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Extraire du plutonium 239 à partir du combustible usé

Plutonium militaire et civil
Le plutonium utilisé dans les bombes atomiques est plus riche en isotope 239 que celui produit dans les réacteurs civils. Il en contient plus de 93 % contre environ 60 % dans le combustible usé des réacteurs REP. La présence dans le plutonium civil de près de 40 % d’autres isotopes le rend impropre à la bombe. En particulier, le plutonium-240 dont la concentration dépasse 20 % a pour effet de rendre une éventuelle bombe instable et inefficace.
© IN2P3

Pour la voie de du plutonium, la clef de la technologie est la maîtrise du retraitement du combustible usé d’un réacteur. Il s’agit d’extraire le plutonium-239 fissile qu’il contient. Ce plutonium-239 est formé quand des neutrons sont capturés par les noyaux d’uranium-238 du combustible d’un réacteur.

Le plutonium de qualité militaire utilisé pour les bombes contient plus de 93 % d’isotope 239 fissile. La contamination de l’isotope 240 ne doit pas dépasser 6 %. Le plutonium 240 qui possède en effet un taux de fission spontané relativement élevé émet des neutrons qui déclenchent des réactions en chaîne non désirées. Une concentration dépassant ce seuil provoquerait une pré-détonation de la bombe gênante pour sa fiabilité et mauvaise pour son efficacité.

Le plutonium civil formé dans le cœur des réacteurs contient environ 60 % d’isotope 239. Le reste est composé d’isotopes plus lourds dont environ 25 % de plutonium-240. Cette concentration élevée le rend impropre à la bombe.

Peut-on répéter la voie de l’enrichissement empruntée avec l’uranium et enrichir le plutonium civil à 93 % ou plus en isotope 239 ? Passer d’une concentration de 60 à 93 % semble plus facile que d’enrichir l’uranium de 0,7 à 90 %. Pourquoi donc ne pas faire circuler un composé gazeux dans des centrifugeuses ? La réponse est que les problèmes de sûreté et radioprotection seraient insurmontables. L’hexafluorure d’uranium circule sans problèmes dans des installations industrielles parce que l’uranium est très peu radioactif. Un gaz de plutonium le serait des dizaines de millions de fois plus !

Réacteur Nord Coréen
Les images d’archives vues à la télévision du réacteur Nord-Coréen de Yongbyon montrent ce qui ressemble à un réacteur expérimental avec des techniciens circulant aux alentours. Sur d’autres images, on voit ces techniciens retirant des barres de combustible afin d’en retirer le plutonium.
© DR

Pour arriver au plutonium des bombes, la solution consiste à recourir à des piles à plutonium. C’est la voie empruntée aux États-Unis durant la seconde guerre mondiale à Hanford, avant le développement des réacteurs plutonigènes durant la guerre froide. Les barres de combustibles ne restent pas plus de 4 mois dans le cœur de tels réacteurs afin de réduire la formation de plutonium-240 par capture successive de deux neutrons.

Certains réacteurs civils à uranium naturel et à eau lourde, dont le combustible est sorti fréquemment, se prêtent à la prolifération. Le combustible naturel, pauvre en matière fissile et rapidement épuisé, doit être renouvelé pratiquement en continu. Ces réacteurs utilisent comme modérateurs l’eau lourde (comme ceux de la filière canadienne CANDU) ou encore du graphite comme les premiers réacteurs de la filière UNGG française

De réacteurs de faible puissance sont à même de produire de petites quantités de plutonium : par exemple, la capacité de production d’un réacteur de 10 MWe est de 2 kg par an. C’est la voie qu’a poursuivi la Corée du Nord dans ses efforts pour fabriquer quelques bombes.

Eau lourde : des réacteurs proliférants
L’Iran a construit à Arak un petit réacteur de recherches à eau lourde de 50 MW qui aurait dû être mis en service en 2015. Destiné à la production d’isotopes en particulier pour la médecine, il aurait pu produire du plutonium pour une bombe. Les réacteurs à eau lourde qui fonctionnent à l’uranium naturel peuvent fabriquer du plutonium de qualité militaire. Après l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien, le réacteur d’Arak devait être modifié pour ne pas produire un tel plutonium.
© DR

Une des exigences requises pour les réacteurs de quatrième génération du futur sera leur résistance à la prolifération. Ils ne devront pas se prêter à la récupération de plutonium de qualité militaire. Des dispositifs de surveillance, installés à proximité des réacteurs, seraient à même de vérifier que les exploitants nucléaires respectent les accords interdisant le détournement de plutonium à des fins militaires.

Les États-Unis sont derrière cette exigence de non détournement. On la retrouve derrière la clause qui stipule, dans le cas du réacteur iranien de Bushehr, que la Russie qui fournit le combustible le reprendra à la sortie. Cette clause préfigure un nucléaire de demain, où les nations qui n’offriraient pas toutes les garanties n’auraient pas d’accès à leur combustible.

VOIR : Réacteur d’Arak