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L’histoire tourmentée d’un réacteur longtemps inachevé

Site de Bushehr
Le premier réacteur iranien de Bushehr est complet à près de 85 % quand survient en 1979 la révolution islamique. Un moment abandonné, le site est bombardé à plusieurs reprises entre 1984 et 1988 par les avions de Saddam Hussein. Après la mort de l’ Ayatollah Khomeyni en 1989, Siemens n’obtient pas les licences d’exportation nécessaires et ne peut terminer le réacteur. Trente ans après le début de sa construction en 1974, la première unité n’est toujours pas achevée bien que le projet ait été repris en 1995 sous la forme d’un réacteur du type VVER-1000 logé dans la même enceinte (Source GlobalSecurity.org).
© IN2P3

L’Iran, qui revendique son droit au nucléaire civil, a mis plus de 30 ans pour achever son premier réacteur avec l’aide de la Russie. L’histoire du réacteur de Bushehr (ou Bouchehr), commencé avec l’Allemagne du temps du Shah en 1979, a été tourmentée. Bushehr est situé dans le sud de l’Iran en bordure du golfe Persique.

Le programme de réacteurs, pour lequel l’Iran revendique l’accès au nucléaire civil, est modeste par rapport à celui qui existait du temps du Shah Mohammed Reza Palhavi. Mais les Etats-Unis n’ont pas pardonné l’humiliation subie lors de la révolution de 1979. Ils ont multiplié les obstacles à sa réalisation en raison de leurs soupçons d’un programme militaire, ne reconnaissant le droit au nucléaire civil que du bout des lèvres : l’Iran riche en pétrole, n’a pas besoin de diversifier ses sources d’énergie et donc de réacteurs …

Pendant plus de dix ans, la Russie s’est engagée dans le cadre d’un gros contrat pour terminer le réacteur de Bushehr. L’histoire des déboires de ce réacteur rend compréhensible l’insistance des iraniens à vouloir maîtriser leur approvisionnement en combustible et donc à enrichir l’uranium.

1974 : Le Shah commande deux réacteurs à la firme allemande Siemens sur le site de Bushehr, têtes de série d’un ambitieux programme nucléaire de 20 réacteurs clefs en main. L’Iran entre dans le capital d’Eurodif et acquiert le droit à 10 % de la production de l’usine d’enrichissement de Tricastin.

1979 : Révolution Islamique. L’ayatollah Khomeyni prend le pouvoir (février). Prise d’assaut de l’ambassade américaine (novembre) et crise des otages. Les Etats-Unis sont traités de Grand Satan.

Busher I est complet à 85 % au moment du départ du Shah, mais l’Ayatollah déclare anti-islamique le projet qui est abandonné. L’Iran devient partenaire dormant d’Eurodif.

De 1984 à 1988, durant la guerre Iran-Irak, le site est bombardé par les avions de Saddam Hussein

1989 : Les Iraniens demandent à Siemens de finir Busher. Sous la pression américaine, le gouvernement allemand n’accorde pas la licence d’exportation des équipements des deux unités de Bushehr. Avant de s’entendre avec la Russie, l’Iran signe des accords avec l’Argentine, l’Espagne et d’autres pays qui sont dénoncés sous l’effet de pressions américaines.

1995 : L’Iran signe un contrat avec la Russie pour un réacteur VVER-1000 sur le même site. Pendant des années, les Etats-Unis s’opposèrent à l’implication de la Russie avant de l’accepter après que la Russie ait donné l’assurance que le combustible usé du réacteur serait retourné sur son territoire

2002 : Le président Bush classe l’Iran dans l’axe du mal.

2003-4 : L’Iran accepte que le combustible usé soit repris à la sortie du réacteur. Le démarrage de Busher est remis à 2006.

2006-2007 : Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne votent des sanctions contre l’Iran, mais affirment le droit au nucléaire civil longtemps contesté par les USA. Le réacteur de Busher, séparé du reste du dossier nucléaire iranien, n’est pas concerné par les sanctions.

Mars 2007 : La Russie donne son accord pour livrer du combustible faiblement enrichi pour alimenter la centrale afin de démarrer la production d’électricité en novembre.

17 décembre 2007 : Suite à la visite du Président Poutine à Téhéran, le constructeur russe annonce qu’il commence à livrer le combustible nucléaire de Busher. Les premiers conteneurs d’uranium, préalablement scellés par des inspecteurs de l’AIEA, arrivent sur le site. Ils sont placés dans un entrepôt spécial, sous garantie de l’AIEA, auquel un système international de garde et de surveillance est appliqué.

21 août 2010 : premier chargement de combustible russe
Le dôme couleur crème du réacteur de Bushehr, visible à plusieurs kilomètres, domine le Golfe Persique et une campagne verdoyante. Des soldats montent la garde autour de la centrale entourée de stations radars et d’installations de défenses anti-aériennes. En décembre 2007, 180 assemblages de combustible enrichi à 3,62 % en uranium-235 ont été livrés par la Russie. Le combustible restera sous la garantie et le contrôle de l’AIEA et sera ramené après usage en Russie pour y être retraité et entreposé. Le 21 août 2010, 163 assemblages de combustible ont commencé à être chargés dans le cœur du réacteur de 1000 mégawatts.
© AP

Un démarrage en 2010

L’histoire tourmentée du réacteur semblait alors presque terminée au bout de 30 ans. Une mise en service avait été prévue pour la fin 2008, avec 9 ans de retard sur les prévisions. Mais 2009 s’écoula sans que rien ne vienne. 2010 alors ? Peut-être.

18 mars 2010 – D’après le journal le Monde : “Le premier réacteur de la centrale nucléaire à Bushehr, en Iran, devrait être mis en service dès cet été“, a déclaré M. Poutine lors d’une réunion consacrée à l’énergie nucléaire. Il n’a cependant avancé aucune date exacte de l’achèvement de la centrale, déjà retardé à de multiples reprises depuis 31 ans notamment par les USA. Le même jour, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, interrogée, lors d’une conférence de presse à Moscou, estimait “prématuré, pour l’instant, la poursuite de tout projet nucléaire civil en Iran car nous voulons envoyer un message sans équivoque aux Iraniens

La construction elle-même de la centrale était officiellement achevée depuis février, la Russie ayant livré le combustible nucléaire nécessaire à son fonctionnement. Mais il restait à procéder au lancement ‘technique’, qui vise à tester les équipements, puis le lancement ‘énergétique’ proprement dit pour la production d’électricité.

Le 21 août 2010, les ingénieurs russes et iraniens commencèrent à charger le combustible à l’uranium dans le réacteur de 1000 megawatts.

27 novembre 2010 Toutes les barres de combustible sont dans le cœur du réacteur et il faut juste attendre la montée graduelle en température de l’eau et procéder à quelques essais annonça Akbar Salehi, chef de l’agence iranienne de l’énergie atomique : La centrale nucléaire de Bushehr, la première d’Iran, entrera en service “dans les deux prochains mois.

Les deux mois se transformèrent en une dizaine de mois à la suite de divers incidents, mais le 4 septembre 2011 l’agence de presse officielle iranienne annonçait que le réacteur de Busher était enfin raccordé au réseau électrique iranien à raison de 40% de sa puissance nominale.

2014-2015 Après la livraison de cette première unité, un accord fut signé avec les russes pour la construction de nouveaux deux réacteurs VVER-1000. La construction de ces deux nouveaux réacteurs a débuté le 29 décembre 2014 sur le site de Bushehr.

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