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Du plutonium dans le combustible des réacteurs …

Pour la production d’énergie, le plutonium vaut de l’or ! Un gramme de plutonium-239 peut générer autant d’électricité qu’une tonne de pétrole. Fissile, cet élément peut remplacer l’uranium-235 dans un combustible nucléaire. On peut ainsi économiser une fraction de cet isotope rare et précieux.

Assemblage de combustible MOX
Assemblage MOX dans l’usine Melox de fabrication de combustibles MOX de Marcoule près de Bagnols-sur-Cèze, en France. Les assemblages contenant du plutonium sont beaucoup plus radioactifs que ceux à base uniquement d’uranium. Leur manipulation est entièrement robotisée et leur transport nécessite des emballages spéciaux.
© PHILIPPE LESAGE /AREVA

Depuis 1985, des réacteurs nucléaires français à eau pressurisée ont été adaptés pour brûler des assemblages d’un nouveau combustible contenant 5 à 7 % de plutonium mélangé à de l’uranium normal issu du retraitement. L’uranium et le plutonium se présentant sous forme d’oxydes, le nouveau combustible est appelé MOX : Mixed oxydes. Actuellement, 19 réacteurs d’EDF sont régulièrement chargés en MOX.

Pour ne pas affecter le fonctionnement des réacteurs à eau pressurisée qui n’ont pas été conçus pour le plutonium, on n’introduit dans la charge de combustible que 30% d’assemblages de MOX à côté de 70 % d’assemblages traditionnels d’uranium enrichi.

Les assemblages de MOX sont produits à l’Usine MELOX, près de Marcoule

Composition du combustible MOX
Composition d’un assemblage de Mox neuf, ramenée à une tonne de métal (uranium et plutonium). Les isotopes fissiles (uranium-235, Plutonium-239 et 241) sont indiqués en hachuré et représentent 4,3 % du total. L’uranium-235 ne constitue que 0,2 %, car l’on a recyclé de l’uranium « appauvri » pour confectionner les assemblages. Les isotopes du plutonium, beaucoup plus radioactifs que ceux de l’uranium, génèrent une radioactivité très supérieure à celles des combustibles UOX à l’uranium enrichi.
© IN2P3

Un recyclage … mais limité et incomplet

Le combustible MOX recycle une partie du plutonium issu du retraitement. Il faut extraire le plutonium d’environ sept assemblages de combustible usé pour fabriquer un assemblage MOX. Pour consommer tout le plutonium récupéré du retraitement, il faudrait disposer en France de 28 réacteurs capables de brûler du MOX au lieu de 20 actuellement.

La capture de neutrons dans l’uranium présent dans un assemblage MOX générant du plutonium en même temps qu’il est brûlé, la quantité finale de plutonium n’est réduite que de 30%. A leur sortie de réacteur, les combustibles MOX sont plus radioactifs que les combustibles UOX usés. Ils requièrent un refroidissement plus long de quelques années avant de pouvoir être retraités. Un retraitement de combustibles MOX usés est en principe possible. AREVA avait traité 70 tonnes de MOX usés en janvier 2014. Il a fallu adapter la chaine de traitement (le procédé PUREX), mais les principes restent les mêmes.

Répartition des crayons dans un assemblage tout MOX
Un cœur de réacteur REP brûlant du plutonium comporte 30 % de crayons MOX regroupés dans des assemblages tout MOX. La section d’un de ces assemblages montre des crayons pas tous identiques. On distingue trois zones d’enrichissements différents en plutonium ainsi que les tubes-guides dans lesquels coulissent les crayons absorbants pour le contrôle de la réaction en chaîne. Les répartitions des assemblages dans le cœur et des crayons dans les assemblages visent à ne pas perturber le flux de neutrons et le fonctionnement.
© AREVA (photo) et CEA.

Environ 30 % des isotopes du plutonium présents dans le MOX ne sont pas fissiles par des neutrons lents et ne peuvent pas être brûlés dans les réacteurs conventionnels du type REP. Pour brûler le plutonium, le recours au MOX avec ces réacteurs s’avère peu efficace comparé aux performances des réacteurs à neutrons rapides.

Le recyclage multiple du plutonium, prouvé techniquement mais cher, n’est pas envisagé. avec les réacteurs actuels de seconde génération. Le plutonium contenu dans les MOX usés s’accumule donc à raison de 7 tonnes par an. La sagesse voudrait que le moment venu ce plutonium serve à alimenrer ces réacteurs à neutrons rapides qui les brûleraient. En attendant, les combustibles usés sont entreposés en piscine, le tonnage accumulé devant atteindre 4000 tonnes en 2035. En cas d’arrêt du nucléaire, sans mises en service de réacteurs à neutrons rapides, ce plutonium resterait sur les bras des générations futures !

Application à la destruction du plutonium des bombes :

Rien n’empêche de fabriquer du MOX en incorporant du plutonium de qualité militaire très riche en isotopes fissiles, soit en le dégradant avec du plutonium moins riche, soit en brûlant directement. Les Russes et les Américains s’intéressent à cette technologie pour démanteler leur stock de bombes atomiques. Le 23 janvier 2002, l’administration Bush avait confirmé le choix du MOX pour recycler son plutonium militaire en excès.

Mox usé : présence accrue d’actinides
La figure compare la production des actinides mineurs dans un réacteur REP ordinaire utilisant un combustible à l’uranium enrichi (UOX) et un combustible comportant 30 % d’assemblages MOX contenant du plutonium. Les chiffres sont donnés pour une charge annuelle de 20 tonnes de métal lourd (uranium et plutonium). Il est naturel de retrouver davantage d’actinides mineurs dans le MOX irradié, car ils sont plus faciles à former à partir du plutonium. Les actinides mineurs contribuant à la radioactivité à long terme des déchets radioactifs, ceci constitue un désavantage de ce combustible.
© IN2P3

LA RADIOACTIVITÉ DU MOX : Un combustible usé lent à refroidir et difficile à traiter

Les combustibles à base de MOX sont beaucoup plus radioactifs que ceux à base d’uranium enrichi, aussi bien à l’état neuf qu’après leur irradiation en réacteur. La radioactivité accrue est due à la présence des isotopes du plutonium dont les périodes s’échelonnent entre 14 ans et 370 000 ans, alors que celles de l’uranium-238 et de l’uranium-235 sont de 700 millions et 4.5 milliards d’années. La radioactivité varie en raison des périodes radioactives. Ceci explique que l’on puisse manipuler l’uranium pratiquement à mains nues alors que les pastilles de MOX contenant du plutonium sont un million de fois plus radioactives.

La fabrication, le conditionnement du MOX nécessitent en conséquence une radioprotection renforcée, leurs transports, chargements et déchargements des « châteaux » spécialisés. Des boîtes à gants suffisent pour la fabrication, les isotopes du plutonium émettant des rayons alpha peu pénétrants.

Un dégagement de chaleur accru
La comparaison de l’évolution du dégagement thermique des combustibles irradiés montre que le MOX dégage de 2 à 7 fois plus de chaleur que les combustibles classiques à base d’uranium (UOX). Il faut attendre environ 50 ans pour que le dégagement de chaleur atteigne celui du combustible à l’uranium au bout de 5 ans, délai requis par le retraitement. On remarquera la part accrue des isotopes du plutonium et d’actinides comme l’américium et le curium.
© IN2P3 (Source CNE).

Après un passage en réacteur, le MOX dégage plus de radioactivité et de chaleur que le combustible classique. Les assemblages de MOX irradiés contiennent plus de deux fois plus d’actinides mineurs que les assemblages classiques. Les proportions des américium-241 et 242 sont notamment multipliées par 4 et celle du curium-244 par près de 10. Ces actinides à durée de vie relativement courte sont très radioactifs (la période du curium-244 n’est que 18 ans).

Au total, la toxicité radioactive est multipliée de 5 à 7 fois par rapport aux combustibles à l’uranium. Pour atteindre le niveau d’activité des combustibles conventionnels au moment de leur retraitement, le MOX mettrait environ 50 ans au lieu de 5 à 8 ans.

Cette radioactivité, ces longs délais et la dégradation de la qualité du plutonium expliquent pourquoi les assemblages irradiés de MOX sortis de réacteurs n’ont pas été retraités. Il n’est pas envisagé actuellement de le faire. Un multirecyclage en REP serait théoriquement possible. Ce sont surtout réacteurs des comme l’EPR ou à neutrons rapides ou hybrides qui seraient capables de brûler le plutonium et les actinides.

ANNEXES POUR EN SAVOIR PLUS SUR LA GESTION DU PLUTONIUM CIVIL
– 1) : Évolution des stocks de plutonium
– 2) : Comment gérer l’inventaire du plutonium

ET MILITAIRE
– 1) : Plutonium : Combustible, déchet ou explosif pour une bombe ?
– 2) : Prolifération du plutonium militaire