent une contamination importante près de la côte. Les prélèvements d’eau de mer effectués dans la baie à proximité de la centrale à la suite de ces fuites ont montré une présence initiale très élevée d’iode radioactif 131. Cette présence a depuis disparu du fait de la décroissance de l’iode dont l’abondance est divisée par 1000 tous les 80 jours. Les algues de la baie, avides d’iode, se sont alors imprégnées de cette impressionnante mais éphémère radioactivité !
Depuis et sur le long terme, c’est la contribution de deux isotopes du césium, le césium-134 et le césium-137 qui prédomine. Les contributions des deux isotopes sont au départ du même ordre. La période radioactive du césium 137 est de 30 ans, celle du césium-134 est de 2 ans. Ce dernier aura pratiquement disparu d’ici une vingtaines d’années. En attendant cette disparition, la présence de césium-134 est une signature de l’accident de Fukushima.
Les rejets de césium 137 ont été estimés en octobre 2011 à 27 millions de milliards de becquerels (27 PBq) par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) : “le plus important apport ponctuel de radionucléides artificiels pour le milieu marin jamais observé”. Des études japonaises ultérieures ont ramené ce chiffre à 5 PBq. Malgré cet apport très important, ce césium, dilué dans l’ensemble du Pacifique, devrait au final conduire à un apport de l’ordre du millibecquerel/litre, comparable à la concentration mesurée avant l’accident souvenir des essais nucléaires atmosphériques des années 1960; (NB: Rappelons qu’utiliser le bequerel (Bq) comme unité revient à compter de minuscules atomes et conduit toujours à des valeurs angoissantes pour le profane).
Les césiums 137 et 134 sont moins actifs et radiotoxiques que l’iode, mais leur action se fait sentir sur la durée. Le césium se concentre dans la chair des poissons en suivant la chaîne alimentaire qui va du plancton aux petits puis aux gros poissons. Les poissons au sommet de la chaîne alimentaire, sont, dans la durée, les plus sensibles à la pollution au césium.
Dans l’eau, milieu dense et protecteur, il n’y a pratiquement pas d’exposition externe. Les rayons gamma sont absorbés au bout de quelques dizaines de centimètres : un poisson doit se trouver à quelques décimètres pour pouvoir être touché quand un noyau de césium émet son gamma !
Loin des côtes, l’effet de dilution s’ajoute à celui des décroissances radioactives. Les dépôts sont dispersés et se diluent : la dilution d’une tonne d’eau contaminée dans 1 kilomètre cube d’océan divise sa radioactivité par 1 milliard. A proximité des côtes et avec des fonds plats, le brassage de l’eau est faible et l’effet de dilution joue moins du fait du renouvellement limité de l’eau de mer. Cependant, il semble que grâce à un des courants marins les plus forts du globe, les eaux contaminées se soient rapidement éloignées vers le large. Selon l’IRSN, “La localisation de Fukushima aurait permis une dispersion des radionucléides exceptionnelle“.
Le refroidissement des réacteurs a conduit à accumuler de grandes quantités d’eaux contaminées sur le site de la centrale, malgré des installations de décontamination. Par ailleurs, des nappes d’eaux souterraines propres venant de la terre s’infiltrent dans le sous-sol des bâtiments réacteurs et turbines et s’y contaminent. Après pompage, ces eaux sont entreposées dans de grandes citernes, dont la capacité devient insuffisante. Ainsi, la fuite d’une citerne à été à l’origine d’un incident grave classé au niveau 3 de l’échelle INES en août 2013. De 2011 à 2013 de 20 à 40 térabecquerels (TBq) auraient fui vers l’océan. Ces quantités restent minimes en regard de 5000 à 27000 Tbq de césium-137 mentionnées plus haut qui ont été rejetés lors de l’accident.
De nombreuses mesures des concentrations en césium 137 dans l’eau de mer ont été effectuées à proximité de la centrale de Fukushima. Elles ont montré une décroissance d’abord rapide puis plus lente du fait des apports récents. Dans la zone la plus sensible – moins de 10 km des côtes et moins de 20 km de l’installation – les concentrations mesurées en novembre 2012 s’échelonnaient entre 0,008 et 4 Bq/litre en césium 137. Plus loin, et en haute mer elle étaient beaucoup plus faibles.
La dilution a fait son effet. Les contaminations en césium se rapprochent de la concentration très faible de 0,001 Bq/litre résultant des retombées des essais nucléaires des années 1960 et mesurées avant l’accident. Les causes du ralentissement observé de la décroissance seraient l’apport de rejets résiduels en provenance de l’installation accidentée, l’arrivée d’eaux contaminées en césium 137 par les cours d’eau parvenant à la mer et la dissolution du césium 137 préalablement fixé sur les sédiments.
Une partie du césium passe de l’eau dans les sédiments. Les particules sédimentaires contribuent efficacement à l’épuration de l’eau quand les conditions sont favorables à leur dépôt, notamment près des côtes. Une pollution significative sur le littoral proche de la centrale accidentée devrait persister dans le temps, à cause notamment du ruissellement des eaux de surface sur les sols contaminés. Un contrôle des pêches et une surveillance des espèces marines pêchées dans les eaux côtières s’avèrent nécessaires avant que la dilution opère. Pour d’autres espèces, le retour à une certaine normalité a été plus rapide. Dès juin 2012, poulpes et escargots de mer faisaient leur retour sur les étals.
En 2016, la contamination marine résultait des dépôts de sédiments à proximité immédiate de la centrale. Le mur imperméable fermé en octobre 2015, a réduit considérablement les concentrations en césium 137 et en strontium 90, à l’intérieur des digues en face de la centrale. Les concentrations en césium 137 dans les sédiments y sont en moyenne de 100 Bq/ l.
En matière de pêche, seule les zones proches de la centrale et des embouchures des rivières locales nécessitent encore une surveillance. Le reste de la production japonaise est comestible. Dans ces zones, les concentrations du césium dans les différentes espèces de poissons dépendent fortement de leur mode de vie. Elles sont faibles chez les poissons pélagiques, comme les maquereaux ou sardines, et dans les espèces vivant en haute mer.
Par contre, ce sont les poissons fouissant les sédiments de la baie de Fukushima qui sont les plus exposés à être contaminés. L’évolution des concentrations de césium depuis juin 2011 chez une espèce de raie (Okamejei kenojei) prélevée le long des côtes de la préfecture de Fukushima, illustre le cas des espèces très liées aux sédiments. La diminution de leur contamination est à peine perceptible à l’instar de celle des sédiments.
Chez les mollusques, moules, huîtres ou palourdes, qui filtrent les matières en suspension, la concentration en césium 137 était sous les limites de commercialisation de 100Bq/kg.
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