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Un accident aggravé par des défauts de conceptions

L’analyse à chaud de l’accident de Tchernobyl par l’AIEA en août 1986 insistait sur la responsabilité des opérateurs, mais les évaluations ultérieures y associent un second facteur important, les défauts de conception du réacteur.

1) Un coefficient de vide positif à faible puissance-.

Le coefficient de température ( appelé aussi coefficient de vide) indique comment un réacteur réagit naturellement à une augmentation ou une diminution de température. Ce facteur est lié à la quantité de neutrons absorbés en cours de ralentissement et donc perdus pour de nouvelles fissions. Si le coefficient est positif, une augmentation ou diminution de température sera amplifiée : sans dispositif de contrôle le réacteur sera instable.

La vaporisation de l’eau favorise les fissions
Une vaporisation de l’eau de refroidissement à la suite d’une élévation de température accroit le nombre de neutrons disponibles pour la fission, l’énergie dégagée et donc la température. Cet effet déstabilisant est à l’origine de l’instabilité à faible puissance des RBMK. Quand les neutrons traversent le mélange eau-vapeur, moins de neutrons sont capturés par les protons des atomes d’hydrogène, du fait de la vapeur (taille de la flèche verte). Davantage de la vapeur signifie davantage de neutrons disponibles pour la fission.
@ IN2P3

Les réacteurs RBMK sont caractérisés à faible puissance par un « coefficient de température positif ». Le combustible et l’eau de refroidissement qui devient vapeur contribuent d’une manière antagoniste à ce coefficient, en capturant des neutrons durant leur ralentissement. Le coefficient de température négatif du combustible va dans le bon sens : quand la température augmente, davantage de neutrons sont capturés du fait de l’agitation thermique (effet Doppler) et donc perdus pour la fission. Le coefficient de température de l’eau de refroidissement est lui positif. Quand elle se vaporise l’eau devient moins dense, davantage de neutrons sont disponibles pour la fission : le dégagement d’énergie s’emballe.

La vaporisation de l’eau dans un RBMK génère donc une réactivité positive. En fonctionnement normal, le coefficient de température négatif du combustible l’emporte sur celui positif de l’eau de refroidissement. A puissance réduite, c’est le contraire : le coefficient de vide positif de l’eau l’emporte. Le réacteur devient naturellement instable et sujet à de brusques à-coups de puissance. Cette instabilité a entraîné d’abord une chute de puissance et surtout plus tard l’à-coup fatal.

2) Un système d’arrêt d’urgence lent et peu fiable -.

Le second défaut majeur fut un système d’arrêt d’urgence lent et peu fiable. Lors de l’essai, un grand nombre de barres avaient été retirées pour remonter la puissance, alors que selon les consignes d’exploitation, il fallait laisser au moins l’équivalent de 30 barres de commande insérées pour garder le contrôle du réacteur et contrecarrer le coefficient de température positif ! Seules six à huit barres avaient été laissées.

Une insertion trop lente des barres de commandes
On utilise des barres de commandes, constituées d’une matière très absorbante de neutrons pour stopper en cas d’urgence les réactions de fission. De telles barres doivent être insérées rapidement. Dans les RBMK de Tchernobyl, l’insertion de ces barres était trop lente. De plus l’extrémité inférieure était en graphite, un matériau qui ralentit les neutrons et favorise les fissions. C’est ainsi que la barre de gauche, en début d’insertion dans le cœur du réacteur, accélère les fissions, contrairement à l’effet désiré, alors que les deux autres barres bien insérées les stoppent.
@ IN2P3

Quand la puissance s’est mise à monter brusquement, il aurait fallu introduire, rapidement, suffisamment de barres absorbantes. Or dans le cas du RBMK de Tchernobyl, la chute de ces barres était lente – environ 18 secondes – et peu fiable. De plus, elle commençait par accélérer la réaction en chaîne avant de l’étouffer : l’extrémité des barres était en graphite, un matériau qui modère les neutrons sans les capturer et donc favorise les fissions.

Un confinement insuffisant
LA photo montre le hall situé juste au-dessus du réacteur jumeau No.3. Le réacteur se trouve sous la grande dalle polygonale du premier plan. Des plaques, absorbantes de neutrons, font office de “bouchons” au dessus des tubes de force sous pression contenant les éléments combustibles situés quelques mètres plus bas. Cette dalle d’environ 2000 tonnes et une autre installée sous le réacteur constituent l’essentiel du confinement. En Occident, la quasi-totalité des centrales sont protégées par une double coque de ciment et d’acier, séparées d’environ deux mètres, qui s’avèrent très utiles pour confiner les émissions radioactives.
@ Progetto Humus

Absence d’enceinte de confinement

Enfin, les RBMK ne disposent pas d’enceinte de confinement comme celle qui entoure un réacteur de type REP. En revanche, les RBMK disposent de plusieurs compartiments étanches, destinés à assurer le confinement de différentes zones du réacteur. A l’époque de Tchernobyl, ce système avait été conçu pour faire face à la rupture d’un tube de force. Les ruptures multiples de tubes de force n’étaient donc pas couvertes par cette conception.

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