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Une matière hautement stratégique, un déchet dangereux

Le plutonium : ressource énergétique ou déchet radioactif ?

Le devenir du plutonium est au cœur de la question des déchets.
Doit-on considérer cet élément fissile comme une formidable ressource en énergie ou comme un déchet dont la toxicité radioactive est grande ?

Dans les années 1960 à 1970, le risque de prolifération a été à l’origine de la réticence des États-Unis à l’égard des opérations de retraitement permettant d’extraire ce radioélément des réacteurs.

Le plutonium issu des réacteurs civils exploités dans des conditions normales ne peut pas servir à confectionner des bombes atomiques. Mais on peut obtenir un plutonium de qualité militaire en l’extrayant d’un combustible qui a séjourné peu de temps en réacteur. Cela a été la voie employée par la Corée du Nord, avec des moyens très réduits, pour arriver à la bombe atomique. Pour limiter le risque de prolifération, les États-Unis ont conservé un droit de regard sur l’usage du matériau fissile produit.

Énergie dégagée par la fission du plutonium – ressource énergétique nucléaire


Un concentré d’énergie

Quand il subit une fission nucléaire, un noyau de plutonium dégage environ 20 000 fois l’énergie libérée
par la combustion d’un atome de carbone dans l’air. Par son potentiel énergétique il surclasse les sources
d’énergie conventionnelles (charbon, pétrole, gaz) et plus encore les nouvelles venues (solaire, éolien, biomasse).
© IN2P3

Quant au combustible civil, c’est un véritable concentré d’énergie : un gramme de matière fissile équivaut à une tonne de pétrole !
Doit-on se priver de cette ressource ? D’un autre côté, c’est aussi un produit hautement radiotoxique en cas d’ingestion.
Avant de le stocker définitivement comme déchet ultime, il faut s’assurer qu’il n’existe aucun moyen de tirer parti de sa précieuse valeur énergétique.

Il avait été prévu dans les années 1990 que le matériau issu des réacteurs français alimente — pour y être brûlé —
SUPERPHENIX, le premier gros réacteur surgénérateur à neutrons rapides : c’était un moyen efficace pour consommer du plutonium et stabiliser son inventaire, c’est-à-dire la quantité accumulée.

Depuis l’arrêt de SUPERPHENIX en 1997, la France s’est rabattue sur une solution intermédiaire.
Le plutonium des réacteurs civils, fissile à 70 %, est incorporé à de l’oxyde d’uranium pour fabriquer
du combustible frais appelé MOX (Mélange d’OXydes).
Une vingtaine de réacteurs français ont été adaptés pour brûler ce combustible mixte.

L’alternative du MOX est modérément efficace : lors d’un passage en réacteur,
une partie du plutonium est remplacée par du plutonium neuf.
Au final, la matière s’est dégradée avec des isotopes non fissiles, énergétiquement peu rentables.
Bien que des essais aient montré qu’un second recyclage était possible,
il a été décidé de se limiter à un passage unique en réacteur et d’entreposer le MOX usé dans des piscines.
La croissance de l’inventaire en matière fissile est ralentie mais non stoppée.

Boîtes de plutonium utilisées pour la fabrication du combustible MOX – usine Melox


Des boîtes de plutonium pour fabriquer du MOX

Le plutonium issu du retraitement du combustible usé est réutilisé en France pour fabriquer
un nouveau combustible à base d’uranium et de plutonium, le MOX.
La photographie montre le carrousel des boîtes de plutonium utilisées pour cette fabrication dans l’usine Melox d’AREVA à Bagnols-sur-Cèze.
© AREVA

À moyen terme, un réacteur de troisième génération comme l’EPR — c’est une de ses vertus —
pourrait se prêter au multi-recyclage de la matière fissile, c’est-à-dire que le plutonium issu
d’un combustible MOX usé pourrait en être extrait et retourner en réacteur.

Le MOX présente l’avantage inattendu, mais méconnu, de pouvoir contribuer au démantèlement des bombes atomiques.
Rien n’empêche de fabriquer du MOX avec le plutonium de qualité militaire, riche à plus de 90 % en Pu-239 fissile.
Brûlé en réacteur, ce matériau des bombes devient pollué par des isotopes non fissiles ; dénaturé, il devient
inutilisable pour des bombes.

Il existe des perspectives à long terme pour réduire ou stabiliser la quantité de plutonium accumulée
par les réacteurs actuels. Les réacteurs de « quatrième génération », héritiers de Superphénix,
auraient besoin du plutonium accumulé pendant 40 ans de fonctionnement d’un REP pour démarrer vers 2040 !
Des réacteurs au thorium pourraient en consommer sans en produire !

SUITE : Options pour le plutonium