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Immobiliser ou recycler le plutonium ?

Il est beaucoup plus difficile de se débarrasser du plutonium de qualité militaire, qui contient plus de 93 % d’isotope 239 fissile, que de se débarrasser de l’uranium militaire. L’uranium fortement enrichi (HEU) peut être dilué car on dispose de grandes quantités d’uranium pauvre en isotope 235 fissile comme l’uranium naturel. Il n’existe pas de plutonium naturel – cet élément artificiel est produit en réacteur – et encore moins de plutonium pauvre en isotope 239 car le plutonium généré par les réacteurs civils en contient près de 60%.

Pour disposer du plutonium militaire, deux techniques ont été retenues dans le cadre de la coopération entre les USA et la Russie mise en place en 1996 : l’immobilisation et le recyclage dans des réacteurs civils.

Immobilisation contre incinération en réacteur
La figure compare les options pour le démantèlement de bombes au plutonium contenant 95 % d’isotope 239 fissile. L’immobilisation, qui consiste à enfouir le plutonium-239 après l’avoir enrobé de produits très radioactifs, ne le fait pas disparaître. La seconde option consiste à le reconvertir en combustible civil (du type MOX) pour le brûler dans des réacteurs existants. Après le passage dans ces réacteurs, 50% du plutonium-239 est détruit. Le plutonium ne peut plus être réutilisé dans une bombe car sa composition isotopique est dégradée.
© IN2P3 (source General atomics).

Immobilisation : L’immobilisation consiste à enrober dans une matrice de verre ou de céramique le plutonium-239 avec d’autres déchets dont l’extrême radioactivité se veut dissuasive – par exemple des produits de fission – puis à stocker le tout en profondeur. L’inconvénient est que le plutonium militaire ne disparaît pas. La radioactivité de ces déchets sera-t-elle suffisante pour dissuader de futurs terroristes de les récupérer avec un équipement sophistiqué ?

Recyclage : Le recyclage consiste à incorporer du plutonium militaire dans le combustible de réacteurs capables de le brûler. Une fois le combustible passé en réacteur pour la production d’électricité, le plutonium résiduel est devenu impropre à la fabrication d’armes. La plupart des réacteurs futurs de quatrième génération seraient beaucoup plus efficaces pour détruire le plutonium des bombes que les réacteurs actuels, mais le déploiement de tels réacteurs n’est pas envisagé avant 2015-2020.

Destruction du plutonium militaire
La dégradation du plutonium militaire par le combustible MOX peut être pratiquée dans des réacteurs similaires à ceux adaptés en France pour brûler du MOX. La durée du passage en réacteur – limitée à 4 ans à cause de la tenue des gaines de combustibles – empêche de dégrader davantage le plutonium. Avec des combustibles permettant des irradiations beaucoup plus fortes, il serait possible de détruire plus de 90 % du plutonium-239 en un seul passage comme avec les réacteurs à hautes températures HTR. Mais ces réacteurs sont encore à l’état de prototypes.
© IN2P3 (Source General Atomics).

Pour ne pas retarder l’élimination du plutonium des bombes, il a été décidé de recourir aux réacteurs du parc actuel. La solution retenue consiste à mélanger ce plutonium avec de l’uranium dans un combustible de type MOX. Le passage du combustible en réacteur détruit environ 50 % du plutonium-239 et dénature le reste, tout en produisant de l’énergie. Les réacteurs civils à base de MOX ne peuvent incinérer tout le plutonium-239. Il faudrait pour cela des temps de séjour en réacteur, très supérieurs à ceux permis par la tenue des gaines du combustible.

Pour éliminer la plus grande partie du plutonium-239 lors d’un seul passage en réacteur, il faut un combustible à même de supporter des taux d’irradiation très élevés. Ce serait par exemple le cas des billes de céramiques des réacteurs à haute température (HTR) capables de supporter prés de 10 fois l’irradiation des gaines de combustible des réacteurs standards.

Stop … au désarmement
Paradoxalement, la destruction des bombes atomiques peut se heurter à des obstacles imprévus. Fin 2004, des militants  pacifistes s’opposèrent en France aux premier démantèlement de bombes au plutonium ! Ne disposant pas encore des usines nécessaires, les États-Unis désiraient fabriquer quelques assemblages de MOX pour maîtriser la destruction du plutonium militaire en réacteur. Ce test nécessitait le transport à Cadarache d’un échantillon de 140 kg de plutonium, l’équivalent une fois détruit d’une vingtaine de bombes.
© Greenpeace

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