Nagasaki : premiers secours
Extraits du compte-rendu du docteur Takashi Nagai
Dans le compte-rendu sur les secours qu’il destine aux autorités de son Université, le docteur Nagai se désigne tantôt à la première personne, tantôt sous le nom du capitaine.
L’explosion le surprend alors qu’il classe des plaques pour rayons X. Le personnel du service vaque à ses occupations habituelles. Cinq infirmières viennent de partir s’occuper de pommes de terre dans un potager. L’image des infirmières partant sans le savoir vers la mort hante leur capitaine : « J’avais vu les visages de ces cinq personnes passer devant moi avant de les regarder de dos s’éloigner puis disparaître une à une devant mes yeux ». On comptera 72 morts parmi le personnel de l’université et celui de l’hôpital associé.
Le docteur Nagai est lui même blessé, atteint de nombreuses coupures du côté droit dues à des éclats de verre. La coupure sur sa tempe droite est si profonde qu’elle sectionne une artère. Il mène les opérations de secours un bandage autour de la tête avant de s’effondrer un moment du fait de la perte de sang. « Comment décrire les silhouettes des membres de notre équipe. De pauvres bohémiens cassés par le feu, sans maison, sans refuge, sans lieu où dormir. Nos seuls habits étaient ceux que nous portions sur nos corps. Nous avions tout juste survécu ».
C’est cette équipe qui improvise les premiers secours : « Vous pouvez imaginer que les opérations de secours étaient menées avec courage et rapidement, mais ce n’est pas la vérité. Nos actions étaient lentes parce que nous étions nous-mêmes blessés après avoir juste échappé à l’ensevelissement et nous n’avions pas d’énergie vitale ».
Les blessés continuent d’arriver de la ville, parfois en rampant. Certains s’effondrent devant l’entrée. Il n’y a plus de brancards. Il faut évacuer les blessés en les portant : « En contrebas, la ville entière était en feu. L’incendie remontait vers la colline poussé par un vent d’ouest. Celui de l’hôpital redoublant, il fallut évacuer vers une colline à l’arrière en grimpant sur des rochers, le passage normal étant obstrué ».
Le lendemain, il fut possible d’atteindre l’école de pharmacie. Le quartier d’Urakami n’était plus qu’une colline brune sans maisons. Les membres de la petite équipe regardèrent en silence leurs maisons. Il ne restait rien. Le docteur Nagai négocia avec la préfecture le transport en voiture des blessés : « Il me fut répondu que ce serait difficile à arranger pour ce jour. Les trains étaient plein de blessés et ne pouvaient tous les transporter. Ceux qui restaient étaient laissés dans un champ. J’abandonnai ».
Le second jour s’avéra le pire pour l’équipe : « Nous étions couchés tout le jour en raison de la fatigue accrue causée par les radiations ; de plus, nous ne pouvions rien faire pour les patients dans un état critique qui gémissaient autour de nous. Par manque de matériel chirurgical, nous ne pouvions que leur demander ‘Comment allez-vous ?’ et les laisser boire de l’eau ou manger des citrouilles. S’il vous plait, pardonnez-nous ».
Dans son rapport, le docteur s’accuse à plusieurs reprises de n’en avoir pas fait assez. Mais comme le dit la préface de l’édition japonaise : « Les membres du onzième corps médical et leur capitaine ne furent jamais négligents dans leurs devoirs. Ils accomplirent leurs tâches dans les pires circonstances. Ils avaient pratiquement tous été blessés et auraient dû être eux-mêmes en convalescence. Ils effectuèrent leurs opérations et apportèrent leur assistance, sans les facilités apportées par un matériel abondant, des ambulances et l’assistance de personnel ».
Source : Atomic Bomb Rescue and Relief Report, Takashi Nagai, MD – Edited by Fidelius R.Kuo (2000)
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